Malgré des signes de reprise, l’année 2017 reste néanmoins sous la menace de la persistance, voire l’accentuation des vulnérabilités de la position extérieure et des finances publiques.
L’année 2017 devrait être, selon les premiers indices, une année de reprise de l’économie tunisienne. Les derniers chiffres publiés relatifs à la croissance économique du 1er trimestre de 2017 (2,1% en glissement annuel contre 0,7% une année auparavant) augurent d’une inflexion positive de l’activité économique, dont la confirmation espérée pour le reste de l’année est justifiée surtout avec une saison touristique prometteuse et la reprise de la production à un rythme consolidé dans le bassin minier, selon le rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour l’année 2016.
Cette analyse est confortée par la conclusion avec succès, récemment, de la première revue du programme “Mécanisme élargi de crédit” par le FMI et le déblocage de la deuxième tranche du financement y afférent.
Toutefois, il ressort du mot du gouverneur de la BCT, Chedly Ayari, introduisant ce rapport, que la Tunisie continue, six ans après la Révolution, à vivre les mêmes difficultés économiques, voire avec plus d’acuité.
“Ce retard dans la relance économique tant attendue trouve son origine, en partie, dans l’environnement international et régional, globalement défavorable, mais surtout dans des facteurs internes, particulièrement d’ordre politique et social, toujours aussi déstabilisants. La transition économique semble ainsi jouer les prolongations alors que, les perspectives de l’économie mondiale affichent, d’ores et déjà, des signes tangibles de redressement sous l’impulsion de l’économie américaine”.
En conséquence, “le pays reste confronté à des défis majeurs au vu de la situation d’essoufflement voire d’arrêt des principaux moteurs de la croissance, en l’occurrence, l’investissement privé et la productivité, et par voie de conséquence l’exportation, alors que l’économie parallèle, omniprésente, continue à asphyxier le secteur manufacturier et obérer les ressources de l’Etat, annihilant toute possibilité d’en dégager la marge budgétaire indispensable à la relance de l’investissement public”.
D’après Ayari, “dans ce contexte, ni le niveau de la croissance économique enregistré jusqu’ici, ni sa structure, dominée par la consommation -trop gourmande en importation- et d’un secteur public budgétivore, lesté d’effectifs pléthoriques, ne permettent d’atteindre, dans un horizon raisonnable, les objectifs de la révolution en termes d’emploi et d’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la population”.
“Il s’agit d’insister surtout sur l’aggravation en 2016 ,des vulnérabilités internes et externes que reflètent les principaux indicateurs macroéconomiques de l’année écoulée: une croissance économique anémique (1% contre 1,1% en 2015), doublée de déséquilibres macroéconomiques accrus, dont les plus nocifs concernent le déficit du budget de l’Etat (6,1% du PIB) et celui de la balance des paiements courants (8,8 % du PIB) et notamment le commerce extérieur, sa principale composante”.
“Ces contre-performances touchant la sphère réelle, n’ont pas tardé à se transmettre à la sphère monétaire, contribuant, de concert, à entretenir une spirale néfaste – qui persiste en 2017 – avec à la clé une résurgence des tensions inflationnistes, une dépréciation manifeste du dinar et un accroissement du poids de l’endettement extérieur, qui, à leur tour, pèsent de plus en plus sur les réserves en devises et la liquidité bancaire”.
“Face à ces défis accentués, et pour enrayer les distorsions et lever les obstacles qui ne cessent d’entraver la reprise de l’investissement domestique et étranger et le rétablissement des équilibres financiers, le mouvement de réformes structurelles, qui en constitue la clé de voûte, reste bridé malgré les efforts des autorités”, constate le gouverneur de la BCT.
Aussi, “la situation requiert-elle une nouvelle dynamique dans la mise en œuvre, dans des délais raccourcis des réformes déjà arrêtées par les autorités en coopération avec les institutions internationales partenaires, susceptible de répondre aux exigences d’un climat des affaires assaini, offrant les conditions adéquates de retour de la confiance et l’amorce d’une reprise tangible de l’activité économique: Accélérer les réformes du secteur financier pour jouer pleinement son rôle de financement de l’économie et d’allocation des ressources, finaliser la réforme fiscale engagée pour renforcer les ressources de l’Etat, et dynamiser la politique budgétaire, avancer dans la réforme des institutions publiques afin d’en améliorer la qualité des services et optimiser les coûts salariaux et sociaux et in fine assurer la soutenabilité des finances publiques, persévérer dans le renforcement de la gouvernance et la lutte contre la corruption, et mettre en œuvre rapidement le projet de loi d’urgence économique déjà adopté par le conseil des ministres en 2016, en vue du lancement effectif des grands projets d’investissements”.
Une politique prudente
Dans ces conditions, la politique monétaire adoptée par la Banque centrale de Tunisie fut une politique prudente : le taux d’inflation étant contenu à 4,2% en 2016 contre 4,1% en 2015, les autorités monétaires ont laissé inchangé le taux directeur jusqu’à fin avril 2017. Mais avec la résurgence des tensions inflationnistes durant le premier trimestre de 2017, les autorités monétaires ont été amenées à procéder à un relèvement du taux directeur à deux reprises (50 points de base le 25 avril et 25 points le 23 mai 2017). Outre l’appui aux mesures préconisées par le Gouvernement en vue de rationaliser les importations, cette action devrait contribuer à stimuler l’épargne nationale tant affaiblie ces dernières années, et desserrer les pressions sur les marchés, monétaire et de change, et atténuer les tensions inflationnistes.
La politique monétaire est, faut-il le préciser, par essence de portée conjoncturelle et ne pouvait, à elle seule, supporter à plus long terme, des déficiences profondes touchant aussi bien le secteur réel que financier. Une dégradation continue du secteur extérieur associée à l’expansion des dépenses de consommation publiques (et des ménages) et à la résurgence des pressions inflationnistes, ne peuvent être durablement compatibles ni avec la stabilité du taux de change du dinar, ni avec des taux d’intérêts réels négatifs. Aussi bien le loyer de l’argent que son taux de change doivent être alignés sur les fondamentaux de l’économie, et jouer de ce fait pleinement leur rôle dans l’allocation optimale des ressources -rares- du pays.
Un équilibre fragile
Malgré des signes de reprise, l’année 2017 reste néanmoins sous la menace de la persistance, voire l’accentuation des vulnérabilités de la position extérieure et des finances publiques. Le relèvement de ces défis doit constituer l’une des priorités majeures et donc tout doit être mis en œuvre pour en réunir les exigences : accélérer la mise en œuvre des réformes indispensables pour libérer l’initiative et renforcer la gouvernance économique tout en raffermissant la coopération avec les institutions internationales partenaires, et remettre à niveau le climat des affaires dans sa globalité en tant que matrice de la croissance et du développement.