En Tunisie, la torture, une pratique banalisée sous le régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali, persiste encore. Le rapporteur des Nations-Unies sur la torture Juan E. Mendez, de retour de ce pays, en dresse un tableau inquiétant.
Juan Mendez, le rapporteur de l’ONU sur la torture, est catégorique: »La torture persiste en Tunisie » même après la chute du despote tunisien Zine El Abidine Ben Ali. En mission de quelques jours dans ce pays, il a affirmé, lors d’une conférence de presse vendredi, que les services de sécurité tunisiens, dont la police, recouraient encore à cette pratique, largement répandue sous l’ancien régime.
Si le diplomate onusien a reconnu qu’il y avait eu des améliorations dans le domaine des droits humains (il a évoqué des »développements très encourageants » concernant la situation dans les prisons tunisienne), il a insiste pou dire que « il y a des résultats plus décevants quand on en vient spécifiquement à la torture ». Beaucoup de plaintes, a-t-il précisé, « ont été déposées parce que les gens n’ont plus peur de porter plainte, mais, malheureusement, il y a très peu de suivi de la part des procureurs et des juges ».
Pour rappel, des cas de décès suite à des sévices ont été enregistrés ces trois dernières années. Il y a celui, devenu une référence, de Walid Denguir, décédé en novembre 2013, mais aussi ceux de Rached Jaidane et de Kousai Jaibi.
»Manque de volonté politique »
»Il est difficile de savoir à quel point la pratique est répandue mais elle n’est certainement pas isolée », a déclaré Juan Mendez, qui s’est entretenu avec des victimes ainsi qu’avec les ministres de l’Intérieur et de la Justice pendant sa visite en Tunisie. « La volonté politique se démontre avec des actions spécifiques et je crains que les actions spécifiques concernant la prévention et la punition de la torture ne se fassent attendre », a-t-il déclaré expliquant que l’élimination de la torture requiert « une attention spécifique (qui) commence par le fait de reconnaître qu’il y a un problème ».
Depuis la chute de Ben Ali en janvier 2011, plusieurs ONG ont dénoncé la persistance de la torture comme moyen d’obtention de renseignements par les services de sécurité. De récents rapports de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) et de Trial (Track Impunity Always) sur la « justice inachevée en Tunisie » démontrent qu’elle reste une pratique largement courante dans les prisons et les commissariats de police.
Le apport de l’ACAT mentionne 10 cas de torture alors qu’il y en aurait eu plus de 200 pour la seule année 2012 selon la militante des droits de l’homme Radhia Nasraoui, qui a fait de la lutte contre la torture son combat permanent depuis de longues années.