Comment faire pour lutter contre le gaspillage des ressources naturelles ? Comment agir pour protéger l’environnement et notamment la faune ? Au fil des années, ces questions ont pris une importance parfois dramatique du fait des crises et des situations d’urgence. A ce sujet, le débat entre les économistes est loin d’être clos. Comme c’est souvent le cas, plusieurs tendances s’opposent autour de la question des privatisations et de leur rôle censé être salvateur.
Privatiser pour protéger…
La tendance la plus importante, ou du moins celle qui a encore et toujours le vent en poupe, défend l’idée d’un recours systématique au marché. Ce dernier serait l’arbitre rationnel dont l’influence permettrait de limiter les dégâts. Une école revendiquant un caractère novateur a même fait son apparition. Il s’agit de la « nouvelle économie des ressources » qui fait de la privatisation des ressources (ou de la faune…) le moyen le plus sûr de lutter contre les excès de la surproduction. L’un des exemples les plus cités pour illustrer les préceptes de ce courant est le cas des éléphants.
On sait que ces derniers subissent un braconnage intensif en raison du commerce illégal de l’ivoire. Il y a quelques années, Gregory Mankiw, économiste et ancien membre de l’équipe de conseillers du président Georges W. Bush fils, a ainsi préconisé que les troupeaux de pachydermes soient… privatisés. Autrement dit, qu’ils soient vendus et que leurs propriétaires soient les seuls à pouvoir disposer d’eux.
Dans ce type de raisonnement, l’idée de base est que l’intérêt du propriétaire le poussera à agir efficacement pour défendre sa propriété contre les braconniers. Une protection qui serait bien plus efficace que celle des Etats désargentés et minés par la corruption. Il faut dire d’ailleurs que plusieurs pays ont expérimenté ce genre de démarche à l’image du Botswana ou du Malawi.
Or, ces expériences sont loin d’avoir donné des résultats concluants. Le braconnage demeure une menace permanente et les propriétaires sont obligés soit de réclamer l’intervention de l’Etat et de ses forces de sécurité, soit de recourir eux-mêmes à la protection armée des troupeaux. De plus, la privatisation d’animaux sauvages ouvre la voie à des dérives mercantiles comme la commercialisation de leur viande ce qui, au départ, n’était pas le but recherché.
Le capitalisme réparerait ses excès
L’exemple qui vient d’être cité n’est pas anecdotique tant il est utilisé à l’envi par les thuriféraires de la nouvelle économie des ressources. Partant de là, les exposés relayent ensuite les revendications habituelles à propos de la nécessité de privatiser l’eau ou les ressources minières, agricoles.
De même, le marché étant paré de toutes les vertus et de tout le rationalisme possible, on explique aussi que la croissance à tout prix n’est pas incompatible avec la protection de l’environnement et cela pour peu que le marché soit autorisé à jouer un rôle principal. On en arrive ainsi à une logique bien étonnante : après avoir organisé le saccage de la planète et de ses ressources, le capitalisme, par un recentrage étonnant, prétend aujourd’hui traiter les conséquences de ses propres excès.
Bien sûr, affirmer en opposition à tout cela que l’Etat demeure la meilleure solution ne suffit pas. Dans un monde où le modèle de croissance à tout prix atteint ses limites, la question de la gestion des ressources naturelles mérite un aggiornamento complet incluant des réflexions novatrices sur le rôle et les prérogatives des acteurs locaux et non gouvernementaux. Au lieu de cela, on sent bien que les mécanismes enclenchés mènent vers une valorisation de la privatisation.