Dans cette contribution, l’auteur et poète, MAHDI Sâad-Eddine, fait un décryptage du livre « Le pétrole et le gaz naturel en Algérie. Comment les Algériens ont gagné la bataille de la récupération du pétrole et du gaz », de Belaïd Abdesselam, le premier patron de Sonatrach et ancien chef du gouvernement (de juillet 1992 à août 1993), et qui revient sur les grandes étapes de la nationalisation des hydrocarbures. Après avoir lancé la construction du pipe-line Haoud el Hamra-Arzew pour le transport du pétrole brut et crée la société nationale Sonatrach, l’Algérie devait engager une bataille pour l’exportation du gaz naturel qui allait peser dans les relations avec les sociétés pétrolières.
L’auteur est un homme-carrefour qui focalise des éléments de la dynamique nationale. Il se retrouve en 1962, à la tête de la politique de développement, au cœur de la bataille de récupération des ressources nationales. C’est « l’un des meilleurs succès, après la guerre de libération », dit-il. L’ouvrage qu’il présente, est sorti en catimini, des presses d’une maison d’édition nationale. Il remet en cause toute la logique du développement national des années 1980. Il s’attarde sur les pesanteurs du passé. Le 1er novembre 1954 ne fait aucune rupture programmatique avec le mouvement nationaliste. Le programme de Tripoli l’affirme : « le FLN, n’a pas dépassé le mot d’ordre d’indépendance, du mouvement traditionnel ». La Déclaration du 1er novembre 1954 est élémentaire. Elle réclame l’indépendance, point. Pour lui, les présidents (Ahmed) Bella et (Houari) Boumediene ont compris que « l’indépendance nationale n’est pas parachevée avec les accords d’Evian ». La récupération des hydrocarbures, est au cœur du parachèvement du processus d’indépendance. Elle n’aurait pu « se concevoir et se déployer sans les attributs de souveraineté légués par le compromis conclu à Evian, en mars 1962». L’auteur devait « convenir avec les représentants français de la mise en œuvre pratique sur le terrain des dispositions arrêtées, en ce qui concernait la mise en valeur des ressources du sous-sol saharien ». La guerre de libération visait la restauration de la souveraineté. Les accords d’Evian « en affirment clairement le principe ».
« Compromis révolutionnaire »
Le pays est arrivé à récupérer au bout de dix ans ses richesses minières et ses ressources en pétrole et en gaz naturel et à en maîtriser le processus lié à leur mise en valeur. Les accords d’Evian sont le type même du « compromis révolutionnaire » qui permet « de se saisir de ce qui est possible », en préservant l’avenir. Il dénonce la lecture pessimiste de ses accords car, « la situation née de ces accords, n’a pas été aussi catastrophique ». Les Algériens vont se frotter à l’âpreté du marché pétrolier mondial et entrer dans le rôle d’opérateur pétrolier. Les Algériens vont découvrir l’âpreté du marché pétrolier mondial et vont découvrir la complexité des prix du marché et de leur formation. Ils vont «imposer la détermination des prix du pétrole et contrôler les ressources fiscales du futur Etat Algérien ». Le fameux « Code pétrolier saharien » permettait aux sociétés pétrolières, la poursuite de leurs activités, dans les conditions qu’elles avaient elles-mêmes définies avant. Les dirigeants français étaient loin « d’appréhender la dynamique interne de la Révolution et ses effets d’accélération». Le contrôle des sociétés pétrolières et des activités liées à la mise en valeur va créer un précédent historique dans l’industrie pétrolière mondiale. Les sociétés pétrolières vont comprendre que l’Algérie est un partenaire différent. Les partenaires français considèrent toutes les initiatives (prospection, exploration) comme « des prétentions ». Le pays va « acquérir la maîtrise de la mise en valeur des ressources nationales ». Il y a une démarche pour la révision des clauses pétrolières et « le déploiement d’une stratégie pour des objectifs fondamentaux ». Le contrôle des changes est imposé, contre les soi-disant « droits acquis ». Les dirigeants français vont se rendre compte de l’inanité du système, « dans lequel ils avaient imaginé corseter l’Algérie » et la réduction « des ressources financières, revenant à l’Etat algérien ». L’Algérie « lance la construction du pipe-line Haoud el Hamra-Arzew, pour le transport du pétrole brut et crée la société nationale Sonatrach. La bataille, pour l’exportation du gaz naturel va peser dans les relations avec les sociétés pétrolières. Le projet Camel et le projet pétrochimique Somos sont agréés. Une action est engagée pour convaincre de la volonté de prendre en main l’exploitation du gaz naturel et surtout la maîtrise des opérations pour sa valorisation.
L’Algérie perd sa place de choix dans le marché mondial du gaz…
En 1963, « le marché du gaz naturel était à créer et à organiser » et « on a commencé à y tenir une place de choix, en particulier pour le GNL ». Au contact des personnalités internationales, l’auteur développe son background sur le développement. C’est autant d’investissement pour la politique industrielle et pour les futurs contrats d’exportation de GNL, par Sonatrach qui seront dénoncés par le pouvoir, dans les années 1980 (El Paso et Rhurgas). La place de choix que l’Algérie avait alors dans le marché mondial du gaz, «a été complètement perdue par la faute du régime de l’époque et du groupe de prétendus experts qui avait choisi d’annuler les contrats de GNL et de compromettre le sort du premier gazoduc sous-marin, inscrit à l’actif de notre pays ». Cette dernière réalisation, ne devra son salut qu’au paiement d’une commission qui va éclabousser la réputation internationale de l’Algérie. L’histoire est ainsi décrite dans ses moindres détails, depuis la création de Sonatrach autour de la réalisation du gazoduc Haoud-Hamra-Arzew, en passant par la négociation et l’accord du 29 juillet 1965 qui devait adapter la relation de partenariat dans le nouveau contexte d’indépendance, jusqu’aux décisions du 24 février 1971, portant nationalisation des sociétés pétrolières.