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Algérie

Subventions : Outils de politique publique et conséquences économiques (Contribution)

Par Maghreb Émergent
août 22, 2017
Subventions : Outils de politique publique et conséquences économiques (Contribution)

 

 La question des subventions va être au cœur du débat économique et politique dans les prochains mois en Algérie. Cette contribution, Othmane Benzaghou permet d’en éclairer les enjeux.

 Les subventions publiques constituent l’un des instruments économiques et sociaux que détient l’Etat pour asseoir une politique publique dans divers domaines, que ce soit pour garantir un niveau de service public, une politique économique et sectorielle, une politique de soutien sociale, une politique culturelle…

 L’outil des subventions est tout aussi au cœur des enjeux politiques, guidés par les grandes théories politiques ou économiques collectivistes ou libérales. C’est dire l’étendue d’un sujet qu’on ne peut aborder succinctement qu’à travers certains angles et d’éluder quelques mécanismes et leurs impacts souhaités et moins souhaités sur le plan économique et social, particulièrement dans le contexte algérien.

 Dans ce cadre, il ne s’agira donc pas de s’attarder sur les politiques sociales de l’Etat, notamment le filet social, sensés soutenir les moins favorisés, mais tenter une analyse des conséquences économiques de ces transferts sociaux, et des différents dispositifs de subventions économiques qui ont atteint en 2013 selon le CNES 30% du PIB, soit la bagatelle de 6000 milliards de dinars (60B$).

 L’Algérie a constitué dès son indépendance un modèle de développement fortement étatiste, collectiviste, qui a vu un Etat en constitution s’approprier des pans entiers de prérogatives régaliennes, et autres services publics, mais aussi économiques et sociales.

 L’Etat a collectivisé des pans entiers de l’économie, allant de l’agriculture, à l’industrie, les finances, l’énergie, la grande distribution et le commerce extérieur… Une politique socialiste volontariste qui ne se souciait que subsidiairement de la réalité du marché, des prix de marché, et qui fixait administrativement les modèles économiques des agents économiques sous sa tutelle.

L’exemple de la criée, mode universel de fixation des prix pour la vente du poisson fraîchement péché devenu une vente silencieuse, de bouche à oreille en Algérie est très parlante des mécanismes de prix fixes imposés par un état omniprésent malgré des millénaires de traditions commerciales.

 Dans ce cadre, il est difficile de parler de subventions, mais de prix fixés par des autorités de tutelles, sur un modèle de rentabilité économique, de calcul économique extrêmement lourd et complexe, sous la tutelle d’échanges administrés déconnectés des réalités de marché.

 La difficulté d’aborder le sujet des subventions en Algérie trouve ses racines dans l’histoire de l’économie algérienne administrée, d’un étatisme colbertiste omniprésent, omnipotent, qui à force de s’occuper de tout, n’est même plus capable d’assumer convenablement ses missions régaliennes, des missions dont la définition même devient un enjeu éminemment politique, suscitant débats et tergiversations.

C’est dans ce contexte qu’il est difficile d’assumer une politique économique et sociale qui tire les leçons du passé, capable d’analyser les différents modèles de subventions à travers le monde, allant de la libérale USA, de la social-démocratie européenne, au socialisme de marché chinois, pour tenter d’identifier les modèles de développement, les stratégies économiques volontaristes et les conséquences attendues et moins attendues d’un des instruments de politique publique, les subventions, qui irriguent des pans entiers de l’économie algérienne.

Il est nécessaire de ce fait de distinguer divers types de subventions, en termes de cible, de secteurs, de finalité et d’effets recherchés. On peut distinguer le soutien aux prix de produits finis, de consommation, de subventions d’équipements ou de financement, de subventions d’exploitation voir d’équilibres et de différentes dispositions fiscales assimilées à des subventions indirectes.

 

1 – Soutien aux prix

 

Le soutien aux prix a pour vocation première de permettre un accès le plus large aux produits jugés de première nécessité. Il s’articule en Algérie autour de quelques produits alimentaires : blé, lait, huile, sucre et des produits énergétiques et autres utilités. Une partie de ces produits sont importés et les autres sont issus de filières locales bénéficiant du soutien direct ou indirect de l’Etat.

 Le soutien direct aux prix consiste en une subvention d’équilibre, comblant les déficits des organismes publics qui revendent les produits aux prix subventionnés. Le soutien indirect consiste entre autres d’exonérations fiscales et de droits de douanes sur les produits semi=finis qui ont permis à une industrie de transformation d’irriguer en produits subventionnés un marché porteur, couvrant une large consommation se situant dans le top des classements internationaux de consommation.

 Une large consommation dopée par les prix, favorisant gaspillage et contrebande. Ce soutien aux prix a aussi permis à une industrie agro-alimentaire d’émerger et de se développer, mais a aussi empêché d’investir certaines filiales de production, tant la rentabilité y est hypothétique. Elles ont aussi grevé des sociétés publiques de ressources financières vitales pour leur développement national et international.

