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Maghreb

Quelle stratégie pour l’Algérie face à sa surproduction de ciment ? (contribution)

Par Yazid Ferhat
mars 18, 2018
Quelle stratégie pour l’Algérie face à sa surproduction de ciment ? (contribution)

 

Le marché méditerranéen étant en surproduction, et la majorité des pays d’Afrique avec les  grandes firmes installant massivement localement des cimenteries, du fait du coût exorbitant du transport,  quelle stratégie pour l’Algérie  afin d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en pertes évaluées à des milliards de dollars ?

 

La première opération d’exportation  en Algérie  concerne 16.600 Tonnes de ciment gris  d’une valeur de 600 000 dollars,  soit environ 36 dollars la tonne.  Pour  le ciment, la commercialisation dépend de la croissance de l’économie mondiale dont  sa future structure avec la quatrième révolution industrielle qui se met progressivement en place 2018/2030 économisant rond à béton –ciment et énergie à plus de 30% , et également  du management stratégique, de la teneur du minerai   qui déterminent le coût d’exploitation  et le prix de cession final au consommateur. Le marché  méditerranéen étant en surproduction, et la majorité des pays d’Afrique avec les  grandes firmes installant massivement localement des cimenteries, du fait du coût exorbitant du transport,  quelle stratégie pour l’Algérie  afin d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en pertes évaluées à des milliards de dollars ?

1.- Selon les statiques internationales de février 2018, chaque seconde dans le monde, sont coulés 146 000 kilos de ciment (compteur), soit 4,6 milliards de tonnes par an, contre  en 2015  3,4 milliards de tonnes produites par an.  .Entre 2014 et 2016, la Chine a produit respectivement 2480 millions de tonnes en 2014 et 2410  en 2016, l’Inde  stable durant cette période environ 300 millions de tonnes, les USA 84 à 89, ma Turquie 75 à 72, le Brésil 60 à 68, la Russie 56 à 65, l’Iran 53 à 65, l’Indonésie stable 63 millions de tonnes, la Corée du Sud 55  à 60, le Vietnam  70 à 55 et l’Arabie Saoudite  de 61 à 54. Du fait de nouvelles méthodes de construction, les pays développés consomment de moins en moins de ciment, la grande part étant accaparée par les  pays émergents qui consomment aujourd’hui 90 % de la production de ciment, contre 65 % au début des années 1990.  Le prix de la tonne de ciment en vrac au niveau international  fluctue  ces dernières années entre 45 et 65 dollars la tonne. L’énergie représente 30 à 40% du prix de revient du ciment (hors frais d’amortissement) et cela suite aux nouveaux procédés techniques,  les cimentiers utilisant notamment de moins en moins de fours à procédé humide, qui sont peu éconergétiques, et se tournent vers les fours à procédé sec, plus économes en combustible, permettant  de  réduire sa consommation d’énergie de 30 p. 100 par tonne de ciment produite,  le procédé au four consommant  plus de 90 p. 100 de l’énergie requise pour fabriquer le ciment. Cela implique de nouvelles techniques pour réduire la consommation électrique .selon les experts consultés, cette industrie énergivore devra adapter les combustibles choisis en favorisant l’utilisation de déchets et combustibles secondaires, étant une des  solutions pour diminuer les coûts et pouvoir supporter une pression sur les prix.  Mais l’industrie cimentière est aussi fortement émettrice de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone – CO2), provenant des besoins en énergie calorifique, mais aussi du procédé de fabrication du ciment, d’où l’importance à rechercher tous les moyens de réduction des émissions de CO2 qui ont un  impact négatif sur la santé des populations avoisinantes. Si l’on prend plusieurs constructions  en Afrique, le cout d’une cimenterie   entre  un(1)  et  trois(3)  millions de tonnes varie entre 200 et 600 millions de dollars  pour les équipements fixes.   Le marché du ciment restant  très local, avec une constellation d’oligopoles au niveau mondial contrôlant les circuits de commercialisation en partenariat  avec les acteurs locaux, seulement   entre 5/10% de la production mondiale est destinée à l’exportation.

