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Tunisie : Un bras de fer très politique oppose les ouvriers agricoles de l’oasis Jemna au gouvernement

Par Maghreb Émergent
octobre 24, 2016
Tunisie : Un bras de fer très politique oppose les ouvriers agricoles de l’oasis Jemna au gouvernement

 

Des centaines d’habitants de l’oasis de Jemna dans le sud tunisien ont manifesté lundi leur colère contre le gouvernement et ont tenté, en vain du fait du manque de liquidité, de retirer leur argent des banques après une décision de gel des comptes de l’association qui gère une ferme autogérée depuis 2011.

 

C’est le dernier épisode d’un bras de fer qui oppose en Tunisie, l’association de défense des oasis constituée par les habitants qui a pris en charge depuis 2011 dans la foulée de la révolution la gestion de la ferme de la STIL (la Société Tunisienne de l’Industrie Laitière).        

 Avant la révolution en 2011, la ferme était louée par l’Etat à des entrepreneurs privés proches de l’ancien régime qui n’ont pas laissé une bonne image. Les paysans locaux ont pris possession de l’oasis de haute lutte en 2011 après un sit-in de près de 100 jours.

 Ils se sont constitués en association et ont entrepris de l’exploiter, créant ainsi un modèle alternatif de démocratie participative. Un ilot dans une révolution portée principalement par l’arrière-pays pauvre et délaissé mais qui n’en profite pas.

 Si le gouvernement tunisien de l’ère Béji Caïd Essebssi s’attaque à ce modèle de gouvernance économique association, les forces anti-Benali, de la gauche communiste à Ennahda affichent ouvertement leur soutien aux ouvriers agricoles.

 Des responsables du mouvement du Peuple, d’Ennahdha, du courant démocratique et du Front populaire dont des représentants sont venus assister le 9 octobre dernières à la vente aux enchères des dattes à laquelle s’opposait le gouvernement qui argue qu’une association n’a pas vocation à mener de telles activités.

 L’association fait valoir que les dividendes de l’exploitation, près de 6 millions de dinars tunisiens selon la presse tunisienne, ont été mis au service de la région pour créer de l’emploi et lancer des projets de développement. La vente aux enchères du 9 octobre a généré la somme d’un million 7 mille dinars et devait permettre de progresser dans ce sens.

 La « dictature du peuple »

Face à ce modèle de gestion atypique qui déplait franchement à la presse tunisienne proche des milieux d’affaires qui dénonce un « holdup » voire la « dictature du peuple », le gouvernement a décidé que la vente aux enchères des dattes menées par l’association était « illégale ».

   » L’Association Jemna n’a aucun statut légal pour céder la récolte de dattes, par conséquent toute personne qui l’achète est elle-même dans l’illégalité », a déclaré le secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières, Mabrouk Kourchid.  Selon lui, la ferme de Jemna fait partie de 68 mille hectares de terres agricoles dépouillées de l’Etat après la révolution en 2011 qu’il faut reprendre.

 

La dernière lueur de la révolution

 L’avertissement a été suivi d’une décision de gel des comptes de l’association de Jemna. L’affaire est une question de vie pour les ouvriers agricoles, elle est aussi un grand symbole politique. La « dernière lueur de la révolution » selon le militant de gauche Sadri Khiari.

 « La révolution n’a pas de valeurs, elle n’a que des impératifs et ne connaît que les rapports de forces. Et Jemna en est le nom… » car elle a « a résolu à son échelle la question centrale de notre révolution : la question de la terre. Jemna en est le nom parce que, le 12 janvier 2011, les habitants de Jemna ont pris le pouvoir. Ils ont occupé les terres gérées par la STIL, sans demander l’autorisation… ».

 Or, le gouvernement semble, à en croire les réactions de soutiens aux agricultures, vouloir précisément faire taire cette lueur en attaquant un modèle atypique au lieu de rechercher une solution. A l’image du Pari des Travailleurs qui a dénoncé une « escalade dangereuse » du gouvernement alors que les  » habitants sont proches d’un dénouement qui protège, à la fois, leurs intérêts et l’intérêt général “.

Marzouki avec Jemna, sans hésitation

 Le PT a appelé les paysans et les habitants de Jemna à la « résistance » face à ” l’oppression exercée par le gouvernement ” et à défendre leur ” expérience modèle ” en matière d’autogestion.

 Le site proche des milieux d’affaires Espace Manager s’étrangle presque en évoquant le soutien de Moncef Marzouki aux travailleurs qui écrit-il, « est conforme à ce qu’on peut attendre de lui. Elle ne peut être en faveur de l’Etat. Cela aurait été inimaginable de lui ».

 Moncef Marzouki qui a expliqué que dans il y a une contradiction entre la loi et le droit, il se met du côté du droit, quand il est ‘confronté à une contradiction entre l’intérêt particulier et l’intérêt général le choix est évident… ».

 « Pour toutes ces toutes ces raisons je suis aujourd’hui avec Jemna plus que jamais. Je suis avec tous les mouvements sociaux à condition qu’ils soient pacifiques et à l’intérieur du système démocratique. Pas pour autre chose que parce que j’y vois les bourgeons d’un arbre qui croît dont nous rêvons tous et pour laquelle nous agissons…Un arbre qui s’appelle le peuple des citoyens » écrit l’ancien président tunisien.

 

 

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