Le tribunal criminel près de la cour de Blida a entendu jeudi, les responsables ou d’ex- patrons d’entreprises publiques, poursuivis pour corruption, et abus de pouvoir, dans le cadre de l’affaire Khalifa.
Se sont succédés à la barre, lors de la neuvième journée du procès Khalifa, d’anciens directeurs et responsables de la comptabilité et des finances des Offices de Promotion et de Gestion de l’Immobilier (OPGI), de Aïn Temouchent, Oran, Relizane, de l’Entreprise nationale de la Transformation des Produits Lourds d’Oran (TPL), ainsi que l’ancienne PDG d’un centre d’études étatique Oran. Tous acquittés en 2007, ils devaient répondre à nouveau aux chefs d’accusation de corruption (réception de cadeaux, de sommes d’argents, de voyages gratuits sur les lignes Al Khalifa Airways…), de transfert de fonds des entreprises publiques vers l’agence Khalifa Bank d’Oran, gérée à l’époque par le dénommé Korse Hakim. Les réponses de ces responsables, qui ont déposé, entre 1999 et 2002, l’équivalent de 800 millions DA, à Khalifa Bank d’Oran, étaient quasi identiques. « Nous avons signé une convention avec l’agence de Khalifa Bank d’Oran, directement avec M. Korse Hakim. Car c’était la seule banque qui donnait des taux d’intérêts attractifs », ont-ils répondu au président du tribunal criminel de Blida, affirmant aussi qu’ils ne se doutaient de « rien du tout », du moment que « la banque est agrée par l’Etat et soumise au control de l’inspection bancaire ».
Pour ce qui est des cadeaux, services gratuits, sommes d’agents et autres faveurs qu’ils auraient reçus, les mis en cause affirment avoir été « surpris » de voir, lors de leurs présentations devant la gendarmerie nationale en 2007, des documents témoignant l’existence de ces faveurs. Par ailleurs, excepté l’Entreprise nationale de la Transformation des Produits Lourds d’Oran (TPL) qui récupéré, en 2002, la totalité des 240 millions DA déposés chez Khalifa Bank, en plus de 17 millions DA d’intérêts (selon son ancien responsable Ben M’hamed Abdelhamid), et l’OPGI de Relizane qui a récupérer 5% des 800.000 DA via le liquidateur de la banque, M. Badsi Moncef, les autres institutions ont toutes perdu leurs investissements.
L’argent d’investisseurs fantômes
Dans la matinée, M. Djedidi Toufik, ancien directeur de la caisse nationale des retraites d’Oum Al Bouaghi, a été transféré de sa cellule, où il purge à coté de Mir Omar, ex-directeur de l’agence Khalifa de Chéraga, une peine de dix ans de prison pour une autre affaire de corruption et de dilapidation de deniers publics, suite à une plainte déposée par l’agence de la CNR d’Oum Al Bouaghi. Djedidi avait un compte en dinar et un autre en devise au niveau de l’agence Khalifa de Chéraga. Son compte devise a reçu un virement de 149.000 $, puis un autre à 130.000 $. Sur la provenance de cet argent, M. Djedidi affirme que ceux sont des dépôts d’investisseurs égyptien et israélo-australien voulant investir en Algérie. Toutefois, il ne saura jamais répondre clairement à la question du juge sur la nature de ces investissements. Le compte de M. Djedidi s’est vu alimenté en juillet 2003, juste avant la fermeture de Khalifa Bank, de 21 millions DA, en provenance de l’entreprise CERAMA Médéa. Selon les documents présentés par le juge et le ministère public, cet argent fut transféré le même jour où cette prétendue entreprise, possédée par l’égyptien et l’israélo australien dont les identités n’ont pas été révélées au parquet. Djedidi Toufik, dit ne pas savoir qui a mis cet argent dans son compte qui a transféré son équivalent à l’étranger. Avant de conclure sa version des faits, il exclu son codétenu Mir Omar de toutes responsabilités, et rejette cette dernière entièrement sur la secrétaire de M. Omar, Mme A. B. Par ailleurs, Djedidi a aussi bénéficié de 2 voitures de marque asiatique et d’autres faveurs du Groupe Khalifa.
Aoun : « On a essayé de me nuire »
L’ancien Président Directeur Général du groupe pharmaceutique Saïdal, Ali Aoun, s’est présenté aussi devant le juge pour corruption et abus de pouvoir. Ali Aoun était chargé en 1995, de liquider le groupe Saïdal qui était déclaré (faillite), car il connaissait un déficit financier de 160 millions DA. « On m’a chargé de liquider Saïdal qui connaissait un déficit de 160 millions DA, et dont les employés n’étaient pas payés depuis 6 mois à mon arrivée », affirme-t-il. Ali Aoun a procédé à un audit qui lui a permis de constater que l’entreprise était encore viable. Et une prospection de marché du médicament en Algérie qu’il a évalué à l’époque à 800 millions DA. Il propose alors, un plan de redressement de l’entreprise, et signe en 1999 une convention avec l’entreprise pharmaceutique de Abdelmoumène Khalifa KRG Pharma. Une convention résiliée plus tard. Ali Aoun sauve Saïdal et récupère les 59 millions déposés chez Khalifa à travers un transfert de créance. Il dit n’avoir vu Abdelmoumène Khalifa qu’une seule fois, lors d’un passage furtif à un diner organisé pour la signature de la convention entre les deux entreprises pharmaceutique. Un diner qu’il a du quitter pour prendre un avion en directions de Berlin. Ali Aoun, après son départ de Saïdal, rejoint le Groupe Cevital, puis le Groupe Haddad où il travail actuellement. « Cevital est arrivé là où il est grâce à moi en grande partie », glisse-t-il au juge. Celui qui a été nommé à trois reprises meilleur gestionnaire algérien par le président de la République Abdelaziz Bouteflika, et une fois meilleur gestionnaire en Afrique, affirme n’avoir eu besoin de rien prendre de KRG Pharma ni du groupe Khalifa, mais c’est plutôt ce dernier qui « a profité de la notoriété de Saïdal ».
Les magistrats insistent ensuite sur le véhicule Citroën C5, reçu comme cadeau du groupe Khalifa. Ali Aoun, confirme que la seule fois où il a vu cette voiture c’était quand il a appris cette accusation, fabriquée selon lui, par ses « détracteurs à l’intérieur même du Groupe Saïdal ». « Je n’ai vu cette voiture que lorsque mon fils l’a ramenée pour la vendre. Je ne l’ai pas restituée car le groupe Khalifa n’existait plus. C’est une autre tentative de nuisance. J’ai échappé à deux tentatives d’assassinat », a-t-il raconté. L’ancien PDG de Saidal est poursuivi dans cette affaire pour avoir reçu une voiture du Groupe Khalifa ainsi que deux cartes d’accès au centre de Thalassothérapie de Sidi Fredj. Cette dernière accusation fait rire Ali Aoun, qui dit au juge : « Mais quelqu’un va dans ce centre pas très hygiénique de Sidi Fredj. Je préférerais plutôt Hammam Assalhine ». Avant de conclure avec regret : « Il est vraiment lamentable de compromettre 36 ans d’activité de Saïdal pour une voiture ».