2.- Nous assistons à l’’implantation locale  de nombreuses cimenteries notamment en Afrique tant de grands cimentiers dont l’allemand Heidelberg,  la fusion entre le français Lafarge et le Suisse Holcim, l’entreprise chinoise Sinoma International Engineering (investissement d’environ 5 milliards de dolalrs) pour la construction de nouvelles cimenteries au Cameroun, Ehtiopie, Kenya , Mali, Niger , Nigeria , Sénégal, la Zambie  que des investisseurs privés  locaux. Ainsi selon SFI l’homme le plus riche d’Afrique, le Nigérien  Dangote Cement a investi  ces dernières années, environ 8 milliards de dollars a produit uniquement pour 2014 34 millions de tonnes de ciment  et prévoit 100 millions de tonnes pour 2020.  Ce regain pour le marché local au lieu d’exportation du pays d’origine, s’explique  selon les études internationales,  compte tenu de la très faible valeur spécifique du ciment, la vente sur des marchés très éloignés du site de production n’étant  pas économiquement viable, étant en général considéré que le ciment ne peut être avantageusement délivré au-delà d’une certaine distance critique. Le coût du transport peut même se révéler parfois plus élevé que le prix ex-usine et  le recours au cabotage constitue une alternative intéressante, particulièrement dans les cas où le réseau routier est défaillant. Ainsi selon une étude du quotidien  le Monde.fr, l’importation du bassin méditerranéen pour arriver au Burkina Faso une tonne de clinker coûte entre 53  et 61 euros impactant le coût de production. D’où la construction de cimenteries en série . Je ne citerai que le Bénin, le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée –Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria,   la Sierra Léone, le Togo, le Sénégal.  Au niveau du Maghreb la Mauritanie investit  également dans la production  du ciment, le Maroc , ce dernier à travers ses banques localisés en Afrique , investissant directement dans ce créneau  et la Tunisie sont actuellement en excédent.

3.- Avec  l’entrée en lice des nouvelles usines et dédoublements de lignes de production, il  est prévu  d’atteindre horizon 2020, pour l’Algérie , environ  30 millions de tonnes toujours selon  les prévisions rendues publiques par le ministère de l’industrie et des mines et si les nouveaux projets se réalisent 40 millions de tonnes horizon 2025. Fin 2017, plus 96% des capacités de production de ciment   relèvent  actuellement  de deux grands groupes, GICA (public) et Lafarge-Holcim,  17 cimenteries en service produisant respectivement 13.5 millions de tonnes et 11.1 millions de tonnes. Selon  le  Ministère de l’industrie la production  nationale de ciment devait dépasser la barre des 25 millions de tonnes en 2017,  contre à 17.5 millions de tonnes en 2010 et à 22 millions de tonnes en 2016, la demande  au moment  où le gouvernement investissait massivement  via  la dépense publique dans  les  infrastructures logements s’établissait à environ  24 millions de tonnes. Si ces prévisions venaient à se confirmer, se poserait alors le problème de trouver des débouchés  aux excédents  par rapport à la demande nationale  qui pourrait être en baisse,  si,  de nombreux projets d’habitat et d’équipements venaient à être abandonnés en raison du déclin de nos recettes d’hydrocarbures. Or plusieurs projets de nouvelles lignes de productions ou de nouvelles cimenteries sont en cours de réalisation. À Chlef, le projet de réalisation d’une nouvelle ligne de production de 2 millions de tonnes devrait entrer en production en 2019. À Zahana,  devant  entrer en production  horizon 2020. Deux cimenteries sont également en cours de réalisation, une à Béchar avec une capacité de production d’un million de tonnes annuel et une à Segusd’Oum El Bouaghi  avec une capacité de production prévue de 2 millions de tonnes,  devant  entrer en service en 2020. Nous avons par ailleurs  trois cimenteries : à Biskra par la « SPA Biskria » d’une capacité de 4.5 millions de tonnes par an et actuellement mis partiellement en exploitation, à Adrar par la « Sarl Sidi Moussa Travaux Généraux et Promotion Immobilière » d’une capacité de 3 millions de tonnes annuels , une cimenterie à Laghouat du « Groupement Amouda Engeneerig  d’une capacité de près de 2.1 millions de tonnes par an et en cours de réalisation et  quatre projets  approuvés par le Conseil National de l’Investissement dont  le projet de cimenterie du « Groupe ETRHB Haddad » à Relizane, validé d’une  capacité de production de  6 millions de tonnes par an, sans  oublier la seconde cimenterie, qui sera réalisée à Djelfa en partenariat avec deux entreprises algérienne et chinoise, devrait compléter les 4 millions de tonnes par an, soit 10 millions de tonnes pour ce groupe,  le projet de la Hodna Cement company d’une capacité à M’sila , de 2,6 millions de tonnes par an) et ce n’est pas fini.

