Des milliers de personnes en colère ont afflué mardi près de Tataouine, dans le sud tunisien, pour les funérailles du manifestant écrasé «accidentellement» la veille par un véhicule de la gendarmerie la veille lors d’affrontements avec les forces de l’ordre à proximité d’un complexe pétrolier.
« Avec nos âmes, avec notre sang, nous nous sacrifierons pour le martyr », ont scandé les milliers de personnes présentes, dans l’attente des funérailles prévues dans l’après-midi.
La contestation sociale de grande ampleur en cours depuis plusieurs semaines dans la zone d’Al-Kamour, à Tataouine en Tunisie a connu ainsi lundi un tournant dramatique annoncé par un raidissement sécuritaire du président Béji Caïd Essebssi. Ce dernier a décidé de faire intervenir l’armée pour protéger les sites de production a fait monter les tensions et cela a donné lieu à des tirs de sommation de l’armée pour disperser la foule.
Le Ministère tunisien de la défense a indiqué dimanche que l’armée aura recours à la force contre ceux qui essaieraient d’entrer sur les sites. Le communiqué avertissait « les citoyens contre des poursuites judiciaires en cas de heurts avec les unités militaires et sécuritaires, et contre les dommages physiques pouvant les atteindre dans le cas d’une gradation dans l’usage de la force ».
Les protestataires ont bloqué deux stations de pompage à Kamour et Tataouine, gérées par l’italien Eni, l’autrichien OMV et le français Perenco, bien que des troupes aient été déployées sur place à la demande du Premier ministre Youssef Chahed. Le sit-in d’El Kamour est installé entre un champ pétrolier et le chemin principal qui relie les puits de pétrole au reste du pays est organisé pour revendiquer la création de 3000 emplois et d’un fond régional de développement.
Les manifestations de protestation organisées dans le gouvernorat de Tatatouine ont durci. Lundi des affrontements ont éclaté devant le siège du gouvernorat de Tataouine (500 km au sud de Tunis), où des habitants ont décidé de se rassembler en solidarité avec le mouvement de contestation d’Al-Kamour.
Le sit-In d’Al-Kamour est animé par des jeunes chômeurs qui réclament, outre la création d’emplois, que 20% des revenus pétroliers soient reversés aux communautés locales à travers un fond de développement.
Les autorités parlent de « complot »
Le mouvement est très décrié par les médias – à quelques exceptions près dont notamment Nawaat – et par les autorités est révélateur de la colère grandissante de la Tunisie de l’intérieur dont les frustrations économiques et sociales se sont accumulées six ans après la révolution.
Les autorités tunisiennes mettent en cause pêle-mêle des «incitations» sur les réseaux sociaux et insistent sur les «risques » que font peser ces mouvements sociaux. Le gouverneur de Tataouine, Mohamed Ali Barhoumi parle, sans donner de détails, d’un « un dangereux complot ».
« Il y a de l’incitation sur les réseaux sociaux (…), des appels à la désobéissance civile (…) et même au coup d’Etat dernièrement. « Seuls les contrebandiers et les terroristes peuvent profiter de cette situation de vide » a affirmé de son côté le porte-parole de la Garde nationale, Khalifa Chibani.
De son côté, le ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi Imed Hammami, en charge des négociations sur le dossier de Tataouine, a mis en cause sans les nommes des « des candidats à la présidence et des partis en faillite ».
« Il y a un petit groupe parmi (les protestataires) dont le but n’est ni l’emploi ni le développement mais (…) de brûler Tataouine », a-t-il affirmé en assurant qu’ils ont pour agenda que » la Tunisie ne se stabilise pas, qu’on ne fasse pas d’élections municipales (prévues en décembre, ndlr), qu’on n’aille pas de l’avant. »
Marzouki: des demandes légitimes
Le ministre semble viser l’ancien président Moncef Marzouki dont le mouvement a qualifié la contestation de légitime et a dénoncé «l’escalade dangereuse » du gouvernement. Le communiqué de Marzouki a dénoncé l’usage de la force contre les protestataires et mis en garde contre les dangers «d’impliquer les institutions sécuritaires et militaires » contre les jeunes à Tatouine et « contre les régions marginalisées ».
Une sociologue, Fethia Saadi, citée par TAP, a accusé les protestataires de porter « atteinte à l’Etat, ce qui donne du crédit à la thèse que les protestations n’ont pas pour objectif la réalisation du développement uniquement mais ont d’autres objectifs ».
« Le ralliement d’avocats islamistes aux protestations aux côtés du parti Ettahrir et autres éléments de courants extrémistes suscitent la suspicion et attisent l’inquiétude » a-t-elle déclaré. A l’opposé, le spécialiste de la sociologie comparative à l’université tunisienne, Fethi Farhani, souligne que les évènements de Tatatouine « reflètent l’échec de l’Etat national à trouver des solution et à décrypter la crise ».
« L’héritage du passé fait de marginalisation et de pauvreté ne peut pas être résolu facilement. Les batailles désormais sont celles du développement qui n’est pas un concept abstrait mais qui exige des outils créés par l’Etat pour le concrétiser et l’association des compétences nationales et des instituts de recherche pour contribuer à lui trouver des solutions », a-t-il expliqué.
Il a proposé à cet égard un dialogue national sur la situation socio-économique du pays « qui exige des membres du gouvernement Chahed une plus grande capacité de négociation ».
Une sociologue, Fethia Saadi, citée par TAP, a accusé les protestataires de porter « atteinte à l’Etat, ce qui donne du crédit à la thèse que les protestations n’ont pas pour objectif la réalisation du développement uniquement mais ont d’autres objectifs ».
« Le ralliement d’avocats islamistes aux protestations aux côtés du parti Ettahrir et autres éléments de courants extrémistes suscitent la suspicion et attisent l’inquiétude » a-t-elle déclaré.
A l’opposé, le spécialiste de la sociologie comparative à l’université tunisienne, Fethi Farhani, souligne que les évènements de Tatatouine « reflètent l’échec de l’Etat national à trouver des solution et à décrypter la crise ».
« L’héritage du passé fait de marginalisation et de pauvreté ne peut pas être résolu facilement. Les batailles désormais sont celles du développement qui n’est pas un concept abstrait mais qui exige des outils créés par l’Etat pour le concrétiser et l’association des compétences nationales et des instituts de recherche pour contribuer à lui trouver des solutions », a-t-il expliqué.
Il a proposé à cet égard un dialogue national sur la situation socio-économique du pays « qui exige des membres du gouvernement Chahed une plus grande capacité de négociation ».