L’ONG internationale Human Rights Watch dénonce l’absence de garanties juridiques dans le déroulement de la campagne anti-corruption menée par le gouvernement tunisien.
Dans un communiqué rendu public vendredi, Human Rights Watch (HRW) dénonce le renvoi d’un homme d’affaires pour être jugé par un tribunal militaire, ainsi que la détention de sept autres hommes dans des lieux tenus secrets, ce qui constitue selon elle une « menace pour les droits de l’homme en Tunisie ».
« Dans une véritable transition démocratique, le jugement de civils par des tribunaux militaires ou la détention au secret n’ont pas leur place, quelle que soit la gravité des chefs d’accusation », a déclaré Amna Guellali, directrice du bureau tunisien de Human Rights Watch. « La transparence et l’État de droit, qui sont les meilleurs remparts contre la corruption, doivent aussi guider la façon de combattre la corruption, si c’est bien elle qui se trouve au cœur de ces affaires. »
Entre le 23 et le 25 mai 2017, les autorités ont arrêté Chafik Jarraya, un homme d’affaires bien introduit, ainsi que sept autres hommes. M. Jarraya et les autres personnes ont été assignés à résidence dans un endroit inconnu, une procédure qu’autorise l’état d’urgence en vigueur dans le pays. Les autorités ont affirmé que ces hommes étaient impliqués dans des affaires de corruption et représentaient un danger pour la sûreté de l’Etat.
Le 26 mai, le bureau du procureur a annoncé qu’il avait inculpé Jarraya de trahison et d’intelligence avec une armée étrangère, un crime passible de la peine de mort. Ses avocats ont pu lui rendre visite à la caserne militaire d’Al Aouina. Les autorités n’ont pas révélé les lieux où se trouvaient les autres personnes arrêtées ni les chefs d’inculpation contre elles. Le même jour, la Commission d’expropriation, une instance étatique créée en 2011 pour confisquer et geler les actifs de la famille de Ben Ali et de toute personne qui a profité de biens mal acquis sous son gouvernement, a annoncé qu’elle avait bloqué les avoirs de huit hommes : Chafik Jarraya, Yassine Channoufi, Mongi Ben Rbeh, Nejib Ben Ismaïl, Ali Karoui, Hlel Ben Massaoud Bchiri, Mondher Jnayah et Kamel Fraj.
Retour aux méthodes Ben Ali ?
L’ONG rappelle que les autorités tunisiennes ont déjà utilisé par le passé la résidence surveillée en vertu de l’état d’urgence. Elles ont également déjà poursuivi des civils devant les tribunaux militaires, en général pour des affaires de diffamation contre l’armée ou contre certains officiers en particulier. « Par contre, il semble que ce soit la première fois, depuis le renversement du président Zine el-Abidine Ben Ali en 2011, que les autorités détiennent des personnes au secret, sans accès à leurs avocats et sans révéler à leurs familles où elles se trouvent », précise HRW.
D’après la loi tunisienne et le droit international, tous les détenus ont droit à être rapidement informés des chefs d’inculpation retenus contre eux, à contacter leurs proches et leur avocat et à faire examiner leur mise en détention par un juge. Le droit international considère la résidence surveillée comme une forme de détention, assortie d’une garantie des droits fondamentaux que le gouvernement doit respecter, même en état d’urgence, souligne l’ONG