Comme tous les quatre ans, le monde entier aura donc les yeux tournés vers l’Empire et son scrutin présidentiel. Cette fois-ci, l’ambiance qui entoure cette élection est lourde et inquiétante
Alors, Trump ou Clinton ? Hillary ou Donald ? On aura la réponse à cette question dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 novembre mais la réponse est connue: kif-kif ou presque (on serait presque tenté d’écrire kif-kif bourricot ou presque).Comme tous les quatre ans, le monde entier aura donc les yeux tournés vers l’Empire et son scrutin présidentiel. Cette fois-ci, l’ambiance qui entoure cette élection est lourde et inquiétante. D’abord, parce que ce fut une campagne de coup bas, d’outrances et de dérapages divers. Il est évident que la présence de Donald Trump en tant que candidat du parti républicain est responsable de cette dérive.
Mais le fait le plus intéressant dans cette compétition électorale est le fait que Trump et Clinton sont d’ores et déjà très impopulaires. Le premier n’est plus à présenter et on est en droit de se demander si le monde sera sûr si un tel énergumène entre à la Maison Blanche et qu’on lui confie les codes nucléaires. Ses partisans disent de lui que c’est un homme d’affaires et qu’il saura gérer l’Amérique mieux que personne. Le problème, c’est qu’il a surtout fait faillite à plusieurs reprises et que ses activités – casinos et immobiliers – ne sont pas réputées pour être ouvertes à des enfants de chœur.
On a du mal à imaginer ce que sera ce pays sous une présidence Trump. Le menu est néanmoins connu : lois antisociales, retour en force des conservatismes, législations xénophobes et, disons-le, islamophobes, mise au pas des syndicats (déjà très affaiblis), nomination d’un juge ultraconservateur à la Cour suprême et imprévisibilité en matière de politique étrangère exception faite du maintien de la même ligne de soutien docile à l’égard d’Israël.
Bien malin qui peut dire ce que Trump président dira demain de Poutine ou du conflit en Syrie. De même, personne ne sait vraiment ce qu’il pense de la Chine. Bref, avec Trump, tout est possible ou presque et c’est ce qui inquiète. En effet, et les deux mandats d’Obama l’ont bien montré. Le poste de président américain n’est pas celui de l’omnipuissance. En temps habituels, le Congrès mais aussi l’administration veillent au grain et définissent les cadres dont il ne faut pas sortir. Trump lui, a d’ores et déjà prévenu qu’il n’en fera qu’à sa tête…
Concernant Hillary Clinton, il est d’abord étonnant que cette politicienne se voie affublée de l’étiquette de gauche. Certes, il fut un temps lointain – c’était au début du premier mandat de son mari en 1992 – elle avait joué un rôle important dans la tentative de réformer le système de protection sociale. Engagement vain mais qui donna pendant quelques années une certaine aura à l’ex-First Lady.
Depuis, son bilan est édifiant et on peut rappeler, par exemple, qu’elle a voté en faveur de l’invasion de l’Irak et que nombre de documents qui circulent aujourd’hui prouvent sa proximité avec la finance américaine, les fabricants d’OGM, les groupes pétroliers et le secteur de la défense. Autrement dit, de très gros pourvoyeurs de fonds pour les campagnes électorales.
Clinton n’apporte aucune réponse aux dégâts sociaux provoqués par la mondialisation aux Etats Unis. Durant la campagne électorale, elle a tenté de faire croire qu’elle s’opposera à de nouveaux traités de libre-échange mais seuls les naïfs pourront accorder du crédit à une telle promesse.
Quant à la politique étrangère, il est fort probable que le tropisme néoconservateur de la candidate démocrate l’emporte. Partisane d’un durcissement des relations avec la Russie de Poutine, ce n’est pas elle qui va œuvrer à la détente. La perspective d’une intervention militaire américaine plus appuyée en Irak et en Syrie n’est donc pas à négliger.
Quoi qu’il en soit, et comme mentionné auparavant, Clinton comme Trump devront, en cas d’élection, composer avec une importante impopularité. Et rien ne permet d’affirmer qu’ils termineront leur mandat. La pagaille que Trump ne manquera pas de créer dans les institutions est susceptible de déboucher sur une procédure de destitution à laquelle des élus républicains – qui n’ont jamais admis sa victoire aux primaires – ne seront pas opposés.
Quant à Clinton, même élue, elle aura du mal à se défaire du scandale des courriels (elle a utilisé sa boite personnelle pour envoyer des messages officiels). L’ironie de l’histoire est que l’on se souvient que son époux et elle ont longtemps été impliqués dans une sombre histoire de spéculation immobilière dans l’Arkansas (le scandale Whitewater) révélée pendant la campagne électorale de 1992. Une affaire qui a constitué une épée de Damoclès sur la présidence de Bill Clinton avant que ce dernier ne subisse l’offense d’une tentative d’impeachment après le scandale Lewinsky.
Reste enfin une question majeure. Comment se fait-il que l’électeur américain n’aie le choix qu’entre Clinton et Trump (il y a pléthore d’autres candidats mais aucun ne dépasse les 3% d’intentions de vote)? La réponse à cette question est complexe mais elle réside certainement dans la crise profonde des institutions.
La démocratie étasunienne est malade de l’argent et la non limitation des dépenses de campagne – au nom de la liberté d’expression – la transforme en terrain de chasse pour ploutocrates et lobbies. Ce n’est donc pas un hasard si seuls 40% des électeurs se rendront aux urnes. Comme pour l’usage des armes à feu, l’Amérique a du mal à légiférer pour empêcher que l’argent roi et les groupes d’intérêts verrouillent sa vie politique. Finalement, cette « démocratie » a les candidats qu’elle mérite…