Repenser « les villes de demain » en Méditerranée, a été le point nodal des discussions ayant émaillé la session d’introduction de la Semaine Economique de la Méditerranée, qui a regroupé du 4 au 7 novembre à Marseille (France) une dizaine d’experts venus des pays de Méditerranée autour du thème central « Villes et territoires : Leviers de développement économique en Méditerranée ».
Les villes de la méditerranée sont confrontées à des défis multiples. Ils sont à la fois économiques, sociaux, culturel, écologiques. Ces défis sont encore plus prégnants pour les villes de la rive sud de Méditerranée. Il s’agit notamment de relever celui de la mondialisation, la métropolisation et de la démocratie urbaine, selon les experts qui ont intervenu lors de la table ronde articulée autour du thème « L’évolution des villes en Méditerranée, villes rêvées, villes vécues ».
Pour le scientifique humaniste, Carlos Moreno, le « métabolisme » des villes en méditerranée est en train de changer. Des changements qui n’ont pas été prévus, exacerbés par la mondialisation, selon lui. Il plaide pour le développement d’une « identité socio-territoriale » des villes méditerranéennes dans ce contexte de changement des villes. « Il faut garder cette identité », dit-il. Autrement on ira vers un concept de villes « aculturelle ».
Les contraintes des villes de la rive sud de la Méditerranée
Les villes méditerranéennes sont ainsi traversées par des changements profonds en quelques années, générant une pression démographique sur les côtes notamment dans la rive sud et spécialement dans le Maghreb. Cette pression est telle que l’accès au foncier devient problématique. « Les terrains sont vendus à Alger aux valeurs des terrains de la première périphérie parisienne », relève Toufik Souami, professeur en Urbanisme et en aménagement urbain à l’Ecole d’urbanisme de Paris.
Selon lui, le foncier n’est qu’un indicateur des inégalités criantes, générées par la métropolisation prônées par l’Etat. Car, la métropolisation implique une refonte des réseaux de transports et des services. Pour cet expert, l’aspiration à vivre dans la ville en Méditerranée, crée aussi de la frustration qui se manifeste parfois d’une manière violente. D’après lui, cette aspiration peut orienter d’une manière concrète l’aménagement « intelligent » des villes sans tomber dans le modèle de la métropolisation qui est « vendu » aux pays de la rive sud.
Abondant dans le même sens, Rachid Sidi Boumediène, sociologue urbain, directeur de recherches associé au CREAD d’Alger, estime que les pays du Maghreb « sont soumis à une sorte de contrainte intellectuelle » lorsqu’il s’agit de modèle d’urbanisation. « C’est le modèle dominant qui l’a emporté », dit-il. C’est ainsi que, selon lui, les villes du Maghreb sont allées vers la métropolisation, sans réunir toutefois les seuils critiques appropriés aux critères de la métropolisation (nombre de population, seuil critique de services et d’infrastructures, qualité de vie…etc). Dans ce modèle, ces pays ont entrepris une vaste compagne de grande infrastructures. Ce rattrapage en infrastructure n’a pas répondu totalement aux attentes des habitants.
Pour une approche « servicielle » dans l’aménagement des villes
C’est pourquoi, Carlos Moreno prône une approche « servicielle » dans l’aménagement des villes qui doivent se tourner vers les services et non vers les infrastructures. Le modèle des smart-cities (villes intelligentes, est le plus approprié à ses yeux, tout en incluant le facteur humain. « La smart-city doit avant tout être une ville humaine », dit-il.
Selon lui, il ne faut pas penser une ville intelligente du point de vue technologique, mais qu’elle soit un lieu de vie et de partage. M. Moreno n’envisage pas aussi d’intelligence urbaine sans la démocratie participative. « Réviser l’infrastructure urbaine par l’innovation est une approche transversale qui doit concerner tout le monde », conclut-il.