Réagissant dans la soirée aux annonces de la Maison blanche, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmstrom, a indiqué qu’elle allait tenter d’obtenir des clarifications sur le sujet.
Donald Trump a signé jeudi les déclarations imposant des droits de douane sur les importations américaines d’aluminium et d’acier, précisant cependant qu’ils n’entreraient pas en vigueur avant quinze jours et soulignant que les Etats-Unis restaient ouverts à leur modification ou leur retrait pays par pays.
Ces exemptions, a-t-il précisé au cours d’une cérémonie dans le Bureau ovale de la Maison blanche, seront en partie liées aux relations militaires.
Le Canada et le Mexique en seront, dans un premier temps et pour une durée indéterminée, exemptés, la suite dépendant de la renégociation en cours de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), dont Trump réclame une “modernisation” sous peine d’en retirer les Etats-Unis.
Devant la presse, le président républicain qui a ravivé la semaine dernière le spectre d’une guerre commerciale a souligné que les Etats-Unis devaient faire preuve de souplesse et de coopération avec les pays amis.
Décrivant le déferlement d’acier et d’aluminium importé aux Etats-Unis comme “une attaque contre notre pays”, il a déclaré que le maintien d’une production nationale était une nécessité pour des raisons de sécurité nationale.
“Si vous ne voulez pas payer de taxe, installez vos usines aux Etats-Unis”, a-t-il dit.
Le champion de l’”America First” avait réuni des ouvriers du secteur dont il a invités certains à s’exprimer rapidement au micro avant de les rassembler derrière lui au moment de signer les deux proclamations.
Juste avant son intervention face caméra, un responsable de la Maison blanche avait expliqué à la presse que le dispositif prévu pour officialiser ces tarifs de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium importé prévoyait des négociations possibles avec les pays tiers afin de déterminer des “moyens alternatifs” pour protéger la sécurité nationale – l’argument avancé par Trump pour taxer ces importations – et assouplir (“modifier de manière flexible”) ces droits de douane.
Bruxelles va demander des clarifications
La Chine et l’Union européenne n’avaient pas attendu de connaître l’officialisation de ces mesures pour mettre en garde les Etats-Unis contre les conséquences d’une guerre commerciale.
Le commissaire européen à l’Economie et aux Finances, Pierre Moscovici, a ainsi souligné jeudi matin que l’UE voulait éviter une escalade mais préparait si nécessaire sa riposte.
“Toute guerre est mauvaise et une guerre commerciale est une guerre qui ne fait que des perdants”, a-t-il dit. “Donc, nous voulons encore éviter l’escalade. Mais qui veut préparer la paix prépare la guerre et en tout cas des ripostes”, a-t-il ajouté, évoquant un arsenal de contre-mesures “immédiates”.
Réagissant dans la soirée aux annonces de la Maison blanche, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmstrom, a indiqué qu’elle allait tenter d’obtenir des clarifications sur le sujet.
“L’UE est une proche alliée des Etats-Unis et nous continuons d’être d’avis que l’UE devrait être exclue de ces mesures”, a-t-elle commenté sur Twitter. “Je chercherai à avoir plus de clarté sur cette question dans les jours à venir. Je suis impatiente de rencontrer le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer samedi à Bruxelles pour en discuter.”
C’est le représentant au Commerce de l’administration fédérale, a précisé la Maison blanche, qui sera chargé de négocier avec les pays cherchant à obtenir une exemption.
La Chine prendra elle aussi les mesures nécessaires en cas de guerre commerciale, a prévenu le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi.
Si elle exporte peu d’acier à destination des Etats-Unis, la Chine a fait baisser le prix de l’acier du fait d’une production massive. “Choisir une guerre commerciale est la mauvaise voie, l’issue ne peut être que néfaste”, a dit Wang Yi. “La Chine devra prendre les mesures nécessaires et justifiées”, a-t-il ajouté.
« C’est plutôt du théâtre »
Le président américain avait annoncé la semaine dernière que les Etats-Unis allaient imposer des droits de douane de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium afin de défendre, a-t-il dit, une industrie sidérurgique américaine “décimée par des décennies de commerce inéquitable”.
Il semble avoir accepté depuis des concessions face aux campagnes menées parallèlement par des élus de son propre Parti républicain, des organisations patronales et les alliés des Etats-Unis à l’étranger.
Interrogé jeudi par la radio CBC avant l’officialisation de Trump, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, s’était dit “assez confiant” dans le fait que la relation privilégiée entre les deux pays serait “reconnue”.
C’est chose faite, puisque son pays, comme le Mexique, sont exemptés pour une période indéfinie, la suite dépendant de l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain.
Mais le Mexique s’est insurgé contre le lien établi entre ces droits de douane et la renégociation de l’Alena, qu’il voit comme une forme de chantage. “Dans aucune circonstance nous ne serons soumis à ce genre de pression”, a dit à Reuters le ministre de l’Economie, Ildefonso Guajardo.
A New York, Wall Street, qui avait hésité juste après les annonces à la Maison blanche, a fini en légère hausse.
“Mon père avant un formidable dicton: ‘Ne pleure pas tant que tu n’es pas touchée’. Apparemment, il n’y a pas véritablement de tarifs (douaniers) mis en place. Il s’agit plus d’une tentative pour amener les partenaires commerciaux autour d’une table”, a analysé Kim Forrest, une gestionnaire de portefeuille chez Fort Pitt Capital Group, à Pittsburgh.
Pour Boris Schlossberg, responsable du marché des changes chez BK Asset Management, “il ne s’agit pas vraiment de tarifs. C’est plutôt du théâtre. C’est beaucoup moins agressif que ce à quoi nous nous attendions au départ”.
“La question est de savoir s’il y aura des suites. Va-t-on entrer en litige avec la Chine et sur la propriété intellectuelle? Cela pourrait être un jeu bien plus dangereux. Trump va-t-il aller à l’affrontement avec les Chinois?”
Les craintes d’une guerre commerciale déclenchées par le projet de Trump sur les tarifs ont dominé les marchés financiers depuis une semaine, accentuées par la démission mardi de Gary Cohn, principal conseiller économique de Trump qui était considéré comme un rempart contre le protectionnisme du président américain.