La corruption, à moins qu’elle ne soit combattue, restera le principal obstacle à la consolidation par la Tunisie des fondements de son système démocratique.
La corruption est une force déstabilisatrice en Tunisie qui a atteint tous les niveaux ; économique, politique et sécuritaire. C’est ce qu’affirme le think tank américain Carnegie Middle East Center dans un récent rapport sur la Tunisie.
Dans le passé, l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali et son clan monopolisaient la corruption, « mais de nos jours, elle s’est répandue comme une traînée de poudre: les citoyens sont impliqués quotidiennement dans des pratiques de corruption et en profitent », constate le think tank.
Selon le document, la société civile a lancé de nombreuses initiatives et de nombreuses mesures juridiques ont été prises pour lutter contre la corruption, « mais ce fléau est aujourd’hui plus répandu qu’il ne l’était sous Ben Ali ».
Pour que le processus de transition démocratique survive, la Tunisie doit mener une guerre sur deux fronts simultanément pour contrer « le système de kleptocratie et la petite corruption généralisée ». Pour que ce processus réussisse, ajoute le document, le gouvernement et la société civile doivent d’abord se mettre d’accord sur un cadre commun pour comprendre l’essence de la guerre contre la corruption et la manière de la mettre en œuvre. Et la communauté internationale devrait soutenir ce cadre par le financement et l’aide juridique, recommande le document.
Echec des mécanismes gouvernementaux
Le think tank revient aussi sur « l’échec des mécanismes gouvernementaux » de lutte contre la corruption et en avance deux raisons principales. La première est que le gouvernement accorde une grande attention à l’adoption d’une loi visant à neutraliser « les mauvaises parties bénéficiant de l’environnement post-révolution, et pour dissuader les individus de commettre des actes de corruption, « alors que la plupart des forces de la société civile sont concentrées sur le processus de la justice transitionnelle » et la question des violations des droits de l’Homme sous l’ancien régime. Deuxièmement, l’approche descendante (top-down) adoptée par le gouvernement pour lutter contre la corruption – comme la loi sur la réconciliation – a érodé la confiance gouvernement-citoyens et affaibli le processus de consultation de l’opinion publique.
Le think tank fait des recommandations au gouvernement tunisien pour mener à bien la lutte contre la corruption, à commencer par l’application des lois existantes, notamment la loi qui oblige les hauts responsables à déclarer publiquement leurs biens ; engager les organisations de la société civile dans le processus de formulation et de mise en œuvre de mesures anti-corruption pour que les réformes soient acceptées par le peuple et donner la priorité à la création d’une cour constitutionnelle et assurer l’indépendance du pôle judiciaire chargé d’enquêter et de juger les affaires de corruption.
Il s’agit aussi de numériser les processus de gouvernance en réactivant l’initiative TUNIS 2020 et en utilisant le système d’identification national pour aider à contrôler le secteur informel et investir intensivement dans les zones frontalières pour fournir aux acteurs du secteur informel des stratégies de sortie, notamment avec l’éducation et la création d’emplois dans le secteur privé.