4.- Tenant compte du coût usine plus transport quelle quantité et à  quel prix l’Algérie pour couvrir les frais en plus de la marge bénéficiaire pourra t- elle exporter,  que ces unités bénéficiant d’avantages financiers, fiscaux  et des sorties de devises au cours officiel?  La première opération d’exportation  en Algérie  concerne 16.600 Tonnes de ciment gris en vrac de la cimenterie Lafarge d’Oggaz, d’une valeur de 600 000 dollars, restant après retrait des coûts  environ 360.000 dollars montant insignifiant,  soit environ 36 dollars la tonne. En exportant 10 millions de tonnes, et  étant optimiste avec  un cours de 60 dollars la tonne sortie usine (selon la revue usine nouvelle en  2016 par exemple pour la France, le   prix d’achat d’une tonne de clinker importée s’élève à environ 40 euros et le coût de la tonne fabriquée en France à 25 euros), le chiffre d’affaire ne dépassera pas 600 millions devant  soustraire 60% de coûts fixes (amortissement de l’investissement)  et variables y compris le transport restant à se partager avec le partenaire étranger un peu plus de  300 millions de dollars et restant pour le trésor algérien avec la règle des 49/51%   160 millions de dollars. A un prix export de 36 dollars  come cela a été le cas pour les exportations récentes algériennes de 16.600 tonnes,  le montant  ne dépassera pas 120 millions de dollars et se pose la rentabilité par rapport au lourd investissement avancé.  Par ailleurs, le  ciment étant difficile à transporter, les sites de production se situent généralement près des lieux de consommation.   Au niveau de la Méditerranée existe une surproduction.  L’Algérie pourrait –elle exporter lorsqu’on sait que d’importantes unités de production sont mis en place ou en voie de l’être  concernant toute l’Afrique comme mis en relief précédemment ? En Algérie,  où nous assistons actuellement  à la sous- utilisation de capacités avec le risque du refroidissement si le stockage est de longue durée, accroissant les coûts , alors inutilisables pour la construction, étant presque impossible d’exporter vers l’Afrique où, contrairement à certains discours ne reposant sur aucune étude de marché séreuses,  les parts de marché sont déjà pris avec de nombreux complexes en voie de réalisation ou dans certains pays  d’Afrique comme le souligne l’enquête du monde.fr,  l’offre dépasse largement la demande . Pour ce cas, de nouvelles méthodes de construction au niveau mondial sont en cours économisant le rond à béton, le ciment et l’énergie et selon les experts, la seule solution, comme en Allemagne, est d’utiliser le béton pour construire les routes revenant souvent moins cher que le bitume importé  et rentabiliser toutes ces sorties de devises au cours officiel ?

En conclusion, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique au sein de laquelle doit s’insérer la politique industrielle (institutions, système financier, fiscal, douanier, domanial, système socio-éducatif, le marché du travail, le foncier ect.), afin de s’adapter aux nouvelles filières mondiales en perpétuelles évolutions poussées par l’innovation. Sans cette nécessaire adaptation au nouveau monde en perpétuelle mutation,  renvoyant à une nette volonté politique d’accélérer les réformes, donc à un renouveau culturel pas seulement des responsables mais de la société, l’Algérie ayant toutes les potentialités pour dépasser le statut quo actuel, il est vain de pénétrer le marché mondial et encore moins la filière minière contrôlée par quelques firmes internationales sans un partenariat gagnant -gagnant.

 Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL  

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