Au moment où le décryptage des deux boites noire du vol AH 5017 qui s’est écrasé au nord Mali a commencé dans les laboratoires parisien du Bureau des enquêtes et analyses de l’aviation civile (BEA), la récupération des corps des 118 passagers et membres d’équipage s’avère plus compliquée. Voire même impossible, selon des experts.
A Alger, les officiels n’ont eu de cesse d’évoquer « l’identification » et, surtout, « la remise des corps » des victimes du crash de l’avion affrété par Air Algérie à la compagnie espagnole Swift Air. Le premier ministre Abdelmalek Sellal a déclaré que cette remise se ferait « après les résultats de l’enquête menée par les experts et la police scientifique », demandant aux familles de « faire preuve de patience ». Mais le ministre des Transports Amar Ghoul, dépêché sur les lieux du crash, s’est montré plus nuancé, probablement après avoir constaté la complexité de la tache : « Nous avons constaté sur le terrain que la catastrophe et la tragédie est immense et qu’elle nécessite de la patience et du temps pour aboutir à un résultat », a ajouté le ministre. Quelques heurs auparavant, le président français François Hollande s’était aventuré dans la même direction en promettant le rapatriement de toutes les dépouilles en France.
Or, selon les experts, le travail de relevé et d’identification des corps des victimes du vol d’Air Algérie sera long et difficile. Car dans le périmètre restreint du crash, des débris désintégrés jonchent le sol mais pas un corps visible à l’oeil nu. Autant dire que la tâche s’avère ardue pour les enquêteurs dépêchés depuis samedi au Mali pour identifier les 118 victimes du vol Ouaga-Alger. « C’est un travail méticuleux. L’impact du choc est tel que ce ne sont plus vraiment des corps. On est en phase de recherche de parties qui peuvent être identifiées et analysées », explique un officier de la gendarmerie française.
Des restes humains à la place des corps
Pour une raison encore inconnue, l’avion affrété par Air Algérie a violemment heurté le sol malien et s’est désintégré. Sa vitesse au moment de l’impact est estimée à 800 kilomètres/heure, selon l’expert en aéronautique Gérard Feldzer. Une configuration qui rend pratiquement impossible de retrouver des corps. « Il ne faut pas se faire d’illusion, il n’y aura pas de corps présentés mais des restes humains. Il est même possible qu’on ne retrouve pas certaines personnes », prévient Michel Sapanet, médecin légiste au CHU de Poitiers.
Des propos étayés par un colonel de la gendarmerie française : «Nous avons constaté que nous n’avions aucun corps intègre» mais «des corps profondément fragmentés et aucun n’était identifiable par des mesures classiques de médecine légale, de dentiste légale, ni même d’empreintes digitales».
Aux difficultés liées à la désintégration des corps des victimes, les experts dépêchés sur les lieux du drame évoquent pêle-mêle la chaleur, les zones marécageuses, l’alternance de pluie et de vent et la faune présente sur place. Pour contrer l’accélération de la phase de décomposition liée aux conditions climatiques, les enquêteurs doivent notamment recourir à des caissons réfrigérés.
Le temps et la chaleur jouent contre les enquêteurs
Pour les enquêteurs français, algériens, espagnols et burkinabés déployés sur place, l’identification des corps s’annonce aussi difficile que le relevé. «Les techniques de biologie moléculaire nécessitent une conservation des échantillons de bonne nature. Le temps ici va contre nous. Il fait très chaud et les échantillons sont très rapidement dégradés», regrette le colonel Touron de la gendarmerie française.
A l’abri des regards sous une autre tente de fortune, les experts récupèrent également des échantillons sanguins sur des proches de victimes transportés près des lieux depuis Ouagadougou (au Burkina Faso d’où l’avion avait décollé) avec des journalistes. «Il est impératif pour nous de récupérer l’ADN des proches de manière à pouvoir ensuite essayer d’identifier un frère, un père, une sœur. (…) Plus nous aurons d’informations, plus l’identification sera rapide», indique le militaire. Mais étant donné la violence du choc, les experts redoutent même que l’identification repose uniquement sur l’analyse des dents. « Quand toutes les autres méthodes ne sont plus efficientes, quand les corps sont trop dégradés, c’est la seule qui marche encore », note Pierre Fronty, chirurgien dentiste et expert en identification odontologique auprès de la justice française.