L’ancien ministre du commerce du gouvernement Hamrouche, qui plaide en faveur d’une « mémoire du développement économique » a lancé au cours des dernières années de nombreuses alertes sur les choix économiques effectués à l’époque des prix du pétrole élevés.
« Beaucoup de pays ont engrangés des réserves financières importantes. Pas nous ou pas assez. On n’aurait pas dû dépenser autant et sans doute de façon plus ciblée » souligne Smail Goumeziane qui était lundi, l’invité du Direct de Radio M. Ce qui n’empêche pas que les réserves financières constituées permettent quand même d’échapper aujourd’hui à l’étranglement qui était la conséquence du contre choc pétrolier de 1986 : « Nos atouts d’aujourd’hui sont surtout des atouts financiers avec des réserves encore importantes. Notre problème principal c’est que désormais en dehors des finances, nous n’avons pas d’autres atouts. A la fin des années 80, on savait, et nos partenaires étrangers le savaient aussi, que nous disposions encore de ressources pétrolières importantes. Aujourd’hui on sait qu’il n’y aura pas de troisième âge pétrolier ». Un autre atout qui a « disparu » selon Smail Goumeziane est celui du potentiel du secteur public. « Un potentiel matériel mais surtout humain », estime l’ancien ministre qui regrette de n’avoir n’a pas été consulté dans l’élaboration du nouveau modèle de croissance et commente : « C’est une longue tradition de l’administration algérienne de ne pas associer les anciens cadres à la réflexion »
Comment construire l’appareil productif national ?
A propos de ce nouveau modèle de croissance justement, Goumeziane ne conteste pas que « le rétablissement des équilibres financiers macroéconomiques soit aujourd’hui une priorité ». Il s’inquiète cependant des conséquences, « qui pourraient être enregistrées d’ici quelques années, d’une réduction des investissements publics ainsi que de la réduction des importations sur l’emploi et l’offre pour la production industrielle ».
La construction d’un appareil productif capable de réaliser une substitution significative aux importations voire de dégager des excédents à l’exportation lui semble en effet le principal défi auquel doit faire face aujourd’hui l’économie algérienne. Dans ce domaine, il recommande de « développer des stratégies par filières industrielles qui ne doivent pas seulement être mises en œuvre au moment des crises mais doivent être réfléchies sur 20 ou 30 ans ». Des stratégies dont l’ancien ministre croit retrouver les contours, « à titre individuel, chez certains industriels du secteur privé comme les groupes Cevital ou Condor mais malheureusement pas dans les politiques publiques qui n’apportent d’ailleurs qu’un concours très limité à ces pionniers de l’industrie algérienne ; ce qui a pour conséquence que le rythme de développement du secteur privé algérien reste encore aujourd’hui très insuffisant ».
Le rôle de la diaspora algérienne
Les récentes interventions publiques de Smail Goumeziane ne sont pas passées inaperçues. Les analyses de l’ancien ministre, qui a achevé son parcours professionnel en tant qu’enseignant dans une prestigieuse université française, chiffraient les « pertes occasionnées à l’économie nationales par les exportations invisibles de ses cadres à plus de 400 milliards de dollars » et ont été largement relayées par les médias nationaux. Comment stopper cette hémorragie ? Comment, plus généralement, associer la diaspora algérienne au développement économique du pays ? Goumeziane, qui a été ces dernières années au plus près de leurs préoccupations, se dit frappé par le fait que « de très nombreux entrepreneurs algériens de la diaspora sont désormais installés dans tous les domaines y compris les secteurs de pointe. Beaucoup d’entre eux se demandent comment contribuer au développement de l’économie algérienne et ne trouvent aucun interlocuteur. Certains se sont même dit prêts à monter leur propre banque ». Evoquant l’exemple de nombreux pays émergents et particulièrement celui de la Chine, Goumeziane souligne en outre que « les entrepreneurs de la diaspora sont aussi un vecteur important pour attirer les investissements internationaux » et contribuer ainsi de façon déterminante à la construction de l’appareil productif national.