 Par ces effets, outre le coût exorbitant pour le budget de l’état, il semble nécessaire de mieux cibler les produits subventionnés par un soutien direct aux foyers qu’à un soutien massif qui irrigue des étendues économiques bien vastes avec des effets largement indésirables.

 

 2 – Subventions d’équipements et de financement

 

Des subventions dédiées à favoriser l’investissement par un soutien direct ou indirect à l’investissement économique. Des dispositifs directs d’aide à l’investissement, par le soutien par exemple au foncier industriel, du financement direct à travers des fonds d’investissement publiques, des bonifications de taux d’intérêts de crédits bancaires, ainsi que des dispositifs indirects d’exonération fiscales aux premières années d’activité, d’exonération en droits de douanes sur les équipements industriels…

 Autant de dispositifs sensés permettre de favoriser l’acte d’investir et  de réduire les barrières à l’entrée pouvant favoriser l’émergence d’une concurrence, à condition d’être transparentes au risque d’être dévoués pour favoriser le clientélisme et engendrer encore plus de barrières à l’entrée.

 Cependant, ces dispositifs publics, notamment en terme de financement peuvent, si elles deviennent généralisées, entraver l’émergence d’un marché financier concurrentiel, capable de favoriser une allocation plus efficiente des ressources financières privées et institutionnelles.

 Elles s’avèrent autant d’entraves à l’émergence d’un marché de capitaux capable de financer l’économie, favorisant l’émergence de bulles spéculatives d’une épargne qui peine à se diriger vers les actifs les plus profitables à l’économie nationale.

Des immobilisations constituants des bulles spéculatives, dans l’immobilier, actif d’épargne traditionnel préféré posant de réels problèmes en terme d’accessibilité et de fluidité du marché immobilier, et en terme de liquidités.

Une fluidité entravée du marché financier qui ne favorise pas l’émergence de formes de financement plus sophistiquées, allant d’émission de dette, d’émission de titres, le capital-risque, et autres dispositifs de financements permettant de s’adresser à des projets plus risqués, à haute valeur ajoutée, tant les banques naturellement averses au risque préféreraient des engagements offrant un rapport risque/rendement plus avantageux, au détriment de l’intérêt économique.

La faiblesse financière et la pauvreté de produits financiers attractifs et adaptés aux besoins d’épargne privés et institutionnels n’ont pas favorisé une bancarisation suffisante de ressources qui adoptent d’autres circuits bien loin de l’intérêt économique.

Par ailleurs, le financement public des TPE est un dispositif de subvention qui peut favoriser l’émergence d’un tissu d’entreprises susceptibles de grandir, à condition d’accompagner leur croissance par des dispositifs de financement de marché plus matures adaptés à des sociétés sorties des couveuses.

 

3 – Subventions d’exploitation et d’équilibres

 

Ces subventions constituent une aide directe à des entreprises publiques et autres services publiques permettant de compenser des déficits issus d’activités non rentables, ou contraintes par des obligations de service publique.Des missions de service public qu’il est devenu délicat de définir, tant la responsabilité économique des pouvoirs publiques porte à débat, son volontarisme est souvent confondu chez beaucoup avec des missions de service publique.

 Le soutien inconditionnel du budget de l’Etat à des entreprises publiques et autres services publiques, a généré une errance comptable et financière telle qu’il devient titanesque l’effort d’en faire un suivi analytique suffisant pour en maîtriser l’investissement, puis le fonctionnement et son efficience opérationnelle et financière.

 Encore plus délicat dans ce contexte d’en définir des modèles de rentabilité qui les rend susceptibles d’être assumés sous contrats de partenariat publique privé (PPP), pouvant permettre une meilleure efficacité.

 D’autres part, un soutien inconditionnel aux entreprises publiques peut créer de véritables entraves à émergences d’acteurs concurrentiels, tant il est vain de concurrencer un secteur public bénéficiant de privilèges d’accès à une panoplie d’avantages, allant de la commande publique, un accès facilité à l’investissement, et d’un financement privilégié bénéficiant de garantis en termes de qualité de signature.

 L’intervention publique volontariste doit se limiter à des investissements sur des projets à hauts risques ou à lourds investissements, sur des secteurs jugés stratégiques, où il est illusoire de voir l’émergence de plusieurs acteurs concurrentiels au vu de la configuration actuelle de l’économie algérienne, sauf à attirer des référents internationaux, stratégie qui peut s’avérer nécessaire sur des produits à fort contenu en innovation, ou dont l’accessibilité des marchés internationaux est considéré aléatoire.

 Les subventions restent un instrument privilégié à utiliser avec parcimonie, pour garantir l’accès à des produits de large consommation, garantir l’accessibilité et la disponibilité de services publics, et peut permettre de favoriser une politique économique. Cependant, il faut être attentif aux grands équilibres financiers et ne pas engager des subventions qui peuvent s’avérer antiéconomiques, tant elles peuvent constituer un obstacle à la vérité des prix, à la concurrence et à l’efficience économique.

(*) Expert en risques financiers

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