L’illusionniste Abderrahmane Benkhalfa a échoué. L’ancien ministre des Finances n’a apporté aucune solution viable aux déficits.
Après trois tours de passe-passe ratés et quinze mois à tourner en rond, Abderrahmane Benkhalfa a été congédié. L’ancien ministre des finances quitte le gouvernement, à l’issue du remaniement du 11 juin 2016, sans avoir accompli quoi que ce soit de significatif. A l’exception d’une timide l’augmentation des tarifs du carburant et de l’électricité, toutes ses promesses ont fini dans l’impasse.
C’est que l’homme a pris des engagements précis : réorienter l’économie du pays, mobiliser l’épargne et l’argent de l’informel pour prendre la relève de l’investissement public, moderniser le système financier, développer en quelques mois la monétique, créer un véritable marché financier : l’homme distribuait les promesses comme le président Bouteflika distribuait l’argent lorsque le pétrole était à cent dollars.
Mais aujourd’hui que le pays est dans le dur, le côté illusionniste de M. Benkhalfa est devenu une menace. La balance commerciale se creuse, le déficit budgétaire est un gouffre, alors que M. Benkhalfa se contentait de mesures toutes vouées à l’échec. Dans un souci de plaire, il continuait aussi à chanter les louages de la gouvernance du président Bouteflika, condition indispensable pour entrer et rester au gouvernement, mais sur le terrain, il était contraint de pallier aux conséquences des mauvais choix faits sous M. Bouteflika.
Une année perdue
Même en lui accordant tous les préjugés favorables, force est de constater que M. Benkhalfa a fait une grave erreur d’appréciation. Il a sous-estime la force d’inertie du système et de l’administration. Il pensait qu’avec quelques discours, il ébranlerait la machine. C’est la machine qui l’a broyé. Sa présence au gouvernement a été une perte de temps dramatique, même s’il est difficile de penser qu’il pouvait en être autrement : pendant la période qu’il a passée au gouvernement, le Fond de régulation des recettes a fondu et les réserves de changes ont diminué de près de 30 milliards de dollars.
Son départ, et son remplacement par M. Baba Ammi Hadji, ne résout rien. Il montre simplement qu’un nouveau dispositif a été mis en place pour gérer la période qu’on suppose difficile, 2017-2019. Ce dispositif, qui avait commencé par le départ de l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohamed Laksaci, inclut également l’arrivée de l’ancien patron de Sonelgaz, M. Noureddine Bouterfa, au ministère de l’énergie.
Ce qui unit les nouveaux arrivants, c’est leur docilité. Non pas que les prédécesseurs aient opposé une quelconque résistance, mais le gouvernement s’apprête visiblement à passer à une vitesse supérieure, en demandant à chacun d’aller plus loin, plus vite.
Docilité
L’attitude de M. Bouterfa ne fait guère illusion. Certes, il a montré une certaine présence, en développant une approche différente de celle du ministre en poste. Il a aussi annoncé que Sonelgaz est déjà en négociations pour financer ses projets grâce à des prêts internationaux, alors que le gouvernement n’a pas encore arrêté une démarche claire sur la question de l’endettement externe. De la témérité ? Non. Une anticipation de ce qui allait se passer, qui montre que M. Bouterfa fait partie de la fine fleur du quatrième mandat.
Du reste, le nouveau ministre de l’énergie a parfaitement fonctionné aussi bien avec Chakib Khelil, Youcef Yousfi que Salah Khebri. Son opposition à M. Khebri révélait davantage la fragilité de ce dernier qu’une volonté d’indépendance de M. Bouterfa : l’ancien patron de Sonelgaz était déjà en poste quand des contrats douteux sur des centrales électriques avaient été conclus. Il a avalisé l’achat de deux centrales électriques de même puissance, l’une pour un milliard de dollars, l’autre pour le double.
Virage périlleux
Sa présence dans le nouveau gouvernement aura un doble avantage : elle permettra d’avaliser la nécessaire révision des tarifs de l’énergie, et donnera une impression de diversité. Et si, entretemps, il réussit à relancer la production d’hydrocarbures, ce sera la cerise sur le gâteau.
Mais l’essentiel se jouera ailleurs : le grand enjeu va concerner la gestion des déficits durant les deux prochaines années, avant un rebond du prix du pétrole souhaité par le gouvernement à moyen terme. La plupart des spécialistes interrogés sont d’accord sur un point : la planche à billets va fonctionner à fond. Avec le nouveau gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, et un ministre des finances nommé au moment même où la seule perspective ouverte se trouve dans « les avances de la banque d’Algérie au trésor», les choses ont le mérite de la clarté.
Avant d’aborder ce virage périlleux, le gouvernement avait besoin d’une discipline qui frise la soumission. Même Benkhalfa, avec son discours sur les équilibres budgétaires, n’avait plus sa place.