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Algérie

Redistribution des cartes sur le marché algérien de l’automobile

Par Yacine Temlali
mars 20, 2016
Redistribution des cartes sur le marché algérien de l’automobile

La négociation de parts de marché contre des investissements qui était au principe de la création du statut de concessionnaire dès le début des années 1990 semble se concrétiser au cours des derniers mois à la faveur du volontarisme de l’exécutif. Elle est favorisée par l’instauration de quotas d’importation et intervient curieusement dans un contexte de fort rétrécissement de la taille du marché automobile national.

 

 

Il régnait une curieuse ambiance lors du premier week-end de l’édition 2016 du Salon international de l’automobile d’Alger qui s’est ouvert jeudi, au Palais des expositions. Comme au cours des éditions précédentes, le public a répondu présent massivement, mais le nombre de participants est clairement en baisse.

Les constructeurs américains notamment semblent avoir disparu des radars, probablement pour cause de forte dévaluation du dinar par rapport au dollar. Les constructeurs asiatiques également ont réduit la voilure et le haut du pavé des surfaces d’exposition et des modèles présentés est clairement occupé par un trio composé des français Renault et Peugeot complété par les marques du groupe Volkswagen. La fièvre acheteuse des dernières années avec ses files d’attente, ses nombreuses remises et ses paiements cash a cédé la place à une manifestation où la vente est interdite. Des hôtesses expliquent, en outre, en souriant aux visiteurs que la plupart des modèles exposés « ne sont pas disponibles » tandis que les prix de nombreux modèles ne sont pas encore communiqués.

 

Un marché qui rétrécit

 

Le marché automobile algérien a connu au cours des dernières années des évolutions à donner le tournis à n’importe quel observateur. L’année 2012 avait établi le record vertigineux de 605.000 véhicules importés et d’une facture d’importation de plus de 8 milliards de dollars. L’Algérie, annonçaient triomphalement beaucoup de commentateurs nationaux, est devenue « le premier marché automobile d’Afrique » devant l’Afrique du Sud. En 2013,ça allait encore : malgré une légère baisse des importations, le marché algérien de l’automobile c’était une cinquantaine de concessionnaires recensés par les Douanes algériennes qui se partageaient un gâteau de 7,3 milliards de dollars pour un peu plus de 550.000 véhicules importés. Les premiers signes d’une baisse de la température et d’un tassement très net du marché étaient apparus au début de l’année 2014.

Cette année-là, l’association des concessionnaires, très inquiète, annonçait déjà des ventes en baisse de près de 30% à 420.000 unités pour une facture de 5,7 milliards de dollars. Ce n’était qu’un début. Le nombre des véhicules importés en 2015 a encore chuté lourdement pour atteindre 265.000 unités tandis que l’ardoise pour l’Algérie est tombée à 3,14 milliards de dollars.

 

Fin de cycle et concurrence renforcée

 

La tendance au retournement brutal du marché automobile est donc confirmée et amplifiée par les derniers chiffres disponibles. Des importations qui ont déjà été divisées par deux et demi en nombre de véhicules à fin 2015 et qui, de façon très caractéristique, nous ramènent à la situation de…. 2010 ! On s’était beaucoup interrogé sur les causes de l’emballement du marché entre 2011 et 2013.Un cycle de 3 ans déclenché, on peut en être sûr maintenant, par les augmentations de salaires accordées en 2011 et 2012 essentiellement aux travailleurs de la fonction publique et des entreprises étatiques. Plus que ces augmentations de salaires elles mêmes, ce sont les fameux « rappels » sur deux voire trois ans, qui avaient été pointés du doigt pour expliquer la croissance exponentielle du marché automobile algérien au cours des dernières années.

 

Un « petit » contingent de 152.000 véhicules en 2016

 

Une évolution accélérée qui, pourtant, n’est pas jugée encore suffisante par les pouvoirs publics qui ont décidé en janvier dernier d’imposer cette année des quotas d’importation administrés. Le contingent global des véhicules, dont le délai de dépôt des demandes de licences a expiré le 3 février dernier, a été fixé à 152.000 unités sur l’année 2016. Le quota des importations des véhicules sera attribué au concessionnaire en fonction de ce que représentait, en pourcentage, la part qu’il avait l’habitude d’importer par rapport aux importations globales annuelles de véhicules. « Nous prendrons en considération le courant d’échanges traditionnels du concessionnaire, c’est-à-dire que nous allons répartir les quotas sur la base de la part de marché de chaque concessionnaire sur les trois dernières années », explique l’un des membres du Comité permanent chargé des délivrances de ces licences.

