La suppression de l’article 87 bis sera au centre des travaux de la tripartite, qui se réunit jeudi. Une nouvelle réunion des partenaires sociaux qui aura surtout pour objectif d’absorber la fronde sociale.
La tripartite, qui regroupe gouvernement, syndicats et patronat, se réunit jeudi, pour un nouveau round qui permettra de calmer l’agitation sur le front social, mais qui n’aura pas d’impact significatif sur l’économie algérienne. Le premier ministre Abdelmalek Sellal, le chef de la centrale syndicale UGTA Abdelmadjid Sidi-Saïd, et le patron du Forum des chefs d’Entreprise (FCE) Rédha Hamiani, se retrouveront pour discuter notamment salaires et relance de l’économie, mais leur rencontre fait désormais partie d’un rituel médiatique aussi rodé qu’inefficace.
Les chefs d’entreprise sont les premiers à le regretter. Tous affirment trouver auprès du premier ministre une oreille attentive, et une disponibilité exceptionnelle à répondre à leurs doléances, mais dans les faits, les décisions prises sont rarement appliquées. Sur près de 200 mesures décidées au fil de différentes tripartites, seule une vingtaine a été appliquée, déplore un dirigeant du FCE.
Ce constat met en évidence le décalage entre les déclarations de bonne intention provenant de différentes parties, et la réalité d’un pays où la déliquescence institutionnelle et administrative empêche toute construction d’un projet cohérent.
Partage de rôles
La tripartie se transforme dès lors en une tribune médiatique où les rôles sont savamment partagés, mais où chacun jour pour soi, dans une étonnante convergence d’intérêts. Le gouvernement est dans une optique de maintien du statuquo, et de préservation de la paix sociale. Il fait toutes les concessions, en s’appuyant sur la manne financière offerte par les recettes des hydrocarbures, et sur la capacité de l’administration à faire échouer les projets. Il peut promettre aux entreprises de nombreuses facilités, mais sur le terrain, celles-ci ne seront jamais concrétisées, à cause de la rigidité des banques et des administrations.
Les patrons connaissent cette réalité, mais ils espèrent pouvoir en tirer profit, éventuellement de manière individuelle. Ils savent, par exemple, que le gouvernement a peu de choses à offrir dans le domaine du foncier industriel, mais chacun pense qu’il trouvera le wali ou le ministre susceptible de débloquer une situation en sa faveur, en s’appuyant sur une résolution de la tripartite.
Un patronat affaibli
Pour la tripartie de mardi, le patronat se présente toutefois en position affaiblie. Rédha Hamiani, président du FCE, l’organisation patronale la plus médiatique, est démissionnaire, et son successeur n’a toujours pas été officiellement désigné. En outre, le gouvernement a manœuvré pour élargir la représentation du patronat à d’autres organisations lors de la tripartite de février dernier, ce qui a provoqué un affaiblissement de la position patronale.
Quant à l’UGTA, elle a relancé la campagne pour la suppression du fameux article 87 bis du code du travail, qui fixe des modalités restrictives pour le calcul du salaire minimum garanti. Un accord avait été trouvé sur ce sujet lors de la tripartite de février 2014, mais les partenaires avaient convenu d’en différer l’application pour la fin de cette année.
Le patronat mène déjà campagne contre l’idée d’abroger le 87 bis, en mobilisant notamment des spécialistes qui soulignent l’impact désastreux, selon eux, de la suppression de cet article sur les entreprises, notamment les PME, qui ne pourraient survivre. Pour l’élite économique libérale hostile à la suppression de l’article 87 bis, une telle mesure provoquerait une hausse de la masse salariale, avec une poussée inflationniste, et un affaiblissement de la situation financière des PME, ce qui signifierait, selon elle, une incitation au travail au noir.
Personne n’a intérêt à jouer franc-jeu
Malgré ces approches divergentes, la tripartie réunit des partenaires parfaitement en phase sur le plan politique. Tous trois ont soutenu la candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat en avril dernier. Ils sont également signataires d’un pacte économique et social, un document sans consistance particulière, destiné d’abord à préserver la paix sociale, mais régulièrement mis en avant pour rappeler aux uns et aux autres leurs engagements respectifs.
En fait, « la tripartite vaut d’abord par sa symbolique », estime un économiste. « Elle montre qu’une entente entre intérêts contradictoires est possible. C’est ce que veut montrer le gouvernement », ajoute-t-il, affirmant que dans la conjoncture actuelle, «personne n’a intérêt à jouer franc-jeu ». Pour cet économiste, le gouvernement « n’a ni projet économique ni légitimité particulière ». Les patrons « savent qu’ils obtiendront en sous-main plus que ce qu’ils obtiendraient dans une négociation transparente », alors que l’UGTA « est un appareil qui ne représente plus travailleurs ». Résultat : tout le monde est gagnant dans cette tripartite qui déborde de bonnes intentions, mais n’influe pas sur la vie économique.