Risque d’une bulle immobilière en Algérie en cas de chute du cours des hydrocarbures - Maghreb Emergent

Risque d’une bulle immobilière en Algérie en cas de chute du cours des hydrocarbures

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J’attire l’attention du gouvernement sur le danger d’une bulle immobilière en Algérie en cas de chute du cours des hydrocarbures. en ce mois d’octobre 2014, le cours étant en dessous des 90 dollars le Brent et 85 dollars le WIT, sans compter le prix de cession du gaz totalement déconnecté du prix du pétrole à la baisse également, qui risque d’atteindre un pic entre 2017/2020, qui provoquerait inéluctablement une crise sociale sans précédent.

 

L’impact de la crise financière de 2008 n’est pas encore terminé du fait que l’on ne s’est pas attaqué aux fondamentaux, malgré certains progrès de Bâle III pour encadrer les banques, mais insuffisant faute d’une approche macro-économique globale et d’une régulation mondiale. Cette crise a un impact sur l’économie algérienne totalement extériorisée via les hydrocarbures, 98% des recettes en devises et important 70% des besoins des ménages et des entreprises et contribuant à plus de 80% à la dépense publique, la conséquence à terme du fait des subventions et des transferts sociaux, 60 milliards de dollars soit 27% du PIB, serait une bulle immobilière avec des conséquence sociales et politiques dramatiques.

 1.- Rappel des impacts de la bulle immobilière de 2008

a-Les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés;

b-Diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète ;

c-Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaires ;

d-Retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer ;

e-Crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan, mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation a fait chuter les bourses et paralyse le marché inter-bancaire ;

f-Les banques ne se prêtent plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ;

g-Face à la paralysie du marché, les banques centrales sont intervenues massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités ;

h-Comme conséquence avec de sondes de chocs pour la période actuelle, l’on est passé de l’endettement des banques à l’endettement des Etats. Ainsi comme cela s’est passé pour la crise de 1929, avec cette différence du fait de l’interdépendance des économies, c’est une crise systémique, c’est  la suprématie de la sphère financière sur la sphère réelle dont seulement les crédits hors banques approchent le PIB mondial, (pour l’Europe plus de trois fois le PIB et certains pays comme le Luxembourg paradis fiscal plus de 100 fois) avec une plus grande concentration depuis 2008. Parallèlement, la non symbiose entre la dynamique économique et la dynamique sociale, les bonus attribués aux dirigeants bancaires sont souvent plus de trois fois le taux de profit au niveau des secteurs productifs. Aussi  certains experts prévoient des bulles budgétaires avec donc des reports de l’endettement sur les générations futures, du fait des interventions successives des Etats pour sauver de la faillite les banques, qui se sont substitués aux bulles bancaires , qui risquent d’amplifier la crise mondiale, ainsi qu’avec des nouvelles technologies l’urgence de la sécurité de l’outil informatique afin de parer au risque de l’extension  de la cyber criminalité.

 2. Le danger d’une bulle immobilière en Algérie

En cas de chute de cours des hydrocarbures, d’épuisement du fonds de régulation des recettes, et allant vers l’épuisement des réserves de change ( nous devons laisser un minimum sinon le dinar sur le marché parallèle se coterait à plus de 400 dinars un euro), les  banques devront forcément relever leur taux d’intérêt, ne pouvant plus être recapitalisées via la rente des hydrocarbures, avec l’insolvabilité de bon nombre de citoyens ayant acquis des logements à des taux d’intérêts bonifiés ce qui risquerait de provoquer une véritable crise sociale et politique. C’est le même effet de l’impact de la crise de 1986 où pendant les années 1989/1991 pour les projets agréés par l’OSCIP, où à titre de rappel l’agrément nécessitait la signature de trois ministres, où le taux d’intérêt était passé de 5% à 15% ayant entraîné la faillite de bon nombre d’opérateurs privés. C’est la même situation qu’ont connue les USA lors de la crise de 2008 ou celle de l’Espagne qui a misé sur le BTPH (où d ‘ailleurs en Algérie l’on utilise les anciennes méthodes de construction forte consommatrice de rond à béton, de ciment et d’énergie), et qui a connu la plus grave crise économique de son histoire. Paradoxalement en cas de résolution de la crise de logements sans relance économique réelle, avec cette individualisation (un couple même logé ne peut- vivre avec 20.000/30.000 dinars net par mois) l’on prépare le nid à de vastes contestations sociales. Car actuellement plusieurs familles vivant sous le même toit, avec un revenu familial global (même marmite, partage des charges d’eau, d’électricité etc). Cela  atténue la détérioration du pouvoir d’achat individuel augmente le revenu familial consolidé et assure une certaine cohésion sociale.

 3.- Revoir les politiques de subventions et entamer de profondes réformes structurelles

D’où l’importance d’ores et déjà pour des raisons de sécurité nationale de penser aux réformes structurelles liées à la gouvernance et à la mise en place d’institutions adaptées, couplées selon une vision stratégique de long terme avec la réforme du système financier algérien, notamment public qui concentre plus de 85% des crédits octroyés (enjeu de pouvoir  et poumon des réformes). Cela conditionne le choix de segments en termes d’avantages comparatifs coût-qualité dans le cadre des valeurs internationales (industrie-agriculture-services) notamment en co-partenariat si l’on veut réaliser cette transition d’une production et exportation hors hydrocarbures elle même liée à la transition énergétique et éviter ce dépérissement du tissu productif, le secteur industriel représentant moins de 5% du PIB devant aller vers 15/20% minimum horizon 2020. Les chinois viennent de le comprendre en restreignant les crédits à l’immobilier dont le BTPH représente environ 25/30% de leur PIB, même au risque de ralentir leur taux de croissance. En raison de la persistance de la crise mondiale, les tendances baissières du cours des hydrocarbures  se confirment comme j’ai eu l’occasion de le souligner entre 2010/2014 dans de nombreuses contributions à la presse nationale et au cours d’une conférence « Crise mondiale, Sonatrach et le marché européen de l’énergie » en 2011 à l’invitation du parlement européen à Bruxelles et en 2012 au Sénat français. Aussi,  j’attire l’attention du gouvernement sur le danger d’une bulle immobilière en Algérie en cas de chute du cours des hydrocarbures ; en ce mois d’octobre 2014, le cours étant en dessous des 90 dollars le Brent et 85 dollars le WIT, sans compter le prix de cession du gaz totalement déconnecté du prix du pétrole à la baisse également, qui risque d’atteindre un pic entre 2017/2020, qui provoquerait inéluctablement une crise sociale sans précédent. L’Algérie ne peut continuer à verser des traitements et salaires sans contreparties productives et à dépenser sans compter.

(*) Dr Abderrahmane Mebtoul est professeur des Universités et expert international en management stratégique.

 

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