Tunisie - Le projet de loi visant à amnistier les corrompus de l’ère Ben Ali est vivement contestée - Maghreb Emergent

Tunisie – Le projet de loi visant à amnistier les corrompus de l’ère Ben Ali est vivement contestée

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Les opposants à ce projet de loi, qui ont mobilisé leurs troupes hier à Tunis et dans d’autres villes tunisiennes, estiment qu’une telle amnistie serait tout simplement anticonstitutionnelle. Le gouvernement affirme vouloir réinjecter des milliards d’argent dans l’économie en légalisant les grosses fortunes amassées de façon illégale.

 

 

Malgré l’interdiction de leur manifestation par les autorités au nom de l’état d’urgence, un millier de manifestants ont défilé hier samedi dans l’avenue Bourguiba, au centre de Tunis, pour dénoncer un projet de loi appelé de « réconciliation économique », légalisant une sorte d’amnistie pour les grosses fortunes qui se sont constituées au temps du président déchu Zine El Abidine Benali.

Ce projet de loi, pour rappel, doit être examiné par le Parement qui l’a reçu du gouvernement de Habib Essid au mois d’août dernier.

Pour rappel, la centrale syndicale tunisienne UGTT est aussi, comme les partis de gauche (Front populaire etc.) contre ce projet de loi d’amnistie, son secrétaire général adjoint, Bouali Mbarki, ayant expliqué qu’il (le projet de loi) ‘’ne saurait être accepté dans sa version actuelle’’ et qu’il nécessitait ