Air Algérie a conclu ce lundi un autre contrat avec Boeing pour l’achat de deux avions cargos, qui portent le nombre d’appareils commandés à l’avionneur américain dans le cadre de son plan de développement 2013-2017 à dix pour une valeur totale de d’environ 900 millions USD. Airbus, avait proposé des contrats « offset » pour l’ensemble du plan mais, la compagnie nationale a préféré rester dans le giron de Boeing, laissant passer l’opportunité de faire émerger une industrie aéronautique en Algérie.
Lors de la cérémonie de signature du second contrat entre Air Algérie avec Boeing pour acquisition de deux avions cargos Boeing 737-700C, tenue ce lundi à l’hôtel El Aurassi, il a été précisé que cette dernière commande, dans le cadre du plan de développement de la compagnie nationale 2013-2017, porte la valeur des contrats avec l’avionneur américain à 900 millions USD. Ces deux nouveaux appareils convertibles pour le transport de passagers porte ainsi le nombre des avions commandés à Boeing à dix sur les seize que prévoit le plan. Le PDG d’Air Algérie Mohamed Salah Boultif qui s’est félicité du partenariat avec Boeing n’a pas écarté la possibilité d’élargir ce plan de développement, annonçant que d’autres acquisitions seront envisagées après l’exécution des contrats déjà conclus. Sans plus de détails. Une source à Air Algérie qui s’est confiée à Maghreb Émergent sous couvert de l’anonymat, a néanmoins révélé que des commandes pour huit avions d’une capacité de 150 places et cinq de 70 places pourront éventuellement être passées dans une deuxième phase d’exécution du plan de développement de la compagnie nationale.
Il convient néanmoins de rappeler que les détails du plan de développement d’Air Algérie 2013-2017 qui consiste en l’acquisition de 16 nouveaux avions de différentes capacités, ont commencé à fuiter dès 2008, au moment de son élaboration. Pour augmenter sa flotte, la compagnie nationale avait alors entamé les négociations avec les avionneurs Airbus et Boeing qui ont pu compter sur des lobbyistes de haut rang, à l’image de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, lequel plaidait régulièrement la cause d’Airbus auprès des responsables algériens. En vain, puisque la compagnie nationale, face aux pressions politiques, a préféré rester dans le giron de l’américain Boeing en dépit de l’offre alléchante de l’européen EADS, devenu Groupe Airbus.
Des commandes pour 1,2 milliards USD
En effet, ce plan, financé en partie par un crédit bancaire syndiqué de 49 milliards de DA (610 millions USD) octroyé par trois banques publiques (BNA, BEA et CNEP Banque) et mis en exécution fin 2013, a vu Air Algérie commencer par officialiser en janvier dernier une commande de huit Boeing 737-800 pour un montant total aux prix catalogue de 724 millions de dollars américains (USD). « Le 737-800 continue d’être l’épine dorsale de la flotte d’Air Algérie. Jusqu’à présent, nous sommes satisfaits de ces avions, et nous prévoyons recevoir ces huit nouvelles unités avant la fin de 2016 », s’était félicité le PDG d’Air Algérie, Mohamed Salah Boultif, cité dans le communiqué de Boeing. En janvier 2014, cinq autres appareils ont été également commandés auprès du groupe Airbus : trois Airbus A330-200 de 250 places et trois ATR 72-600 de 70 places. Soit, quatorze appareils au total commandés en janvier (cela fait 16 avec les deux cargos qui viennent d’être commandés à Boeing) qui devront être mis en service comme annoncé, progressivement, en fonction des livraisons, dès la fin de cette année 2014 ou début 2015. Les premiers appareils qui intègreront la flotte sont les ATR72-600 acquis pour 74,1 millions USD (prix catalogue). Dans le communiqué d’ATR diffusé à la conclusion de ce contrat, Mohamed Salah Boultif a déclaré qu’«Air Algérie souhaite optimiser l’exploitation de l’ATR 72-600 pour que cet appareil puisse lui permettre de développer de nouvelles opportunités commerciales ».
Le lobbying de Sarkozy
Ces commandes d’Air Algérie n’ont été sanctionnées par aucun contrat type « programme offset » pour le montage ou la fabrication de composants en Algérie comme l’avait suggéré EADS. Les négociateurs algériens n’ont pas su exploiter la détresse des deux avionneurs en pleine crise économique mondiale et qui faisaient le forcing pour décrocher des contrats dans le cadre de ce plan de développement, se livrant à une guerre des prix. Un câble diplomatique restituant une entrevue qu’avait eue le 15 mars 2008 l’ancien ambassadeur américain à Alger David Pearce avec le PDG d’Air Algérie de l’époque, Abdelwahid Bouabdallah, un mois seulement après son installation à la tête de la compagnie nationale, renseigne justement sur ces tractations en coulisses. « Le président français Nicolas Sarkozy fait du lobbying pour Airbus et le président de cet avionneur Louis Gallois m’appelle régulièrement au téléphone, se proposant de casser les prix. Nous ne saurions résister aux pressions politiques si Boeing ne fait pas un effort pour formuler une offre avantageuse », avait alors confié Abdelwahid Bouabdallah au diplomate américain.
Quand les Américains revoient leur offre
S’expliquant suite à ces révélations dont la presse en fait l’écho en 2011, Abdelwahid Bouabdallah, avait confirmé que cette entrevue avait bel et bien eue lieu au siège d’Air Algérie, justifiant sa préférence pour Boeing soulignée dans le câble diplomatique. « Boeing était en quasi-monopole pour le module 150 places. Nous disposions de 15 Boeing 737 NG et pour des raisons d’homogénéisation de la flotte, Boeing avait un pas d’avance sur Airbus en raisons des économies d’échelle : pas de nouvelles formations pour les équipages et le personnel chargé de la maintenance, une facilité dans la gestion commerciale et celle des programmes, et des dépenses en devises en moins grâce à la disponibilité à Air Algérie d’un simulateur de vol pour Boeing acquis en 2008/2009 et d’un stock de pièces détachées déjà existant pour la flotte Boeing. J’ai voulu faire comprendre que le choix allait être difficile puisque Airbus allait faire une proposition de reprise des Boeing 737 et les remplacer par des Airbus 320 pour rester dans la logique de l’uniformisation », avait-il expliqué à notre confrère TSA. Et de détailler l’offre d’EADS pour : « Le Président d’Airbus, Louis Gallois, qui s’était même déplacé à Alger, m’avait assuré qu’EADS était intéressée par l’émergence d’une industrie aéronautique en Algérie puisqu’ils étaient impliqués dans plusieurs projets dont Boeing, ATR, ALSAT et autres ». En reformulant son offre, Boeing a pu convaincre les responsables d’Air Algérie de lui attribuer le gros des contrats. « C’est à la suite de cet entretien avec l’ambassadeur américain que Boeing avait fait une offre unique et plus avantageuse qu’Airbus, qui s’est contenté du marché des modules 50 places remporté par ATR, autre filiale d’EADS », avait conclu Abdelwahid Bouabdallah. Air Algérie qui dispose actuellement de 43 appareils (25 Boeing, 12 ATR et 5 Airbus) verra sa flotte passer à 59 (35 Boeing, 15 ATR et 8 Airbus) après l’exécution de ce plan.
