En très bon connaisseur de l’informel qu’il observe sur tout le continent africain depuis de nombreuses années, le directeur du BIT pour le Maghreb, M. Mohamed Ali Deyahi, mesure son poids dans les économies de nos pays ; Un poids d’ailleurs plus important en Afrique de l’Ouest où il peut représenter 70 à 80 % des emplois qu’au Maghreb ou il varie entre 40%, dans le cas de l’Algérie et 50% pour le Maroc, avec un pic à 75% en Mauritanie.
M. Mohamed Ali Deyahi relève un changement du regard porté sur le secteur informel. « On le considérait autrefois comme un phénomène accidentel, transitoire et appelé à disparaître avec le temps. Aujourd’hui le regard a changé. On insiste plutôt sur sa flexibilité, on se rend compte que l’informel n’est pas du tout ce secteur marginal et statistiquement négligeable que l’on imaginait voici encore quelques décennies. On prend conscience progressivement qu’il s’agit de passer d’une démarche fondée sur l’éradication – élimination à une autre qui parle d’inclusion économique, d’intégration et de légalisation », détaille-t-il au cours de l’émission l’ « Invité du Direct » de RadioM. Et de souligner : « Si on ne s’occupe pas de l’informel, c’est lui qui va s’occuper de nous ».
C’est dans ce sillage que le BIT propose des politiques de formalisation qui s’appuient sur une protection sociale minimale, notamment en ce qui concerne les accidents de travail, adaptée au nouveau contexte et aux moyens réduits des opérateurs concernés. Il recommande également la mise en place de « passerelles » avec l’économie formelle à travers l’utilisation d’outils financiers comme le micro crédit voire même la participation aux marchés publics dans le but de faire migrer les acteurs de l’économie informelle vers la PME-PMI. Ce qui n’empêche pas la doctrine officielle de l’OIT de considérer que les aspects les plus négatifs de l’informel identifiés comme « la contrefaçon, les trafics divers ou encore le marché noir » doivent continuer à être combattu avec détermination.
« Des zones franches pas très franches » …
Le représentant de l’OIT à Alger livre également, sans langue de bois, quelques éclairages sur un certains nombre d’options économiques qui font désormais partie de la panoplie des décideurs du continent africain et sont entrées également dans le débat public algérien comme les zones franches ou encore les investissements chinois dans le domaine des infrastructures économiques. A propos des premières qu’il juge souvent « pas très franches », Mohamed Ali Deyahi souligne qu’elles peuvent dans certains cas constituer aussi des « zones de non droit ou on empêche les inspecteurs du travail d’aller travailler ». Sans parler des risques que ce genre d’instruments de développement de l’activité économique peut comporter en matière de fraude fiscale ou encore de concurrence déloyale vis-à-vis de la production conventionnelle .
….Et des garde- fous pour les investissements chinois
Les investissements réalisés par les entreprises chinoises dans les infrastructures économiques du continent inspirent à Mohamed Ali Deyahi un commentaire plus nuancé. Dans un contexte « caractérisé par la détérioration de la situation financière de beaucoup de pays exportateurs de produits bruts, l’offre chinoise peut paraitre intéressante ». Les investisseurs chinois « proposent un peu le beurre et l’argent du beurre, c’est à dire à la fois les financements et les entreprises de réalisation ». Une situation qui doit inciter les pays d’accueil à mettre en place un certains nombre de « garde-fous ». A commencer par « des conventions sociales qui garantissent notamment la protection des salariés contre les accidents de travail » mais aussi en s’assurant que ces investissements « produisent aussi les effets attendus en matière de formation de la main d’œuvre locale et de transfert de technologie ».
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