Sale temps pour la gauche en Amérique Latine - Maghreb Emergent

Sale temps pour la gauche en Amérique Latine

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Brésil, Venezuela, Bolivie : la gauche est sous pression en Amérique Latine. Une droite hystérique veut à tout prix renverser le cours de l’histoire.

 

Aussitôt le vote pour la destitution de Dilma Rousseff acté, le Brésil a rappelé son ambassadeur au Venezuela. Avant son départ au sommet du G20, en Chine, le nouveau président Michel Temer voulait absolument apporter aux puissants de ce monde un gage de docilité. Rencontrer le président Barack Obama avec cette promesse de rupture avec les héritiers d’Hugo Chavez, après avoir poussé Dilma Rousseff vers la sortie, est un gage qui peut être apprécié, en cette période où la gauche sud-américaine est soumise à une pression insupportable.

Dilma Rousself a été limogée alors qu’il n’y a aucun de soupçon de corruption contre elle. Elle est accusée d’avoir fait une présentation tronquée des comptes publics, mais à aucun moment, elle n’a a été poursuivie pour un  enrichissement quelconque. Ce sont plutôt ses détracteurs qui sont impliqués dans des affaires de pots-de-vin: 35 parmi les sénateurs qui ont voté sa destitution sont poursuivis, soupçonnés ou mêlés à des affaires de corruption.

L’offensive de la droite brésilienne ne s’arrête pas là. Dans une volonté de discréditer pensée et acteurs de gauche, et à éviter le retour de toute politique proche du petit peuple, la droite veut aussi écraser les symboles de ce qui a fait le récent renouveau brésilien.

Une droite revancharde

Dilma Rousself était une guérillera qui n’a pas hésité à porter les armes contre la dictature brésilienne des années 1960 et 1970. Impensable qu’une femme portant autant de symboles reste au pouvoir dans un pays émergent, membre du G20, symbole de la réussite de la gauche dans un continent gouverné jusqu’au tournant du siècle entre droite dure et extrême-droite.

Pour cette droite, revancharde et impatiente de reprendre les commandes, il fallait aller plus loin, en détruisant le symbole de la grande aventure brésilienne, couronnée par l’organisation de la Coupe du Monde de football et Jeux Olympiques. Lula, l’ancien ouvrier devenu président, dont les deux mandats ont permis à 60 millions de brésiliens de sortir du seuil de la pauvreté, devait à son tour être trainé dans la boue. Il est accusé de corruption.

L’offensive ne vise plus seulement une gauche en difficulté, mais elle veut écarter tout retour à une politique qui mettrait à la marge la vieille classe politique traditionnelle, conservatrice, nostalgique de la dictature, totalement soumise aux milieux d’affaires.

Au Venezuela, une guerre sans répit

Au Venezuela voisin, la droite s’est montrée encore plus féroce. Elle a littéralement rendu la vie impossible à un président légitime, élu démocratiquement, jamais mêlé à la moindre affaire de corruption. Depuis son accession au pouvoir, Nicolas Maduro est en effet soumis à un harcèlement politique insupportable. L’opposition, dirigée par les milieux d’affaires et appuyée par les Etats-Unis, a imposé des conditions telles que c’est un miracle que Maduro n’ait pas encore succombé à la tentation totalitaire. Elle veut le soumettre à un référendum de révocation, formule déjà subie par son mentor Hugo Chavez, en vigueur dans le seul Venezuela.

Maitrisant le commerce et les médias, la droite vénézuélienne a aussi gagné la bataille de l’image à l’extérieur. Maduro apparait comme un incompétent, un incapable, un homme qui n’arrive pas à assurer le bien-être du pays malgré les recettes pétrolières. L’étatisme et la distribution sociale qu’il a prônés ont empêché le pays de se développer. C’est oublier que le Venezuela a été dirigé pendant plus de soixante ans par la même classe politique qui lui reproche aujourd’hui la pauvreté du pays.

L’opposition a aussi paralysé les circuits commerciaux, asséché les sources d’approvisionnement, et créé des pénuries insupportables pour les plus démunis. Les produits de base ont disparu, l’électricité a été rationnée, le système de production fortement perturbé, avec comme résultat inévitable une montée de la grogne contre le gouvernement.

Dur revers en Bolivie

En Bolivie, c’est un autre pouvoir de gauche qui a subi un coup symbolique très dur. Rodolfo Illanes, vice-ministre bolivien de l’intérieur, a été séquestré puis assassiné par des mineurs en grève. Il est difficile de savoir s’il s’agit de vrais mineurs en colère, ou d’hommes qui voulaient louer leurs terrains miniers à des compagnies étrangères, ce qui serait contraire à la loi, comme l’affirme le gouvernement. Toujours est-il qu’un membre d’un gouvernement de gauche radicale a été tué dans un fief ouvrier, alors qu’il tentait d’engager le dialogue avec des « gueules noires ».

Après son échec lors du référendum de février 2016, visant à amender la constitution pour lui permettre de briguer un 4ème mandat, le président Evo Moralès voit sa marge se resserrer. Le départ de Dilma Rousseff accentue ses difficultés, mais le place surtout comme unique appui pour Nicolas Maduro, un appui bien faible. Même s’il peut encore compter sur Cuba. Mais même dans l’île de la liberté, les temps changent : pour la première fois depuis un demi-siècle, Cuba a reçu mercredi le premier vol régulier venant directement des Etats-Unis.

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