Le chef de l’Etat Tunisien Beji Caïd Essebsi a dix jours devant lui pour désigner un successeur à son Premier ministre Habib Essid, qui n’a pas réussi samedi au terme d’une journée marathon à obtenir le vote de confiance du Parlement pour sauver »sa tête ».
Habib Essid, technocrate de 97 ans, raide et sans aspérités dans sa gouvernance, n’est plus le Premier ministre de la Tunisie. Samedi, les parlementaires lui ont confirmé par un vote sans appel qu’il devait partir. Au terme d’une journée marathon à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) où il a quand même défendu son bilan à la tête du gouvernement, il a été mis à la porte par 118 voix sur 148 (3 pour et 27 abstentions). Il a été en fait »mis à la porte » par les partis proches du président Beji Caïd Essebsi (BCE), avec lequel le courant ne passait plus depuis juin dernier. En fait, le gros des députés membres des quatre partis (Nidaa Tounès, Ennahda, Afek Tounès et Union patriotique libre) ont voté contre la reconduction du premier ministre. Et, du coup, ce vote de défiance met un terme au conflit ouvert qui l’opposait au chef de l’Etat, après que celui-ci ait suggéré de mettre en place en juin dernier un gouvernement d’Union nationale pour se débarrasser d’Essid.
Au bout d’un combat pathétique, l’échafaud
Mais, avant de partir, Habib Essid a livré une dernière bataille, même de prestige. Face aux représentants du peuple, il a défendu son bilan, mais surtout a dénoncé le complot et les manœuvres de déstabilisation, qui l’ont visé ces dernières semaines. Essid a affirmé que l’initiative du chef de l’Etat, au-delà de sa rhétorique sur l’union nationale, visait avant tout à »changer le chef du gouvernement ». Il surtout, devant les députés, révélé avoir subi des pressions à travers des messages le pressant de démissionner. Il a résumé ainsi l’un de ces messages: »Tu n’as toujours pas démissionné ? Allez, facilite-nous les choses. On a besoin du poste. » En face, les choses sont vues autrement. Dans l’entourage du président Tunisien, les griefs relatifs à la gestion du gouvernement sont nombreux. »Le chef du gouvernement a envoyé des signaux négatifs sur sa capacité à imposer l’autorité de l’Etat, et donc à lancer les réformes structurelles nécessaires pour la nouvelle phase », selon une source proche du palais de Carthage. En outre, précise la même source, »le président s’est rendu compte que le premier ministre était davantage animé de la volonté de durer que d’agir. »
Quel candidat pour BCE ?
Le gros des griefs de BCE à l’encontre de son Premier ministre se résume dans la gestion désastreuse des conflits sociaux nés de la crise sociale, comme les manifestations populaires de Kasserine, Gafsa ou Kerkennah. La Tunisie, berceau du printemps arabe, est en proie à d’innombrables difficultés sociales et économiques, rendues difficiles par une situation sécuritaire précaire. La croissance est atone (+ 0,8 % en 2015) avec un taux de chômage, à l’origine des tensions sociales, de 15,4 % de la population active au premier trimestre 2016. Près de 31 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont au chômage. Ce bilan socio-économique négatif du gouvernement de M. Essid est suffisant pour que des ses adversaires lui préparent l’échafaud.
Dans l’immédiat, pourtant, BCE aura une grosse difficulté: trouver dans les dix prochains jours un candidat à la succession d’Essid, qui a perdu la bataille politique, mais gagné la confiance de la popualtion Tunisienne. Le chef de l’Etat Tunisien doit trouver une personnalité de consensus qui puisse avoir le feu vert de neufs partis politiques et trois confédérations (syndicats d’employeurs et d’employés) qui ont cautionné l’initiative d’ »union nationale » de BCE.