Partisan de Ali Benflis pour la présidentielle du 17 avril 2014, Abdelaziz Rahabi prône un abandon de la doctrine qui interdit à l’armée algérienne d’intervenir à l’étranger. Il propose la création d’une force englobant tous les pays du Maghreb et du Sahel.
Abdelaziz Rahabi veut faire bouger les lignes, y compris en matière de défense et de politique étrangère, thèmes très sensibles en Algérie. L’ancien ministre, partisan de Ali Benflis pour la présidentielle d’avril 2014, remet en cause la doctrine de non intervention de l’armée algérienne à l’étranger, et critique vertement l’attitude algérienne face au « printemps arabe ».
Invité de Radio M. Rahabi s’en prend aussi à la politique sécuritaire appliquée en Algérie. « Les nouvelles théories de sécurité mettent le citoyen au cœur de la sécurité », alors qu’en Algérie « on veut mettre les forces de sécurité au cœur de la théorie », a-t-il déclaré. Il déplore que l’armée soit impliquée dans la lutte antiterroriste, mais il affirme qu’elle s’est adaptée à cette tâche. L’armée a été « bien équipée ces dernières années aux frontières », après « un changement de stratégie opéré dans les années 1990 ». C’était « une armée très lourde, il fallait changer cette armée, la redéployer, etc. »
Mais aujourd’hui, l’armée doit échapper à « l’hypertrophie du discours sécuritaire ». Le Président Bouteflika, qu’il critique très durement, ne s’entretient qu’avec de rares personnes, dont le vice-ministre de la défense et chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah, note M. Rahabi. Ils parlent de « sécurité interne et aux frontières », brandissant constamment le « spectre de l’insécurité », comme si l’Algérie voulait passer « de la légitimité révolutionnaire à la légitimité sécuritaire ». « Personne n’a le monopole de la défense de la stabilité », affirme M. Rahabi.
L’armée est prête à une intervention à l’étranger
Il reconnait que, « oui, la menace existe, elle a changé de nature ». Mais il reproche au président Bouteflika de vouloir faire endosser à l’armée de nouvelles difficultés. Le chef de l’Etat « veut impliquer l’armée dans des questions de politique intérieure. C’est le meilleur moyen de rompre le consensus autour d’une armée », et de « fragiliser le lien peuple-armée », dit-il.
M. Rahabi remet aussi en cause la doctrine de non intervention de l’armée algérienne à l’étranger. « J’ai le sentiment que si nous venions à être agressés, nous exercerons notre droit à intervenir », a-t-il déclaré, ajoutant : « Nous le ferons ». Pour M. Rahabi, « l’armée est prête, le peuple est prêt ».
Ce changement de doctrine est « le fruit d’une réflexion en cours entre le ministère des affaires étrangères et celui de la défense », a-t-il indiqué. Ce virage est dicté par « des impératifs de politique étrangère, des intérêts économiques et de sécurité nationale ». Il devrait se concrétiser « de manière collective, au sein de l’union africaine ».
Selon M. Rahabi, « la limite n’est pas uniquement constitutionnelle, elle est aussi doctrinale ». Une « loi organique » est nécessaire pour consacrer ce changement, qui doit être consacré par « un débat et d’un consensus national », a-t-il dit, affirmant, de manière tranchée, à propos de la crise malienne : « nous avons eu tort de ne pas participer à des opérations à l’étranger. Nos militaires avaient beaucoup à apprendre en matière d’expérience ».
Expulser l’ambassadeur de Libye au lieu de loger au Club Des Pins
Dans le même sens, M. Rahabi préconise d’aller plus loin. Il a plaidé pour la création d’une structure militaire englobant à la fois les pays du Maghreb et du Sahel. Il a indiqué que le candidat Ali Benflis proposerait, dans son programme, de « créer une structure de coopération et de prévention en matière de sécurité régionale, qui engloberait tous les pays du Maghreb et tous les pays du Sahel ».
Une telle initiative permettrait d’éviter les erreurs récentes, comme en Libye. Pour M. Rahabi, les responsables politiques algériens « ont fait une erreur d’appréciation » sur la Tunisie et la Libye, lors du printemps arabe. « Ils ne mesuraient pas à quel point le désir de changement était fort » dans ces pays, a-t-il. Résultat, « nous avons perdu l’amitié du peuple libyen ». M. Rahabi impute toutefois l’erreur au président Bouteflika, en affirmant que « l’évaluation faite par le ministère des affaires étrangères n’est pas celle faite par le chef de l’Etat ».
Selon lui, « les affaires étrangères avaient demandé une politique un peu moins engagée avec Kadhafi », mais le président Bouteflika a persisté à soutenir le dirigeant libyen « y compris avec les visiteurs étrangers ». M. Rahabi se montre tranché : « il fallait expulser l’ambassadeur de Libye au lieu de le loger au club des pins », a-t-il dit. « Nous aurions dû soutenir peuple libyen, les Libyens nous en veulent ».