Le problème du rapatriement des devises de la diaspora algérienne ne se pose pas en termes d’existence ou non d’agences bancaires algériennes à l’étranger mais en termes de taux de change.
Les Algériens vivant à l’étranger, notamment en France, transfèrent, selon les statistiques de la Banque mondiale, plus de 2 milliards de dollars vers l’Algérie chaque année. En 2016, c’était 2.4 milliards de dollars. Ce chiffre est-il important ? Pas du tout quand on sait que la diaspora algérienne avoisine les 8 millions. Mais, pour le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, tout comme pour le patron de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, ce chiffre est si important qu’il constitue un irréversible motif pour ouvrir des agences bancaires en France, pays où ce concentre le plus l’immigration algérienne.
En effet, La Banque extérieure d’Algérie (BEA) ouvrira cinq (5) agences bancaires en France dès 2018, a indiqué samedi à Alger le Gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, en marge de la réunion des partenaires à la Tripartite pour la signature de la Charte sur le Partenariat sociétaire, en précisant que « ces agences seront installées dans cinq villes françaises choisies en fonction de la densité de la communauté algérienne, notamment Paris, Lyon et Marseille ». Raouya aussi en parle avec extase. Décidément, l’argent de la diaspora algérienne fait fantasmer le Gouvernement qui s’empresse d’ouvrir des comptoirs pour le ramasser. Or, le problème du rapatriement des devises de la diaspora algérienne ne se pose pas en termes d’existence ou non d’agences bancaires algériennes à l’étranger mais en termes de taux de change.
« Ça ne m’intéresse pas de faire un transfert par le biais de la banque. Je ne suis pas assez idiot pour le faire puisque j’ai la possibilité de faire le change dans le marché noir pour le double de ce qu’offre les banques », nous confie Rafik, un Algérien établi en France. Djamel, banquier dans la région lyonnaise, n’en pense pas moins. « Je suis du métier et j’adhère théoriquement à l’idée de combattre l’informel. Mais les conditions qui prévalaient en Algérie favorisent davantage l’informel que le formel. La surévaluation du dinar fait que les écarts entre le marché formel et le marché informel sont très importants. Difficile de ne pas céder à la tentation », affirme –t-il, visiblement gênée. « Moi, je ne fais le change au niveau des banques que quand il y a urgence. Sinon, quand j’ai le choix, je le fait une fois arrivé en Algérie dans le marché noir. C’est deux fois plus intéressant », confie Selma, une dame activant dans le commerce à Milan.
L’ouverture de cinq agences de la Banque Extérieure d’Algérie en France ne va, compte tenu de la surévaluation du dinar, jouer aucun rôle particulier. Le transfert de la moyenne de 2 milliards de dollars par an, c’est peu et ce chiffre représente les cas où il n’est pas possible de passer par un autre canal et il est quasiment statique. Toutefois, ce chiffre peut-être multiplié par 4 ou 5 mais à une seule condition : mettre fin à la surévaluation du dinar et au marché informel de change qui en est la conséquence directe. Or, cette entreprise n’est à l’ordre du jour ni pour patron de la Banque d’Algérie ni pour le Gouvernement.