La mise en œuvre de près de 135 projets publics d’une valeur de 25,5 milliards de dinars, programmés lors de la conférence Tunisie 2020 est menacée par les lenteurs bureaucratiques alors pour plusieurs d’entre eux les études sont parachevées et les financements mobilisés, s’alarme un conseiller ministériel.
« Il faut activer les projets d’investissements publics en Tunisie, bloqués non pour une question de financement, mais en raison de la lenteur des procédures administratives. Si nous continuons sur cette lancée et que le retard s’accentue, ceci pourrait engendrer la perte de plusieurs dons dont les promesses ont été faites lors de la conférence de l’investissement « Tunisia 2020″, mais aussi la perte de la confiance des parties donatrices » a souligné le conseiller du ministre du développement, de l’investissement et de la coopération internationale, Eymen Errais, dans une interview accordée à l’Agence TAP.
Le responsable a convenu de l’existence d’un réel problème concernant la mise en oeuvre d’environ 135 projets publics d’une valeur de 25,5 milliards de dinars, programmés lors de la conférence Tunisie 2020, malgré le parachèvement des études de plusieurs d’entre eux et la mobilisation des financements nécessaires pour leur réalisation.
« Malgré toutes les conditions propices à la réalisation des projets publics programmés (69 projets prêts à la réalisation immédiate), un nombre très limité seulement de ces projets ont été réalisés à cause de la lenteur des procédures administratives et la complexité des lois tunisiennes, outre les problèmes fonciers auxquels font face certains projets », a-t-il souligné.
Le conseiller a cité à titre d’exemple le projet du pont de Bizerte, dont la réalisation ne pourra démarrer qu’au cours du 1er trimestre de l’année 2018, alors que toutes les conditions pour sa concrétisation sont réunies: mobilisation de financements d’une valeur de 600 millions de dinars, octroyés par la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Européenne d’investissement (BEI) et achèvement de l’étude du projet.
Il a expliqué cette situation par la lenteur des procédures prévues par le décret réglementant les marchés publics. En effet, il y a obligation de lancer cinq appels d’offres pour ce projet, ce qui nécessite plusieurs mois.. ».
La loi d’urgence économique comme solution
D’après Errais, « nous ne pouvons réaliser actuellement, qu’un petit nombre de projets, dont celui de l’hôpital de Sbiba (Kasserine), mais nous oeuvrons à la réalisation d’environ 20 projets au cours de cette année, à travers plusieurs mécanismes dont l’accélération de l’adoption de la loi d’urgence économique, soumise à l’ARP et comportant dans sa première version, 17 articles.
Cette loi permettra de surmonter la complexité des procédures administratives, d’accorder les autorisations nécessaires et de réunir toutes les structures concernées pour prendre les décisions d’une manière rapide, afin d’éviter la difficulté des déplacements entre les différents ministères.
La loi prévoit aussi, la mise en oeuvre des projets publics à travers les accords de gré à gré ou l’organisation de consultations restreintes entre les parties concernées pour réaliser les projets dans des délais courts.
« La Tunisie passe par une situation qui nécessite la prise de décisions urgentes et la promulgation de lois audacieuses » a-t-il indiqué, considérant que « la lenteur des procédures administratives et l’exigence de multiples autorisations favorisent l’augmentation des abus, contribuent à la propagation de la corruption et rendent plus difficile l’attraction des investisseurs.
Il a ajouté qu’il faut resserrer les rangs des tunisiens, bannir le régionalisme et comprendre que le lancement de réformes dans une région, bénéficiera à une autre. Il a fait savoir que la plupart des ouvriers dans les usines du gouvernorat de Monastir sont originaires du gouvernorat de Kasserine et que près de 80% de ceux qui travaillent dans la région de Agareb (gouvernorat de Sfax) viennent de Sidi Bouzid.
Il convient de rappeler qu’un comité de pilotage et de suivi des projets de la conférence « Tunisie 2020 » , composé de représentants permanents du ministère du développement, de la présidence du gouvernement et du ministère des affaires étrangères, se réunit chaque mardi et fait participer à ses travaux les représentants d’autres ministères, en cas de besoin.
Ce comité vise la réalisation des projets signés lors de la conférence de l’investissement, tenue les 28 et 29 novembre 2016, et dont la valeur s’élève à 15 milliards de dinars. Il œuvre par ailleurs, à la concrétisation de projets pour un montant de 19 Milliards de dinars.
Les projets publics programmés lors de la conférence 2020 sont classés en trois catégories. La première catégorie concerne 69 projets prêts à l’exécution immédiate, moyennant une enveloppe de 11,7 Milliards de Dinars. Le financement de ces projets et les études sont déja finalisés.
La deuxième catégorie porte sur les projets dont la réalisation ne peut pas se concrétiser immédiatement malgré la disponibilité du financement, parce que les études ne sont pas encore achevées. Le nombre de ces projets s’élève à 29 avec un coût total de 7,7 Milliards de Dinars. La troisième catégorie concerne la réalisation de 37 projets, encore au stade de conception ou d’idée, pour un montant de 6 Milliards de Dinars.
Par ailleurs, Errais a souligné que le ministère du développement a envoyé récemment plusieurs correspondances aux donateurs dont le fonds saoudien pour le développement (FSD), le fonds Koweitien pour le développement économique arabe, la Banque africaine de développement (BAD), le fonds arabe pour le développement économique et social (FADES), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque islamique de développement, pour la concrétisation des promesses faites lors de la conférence de l’investissement «Tunisia 2020», relatives aux projets dans le secteur public.
Contre la limitation à 35% de l’investissement étranger dans l’enseignement supérieur
Au sujet de l’investissement dans le secteur de l’enseignement supérieur, le responsable a indiqué que le département du développement œuvre en collaboration avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, a réalisé une étude de faisabilité pour permettre aux investissements étrangers dans ce domaine, de dépasser la participation fixée à 35%.
Il a expliqué que l’objectif est d’ouvrir des perspectives à l’investissement étranger dans le secteur de l’enseignement supérieur et d’attirer les grandes universités qui ont manifesté de l’intérêt pour la Tunisie, à l’instar de l’université américaine d’« Harvard », afin que la Tunisie devienne un hub de l’enseignement supérieur en Afrique.
Il a souligné que la fixation d’un taux de 35% pour la participation des étrangers dans les projets de l’enseignement supérieur, sous prétexte de protéger ce secteur, est de nature à entraver son développement.
Par ailleurs, Errais a passé en revue un ensemble de projets publics programmés dont la réalisation d’un tronçon de l’autoroute reliant Tunis à Jemna dans le cadre du projet Tunis/Kairouan/Sidi Bouzid/Gafsa (avec un coût de 1200 Millions de Dinars) outre les projet de renforcement des réseaux de distribution du gaz naturel entre Mourouj et Msaken (coût 450 MD) et de la ligne ferroviaire numéro 6 reliant Tunis à Kasserine (250 MD).
S’agissant de l’investissement étranger, le conseiller a indiqué que malgré la difficulté de la conjoncture aux plans national et international, les investissements extérieurs ont atteint 2145 millions de dinars en 2016 (10 mois) dont 47% dans le secteur de l’énergie, 38% dans les industries manufacturières, 14% dans les services et 1% dans l’agriculture.