Au total donc, entre le « pic » historique de 2012 et une année 2016 qui devrait être celle des « vaches maigres », les importations de véhicules auront connu une baisse vertigineuse et ont été divisées pratiquement par quatre.

 

Quel avenir pour le marché de l’auto en Algérie ?

 

Il ne faut sans doute pas chercher beaucoup plus loin que dans cet effondrement des importations, accéléré par la mise en place d’une gestion administrative, les raisons de l’engouement soudain de nombreux constructeurs automobile pour la création d’unités de production en Algérie. Après Renault l’année dernière – dont la décision semble avoir ouvert une brèche dans l’attitude des constructeurs vis-à-vis du marché algérien – c’est Peugeot qui devrait s’engager en avril prochain pour commencer à produire 3 modèles de voitures en Algérie dès 2017. L’un des actionnaires algérien de la filiale en cours de création, le PDG du groupe Condor, annonçait il y a une dizaine de jours que le pacte d’actionnaires associant Peugeot à deux partenaires privés algériens devrait être signé à l’occasion de la prochaine visite en Algérie du Premier ministre français.

Des négociations, moins avancées, sont également en cours avec le groupe Volkswagen qui a confirmé il y a quelques jours sa disponibilité pour « discuter avec le ministre et notre partenaire sur place, le groupe Sovac, d’un projet de fabrication locale » sur un marché que les représentants du constructeur allemand ont qualifié de « très attractif » et de « très important ».

Pour conserver leur place sur un marché algérien qui tend à se fermer aux importations, les constructeurs européens semblent donc en voie de se décider à faire le pas qui était réclamé depuis plusieurs décennies par les pouvoirs publics et à commencer à installer des usines de montage en Algérie. Ils sont fortement encouragés dans cette nouvelle démarche par une réglementation qui devient beaucoup plus contraignante ainsi que par le rétablissement du crédit à la consommation qui est réservé à la production locale.

Dans le dispositif mis en place depuis janvier par les banques, le crédit auto va, en effet, jouer un rôle central. On en a, si c’était nécessaire, une confirmation avec les déclarations du PDG de BNP Paribas El Djazaïr, M. Pascal Fèvre, qui relevait « un engouement pour la Renault Symbol » dès les premiers jours de la mise en place du nouveau crédit. « Nous avons conclu un partenariat avec Renault qui est notre partenaire au niveau mondial. Notre priorité est la Renault Symbol », a expliqué clairement le patron de la filiale algérienne du groupe bancaire.

 

Des bouleversements en perspective

 

Dans les années qui viennent, le marché automobile algérien devrait continuer à connaître des bouleversements importants. Ce sera d’abord des importations de véhicules astreintes à des normes plus strictes (on attend toujours le nouveau cahier des charges) pour des concessionnaires en nombre réduit et dont la quantité va être pilotée étroitement par les pouvoirs publics qui imposeront très certainement des contingents en réduction constante, en en faisant une arme de négociation. Parallèlement, on devrait assister assez rapidement à la montée en puissance d’une production locale censée se substituer progressivement aux importations et même dégager des excédents à l’exportation vers les marchés régionaux.

Cette stratégie globale était évoquée et recommandée par beaucoup d’analystes depuis le début des années 1990. Elle se met en place sous nos yeux depuis environ deux années et il faut certainement en créditer le gouvernement actuel qui en a fait une de ses priorités. Elle pourrait, cependant, être contrariée dans les prochaines années par les fortes contraintes financières que ne manqueront pas de créer à la fois les importations de véhicules réalisées par les concessionnaires et les importations destinées au montage réalisées par les constructeurs installés en Algérie qui ne sont soumis pour l’heure à aucune obligation en matière d’intégration des produits. A quoi il faudra ajouter des importations de pièces de rechange en quantité et en valeur déjà croissantes pour entretenir un parc de véhicules qui a dépassé 6 millions d’unités. Au total c’est une facture qui s’annonce donc très salée en et qui risque d’être surveillée comme le lait sur le feu par les pouvoirs publics algériens en ces temps de crise financière. 

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