M A G H R E B

E M E R G E N T

Idées

Quelques recommandations pour améliorer la pérennité du système de retraite algérien (contribution)

Par Yacine Temlali
juin 16, 2016
Quelques recommandations pour améliorer la pérennité du système de retraite algérien (contribution)

Comme la valeur du dinar, le taux d’emploi est fonction de la rente des hydrocarbures, directement mais aussi indirectement, à plus de 70%, via la dépense publique. Les hydrocarbures représentent, avec les produits dérivés, plus de 97% des revenus des exportations et sont à l’origine de l’essentiel de nos réserves de change. L’alimentation des caisses de retraites en est elle aussi, d’une certaine manière, dépendante.

 

 

Dans le système en vigueur actuellement en Algérie, l’assiette de calcul de la pension de retraite peut être les cinq dernières années ou les cinq meilleures années. Toute personne ayant cumulé 32 années d’activité (1) peut, si elle en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l’âge de départ légal de 60 ans. Selon les chiffres de la Caisse nationale des retraites (CNR), au 31 décembre 2015, un total de 246.503 Algériens bénéficiaient de cette retraite sans condition d’âge, sur un total de 1.740.281 allocataires.

L’assurance-vieillesse algérienne prévoit d’autres exceptions au départ à la retraite à 60 ans. Les personnes âgées de plus de 50 ans, avec 20 ans d’activité peuvent bénéficier d’une « retraite proportionnelle » ; les femmes peuvent faire leur demande de retraite à 55 ans. Le montant de la pension de retraite en Algérie ne peut être inférieur à 75% du salaire national minimum garanti (18.000 dinars/mois depuis le 1er janvier 2012).

Selon les données gouvernementales, la CNR verse, chaque année, 770 milliards de dinars sous forme de pensions à des retraités dont plus de 50% ont quitté leur emploi avant l’âge de 60 ans. Selon d’autres sources proches du ministère du Travail,les versements de la CNR en 2015 ont bénéficié à quelque 2 millions 700 mille personnes, dont 1 million 700 mille ont bénéficié de pensions et d’allocations de retraite et 1 million de pensions et d’allocations de réversion. 

Le décret exécutif n°15-289 du 14 novembre 2015 relatif aux non-salariés exerçant pour leur propre compte et affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos), ne prévoit aucun changement, s’agissant de l’âge de départ à la retraite. Son article 9 stipule que sans préjudice des dispositions des articles 8 et 21 de la loi 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite, l’âge donnant droit à la pension de retraite est de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes. L’assiette servant de base au calcul de la pension de retraite est constituée par la moyenne calculée des assiettes de cotisation des 10 meilleures années. Toujours selon ce décret, la personne non salariée exerçant une activité pour son compte et n’ayant pas réuni les conditions de travail et de cotisation exigées par la réglementation et la législation en vigueur peut bénéficier d’une validation d’années d’assurance dans la limite de 5 ans, en contrepartie du versement de cotisations de rachat.

 

L’accès à l’emploi doit être une priorité

 

La pérennité des caisses de retraite est liée à un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, dont les sous-segments sont une nouvelle politique de l’emploi et une nouvelle politique de gestion de la sécurité sociale et de la fiscalité. 

Le financement de la protection sociale continue à être assis, pour l’essentiel, sur les cotisations sociales et à absorber les gains de productivité au détriment de l’emploi et des salaires directs. Force est de reconnaître qu’avec la baisse de la salarisation, due à l’accroissement du chômage, cela pèse sur les comptes des caisses de la sécurité sociale. La pérennité du système risque d’être menacée à moyen terme et nécessite de profondes réformes structurelles. En prévision d’une chute brutale des cours du pétrole, l’on doit réfléchir à des mesures pérennes et non conjoncturelles. D’une manière générale, la notion d’équité a changé et l’accès à l’emploi doit être une priorité car la protection sociale actuelle accroît le chômage. Ce n’est donc pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes mais la maîtrise de la dépense aussi bien celle globale que celle remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas celui nécessairement celui qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. L’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle menaçant les plus démunis.

 

Réformer le régime de retraite des hauts cadres de l’Etat

 

En attendant qu’une économie productive se mette en place, voici mes recommandations au gouvernement.

1- 5% des recettes d’hydrocarbures doivent alimenter les caisses de retraite annuellement.

2- Toutes les personnes ayant 32 années de travail plein peuvent aspirer à la retraite, sauf s’ils sont volontaires (des exceptions doivent être prévues, évidemment, pour des personnes malades ou ayant subi un accident de travail). Tout travail au-delà doit de cet âge bénéficier d’un système de pondération. 

3- Pour les métiers pénibles, ainsi que pour les femmes, il y a lieu de prévoir des clauses de spécificité, variant entre 20 et 32 ans.

4-Dans les métiers non pénibles, comme (enseignement universitaire, médecine, etc.) on peut, si on le désire, partir en retraite entre 65 et 70 ans, après une évaluation scientifique.

5- Pour les cadres de l’Etat, un décret de 20 ans doit être exigé, de même que pour les députés et les sénateurs, et ce, pour plus de justice (actuellement un simple sous-directeur de ministère ayant 10 ans de décret, bénéfice d’une retraite à 100% alors qu’un professeur d’université, avec 32 années de travail, ne peut prétendre qu’à une retraite à 80%).

6- Pour bénéficier d’une retraite de Premier ministre et de ministre, il faut avoir exercé au moins 5 ans, le calcul en deçà de ce seuil minimal devant se faire proportionnellement.

7-Une nouvelle politique salariale est nécessaire, avec un écart substantiel entre la sphère économique, les segments contribuant indirectement à la création de valeur (critères du PNUD : santé-éducation) et les emplois strictement administratifs. D’une manière générale, il doit y avoir une harmonisation différenciée incluant toutes les catégories socioprofessionnelles y compris ceux du ministère de la Défense nationale.

 

(*) Professeur des Universités, expert International en management stratégique.

 

Notes

(1) Il y a exception pour les hauts cadres de l’Etat qui ont une retraite à 100% après 10 ans d’activité.

 

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités Idées

« Ihsane, privé de ta liberté, tu restes un homme libre » (Saïd Djaafer)

Cher Ihsane, Notre complicité humaine et professionnelle qui remonte à loin ne nous a pas mis devant la question délicate de savoir s’il faut souhaiter un “joyeux anniversaire” à quelqu’un… Lire Plus

Actualités Idées

Cinq pistes économiques sur lesquelles devraient réfléchir le futur gouvernement légitime (Contribution)

L’ébullition politique, que suscite la situation politique actuelle, dans notre pays, est normale à plus d’un titre, après des décennies de silence forcé ou plutôt, qu’à la seule source du… Lire Plus

Idées

Avec Gaïd Salah, le régime décrépit ne marche plus que sur un pied, le sécuritaire

Le dispositif répressif a connu une escalade de plus dans la capitale pour ce 19e vendredi, alors que la semaine a prolongé le désert politique du côté du régime. Impasse intégrale ?… Lire Plus

Contributions Idées

Crise politique en Algérie : urgence de dépasser l’entropie actuelle par le dialogue productif

Comme  je l’ai souligné dans plusieurs contributions parues au   niveau  national/ international, une longue période de transition ne peut que conduire le pays à l’impasse économique et politique, d’où l’urgence d’un… Lire Plus

Actualités Idées

Nabni lance un chantier autour de la liberté de manifester et de s’exprimer en Algérie

« La liberté de rassemblement et de manifestation : Se réapproprier l’espace public reconquis le 22 février 2019 », est le troisième « Chantier de refondation » du Think-Tank NABNI.