Le quartet tunisien lauréat du prix Nobel de la paix estime que la priorité est donnée au lancement d’un dialogue national spécifique contre le terrorisme et l’insistance pour la création du conseil supérieur pour le dialogue.
Après l’ancien président palestinien feu Yasser Arafat en 1993, le prix Nobel de la Paix revient dans le monde arabe. C’est la Tunisie, ou plutôt, ce qui fait sa force depuis l’époque coloniale, c’est – à-dire, sa société civile qui est récompensée ce vendredi 09 octobre, par la prestigieuse organisation suédoise. Le Quartet, composé de quatre organisations citoyennes ayant assuré la transition démocratique, menée par l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) pendant le fameux Itissam Errahil (Rassemblement pour le Départ de la Troika) de 2013, après l’assassinat des grandes figures politiques Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, est primé pour ses efforts.
Contacté par Maghreb Emergent, le président d’honneur de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) M. Mokhtar Trifi, se dit honoré et fier, d’autant plus que cette récompense intervient dans un moment particulièrement difficile sur le plan sécuritaire et économique. « Ce prix nous sort de la morosité dans laquelle nous vivons depuis les attentats du musée de Bardoo, puis de Sousse. Mais cette récompense n’est pas suffisante. Nous aimerions que ceux qui nous félicitent aujourd’hui, se rappellent que la démocratie seule ne suffit pas, et qu’ils s’impliquent demain dans notre lutte contre le terrorisme et à redresser notre économie », s’est-il exprimé. En nous informant que l’ambiance est euphorique dans toutes les villes du pays, M. Mokhtar Trifi, n’omet pas de signaler que le citoyen lambda se réveillera le lendemain avec les mêmes préoccupations de la veille : « Aujourd’hui est un jour bien ensoleillé, mais après cette euphorie, notre réalité nous rattrapera dès demain, et comme rien n’est irréversible, nous devrions nous remettre très vite au travail pour répondre aux nécessités des citoyens, qui seront plus exigeants après ce prix », a-t-il estimé. L’un des principaux points sur lequel le quartet doit travailler urgemment est l’insistance pour la création du conseil supérieur pour le dialogue, un projet qui attend toujours l’approbation du parlement : « Il faut œuvrer sur l’institutionnalisation du dialogue », a-t-il insisté.
De son coté, la présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), Wided Bouchamaoui, estime que ce Prix Nobel qui leur a été décerné, vise à encourager le modèle de processus qu’a suivi la Tunisie dans toute la région : « Cette gratification est très symbolique, car ça encourage les start-up de la démocratie comme nous, et c’est à nous de faire fructifier cela », a-t-elle estimé. En rappelant le rôle du Quartet durant la période transitoire : dialogue social, conduite et accompagnement des élections législatives et présidentielles et avant, l’élaboration de la première constitution laïque du monde arabe, Mme Wided Bouchamaoui reconnait que l’objectif de la société civile est d’accompagner les institutions, mais « on ne remplacera en cas les institutions, et on ne compte pas le faire, bien au contraire, notre intérêt est celui de les renforcer », s’est-elle expliquée.
C’est grâce au Quartet que la Tunisie est restée un pays démocratique
« C’est sur le plan international que ce Prix est important, car cela permettra de changer la perception des tunisien à l’étranger. A l’intérieur du pays, nous les tunisiens, savons très bien que nous sommes pacifistes et que nous privilégions la culture du dialogue », nous a dit Maitre Ibtissem Belhadj Ali, avocate à la Cour de Tunis et membre de l’Ordre National des Avocats Tunisiens. « Le fléau du terrorisme existe partout maintenant, mais la société civile tunisienne a fait ce que beaucoup d’autres n’ont pas fait », tient-elle à soulever. En expliquant que le quartet est engagé aujourd’hui dans la résolution des conflits politiques, Me Belhadj Ali tient à rappeler que c’est ce quartet qui a bloqué la route aux islamistes qui « voulaient prendre le pays coûte que coûte ». « C’est grâce à nos luttes que la Tunisie est restée un pays démocratique », a-t-elle conclu.
Pour le secrétaire général adjoint de l’une des plus anciennes organisations citoyennes du pays (UGTT), M. Mondji Djendoubi, ce prix Nobel n’est pas décerné à la société civile tunisienne ou à la Tunisie, mais à toutes les forces de l’humanité qui luttent pour les droits légitimes, la démocratie et le vivre-ensemble. Pour lui, il est temps de réunir les partis politiques et la société civile pour affronter les difficultés sécuritaires et économique-dues aussi au climat sécuritaire. « Ce prix Nobel nous motive à mener les autres luttes incessantes. C’est pour moi une occasion pour lancer un dialogue national spécifique contre le terrorisme », a-t-il lancé.
La lutte contre le terrorisme, le prochain chantier du Quartet
Les quatre organisations tunisiennes lauréates de grand prix international nous ont confirmé à l’unanimité que l’urgence réside dans la lutte anti-terroriste. « Le terrorisme vit avec nous, et il a détruit l’économie. Nous ne faisons pas uniquement face à une crise de rentrée d’argent, mais aussi à une crise d’emploi, étant donné que les travailleurs du secteur touristiques et des autres secteurs dont les activités sont liées au tourisme, sont à l’arrêt », souligne le président d’honneur de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme.