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Algérie

Réponse à Slim Othmani (I) – Le Partenariat public-privé et le risque de prédation en Algérie

Par Saïd Djaafer
avril 26, 2017
Réponse à Slim Othmani (I) – Le Partenariat public-privé et le risque de prédation en Algérie

 

 

L’article de Slim Othmani sur les «6 Syndromes Phobiques de l’Economie Algérienne» a inspiré au chroniqueur Abed Charef des réflexions en 4 parties dont nous commençons la publication aujourd’hui. Le premier article porte sur l’interdiction de fait du partenariat public-privé (PPP) qui constitue bien un handicap pour les entreprises algériennes. Mais, estime-il, l’introduire en l’état actuel des choses contient un risque grave pour l’économie du pays.

Une revendication revient, de manière récurrente, dans les documents produits par le patronat algérien : le partenariat public-privé. A entendre les organisations patronales, il suffirait d’ouvrir le champ au PPP pour que l’économie algérienne retrouve du mordant. Ce qui est, au mieux, erroné ; au pire, un choix délibéré visant à faciliter une prédation à large échelle.

 Le partenariat public-privé, revendication défendue avec force par le FCE mais aussi par des organisations comme le Cercle d’Action et de Réflexion sur l’entreprise (CARE), relève à-priori du simple bon sens.

 En effet, une entreprise étrangère est libre de s’associer avec une entreprise algérienne, privée ou publique. Mais une entreprise publique algérienne ne peut s’associer avec une entreprise privée algérienne. C’est une ségrégation inacceptable, qui débouche sur une situation absurde. Elle doit être levée.

 C’est même une nécessité pour ouvrir de nouvelles perspectives aux entreprises algériennes, quel que soit leur statut. Des entreprises publiques, possédant une assiette financière et matérielle conséquente, gagneraient à se lancer dans des créneaux où leur nature ne leur offre pas la souplesse nécessaire pour agir.

 

 Faiblesse du management…

 

Un tel choix peut avoir un effet direct sur leur propre gestion. Elles peuvent être progressivement être a menées à organiser leur gestion de manière différente. Une introduction du capital privé pousserait à une gestion plus rigoureuse. Autre avantage : elles échapperaient à la pression bureaucratique insupportable de la tutelle, pour entrer dans un modèle de gestion proche de ce qui se pratique dans le privé et à l’international.

 

Lire l’article de Slim Othmani: Les 6 Syndromes Phobiques de l’Economie Algérienne et comment en Guérir

 

Pourtant, en l’état actuel des choses, une telle mesure serait extrêmement dangereuse pour le pays. Pour de nombreuses raisons. La première concerne la gouvernance de ces entreprises publiques.

 Slim Othmani, président de Care, fervent partisan du PPP, note, dans une contribution publiée par Maghreb Emergent, que les conseils d’administration de ces EPE « sont essentiellement constitués d’administrateurs figurants, ayant eu généralement accès à cette responsabilité moins pour leur compétence que pour les services rendus. Les injonctions des ministères de tutelles ont fini par sonner le glas de leur hypothétique compétitivité ». Cela se passe de commentaire.

Comment, dans une telle situation, faire confiance à ces « managers » pour évaluer leurs entreprises, piloter des projets communs avec des privés qui ont grandi dans les circonstances qu’on connait ? Comment détruire le soupçon selon lequel une éventuelle association avec le privé n’a pas été décidée sur injonction en vue simplement de transférer des biens publics vers le privé ?

 

… Et risque de prédation

 

La faiblesse du management, celle de l’administration, le manque de transparence, l’absence d’outils de contrôle, tout incite, aux yeux de l’opinion, à tirer une conclusion, et une seule, d’une opération PPP lancée avec les règles actuelles : on légalise la prédation d’une entreprise publique par une entreprise privée.

Pour caricaturer, une association entre l’ETRHB de Ali Haddad et Cosider mènerait, au bout d’un mandat présidentiel ou deux, à faire absorber la seconde par la première. En toute légalité. D’autant plus qu’on sait ce qui intéresse le plus les entreprises privées : le foncier situé en zone.

 Ceci rappelle trois évidences : il est absurde de vouloir dissocier l’acte économique de son contexte politique ; il est illusoire de penser que de telles mesures peuvent être prises du jour au lendemain, sans risques graves pour les entreprises publiques ; et il est nécessaire d’agir en amont, pour reconstituer un cadre politique et législatif adéquats, ainsi qu’un climat de transparence et de sérénité dans lequel le PPP deviendrait un acte normal, voire banal.

 

 Normaliser l’économie

 

 Cela signifie qu’il faudrait, d’une manière ou d’une autre, revenir à l’esprit des lois de 1988 (déjà) sur l’autonomie de l’entreprise : redonner à l’entreprise publique l’autonomie de gestion nécessaire pour lui permettre de nouer des accords avec les partenaires de son choix, sur les créneaux les plus porteurs, avec des responsabilités clairement établies entre ses différents organes de gestion et de direction. Le gouvernement, lui, se contenterait de son rôle de régulateur, à charge pour lui de favoriser tel secteur ou tel autre par des mesures fiscales adéquates.

 Un tel cadre économique changerait radicalement les données du problème. Il supprimerait de fait les discriminations traditionnelles, comme l’accès au foncier, au financement et aux devises. Il mettrait face à face des entreprises privées et des entreprises publiques qui ne se regarderaient plus comme rivales dans l’accès à la rente, mais comme des concurrents ou, mieux, comme des alliés.

Mais il s’agit là d’un terrain politique que le patronat algérien a choisi de déserter. Il a préféré vivre dans l’ombre du pouvoir, ce qui rend le PPP très, très suspect.

 

Prochain article demain: Réponse à Slim Othmani (II) : Dépénaliser l’acte de gestion, un faux problème

 

 

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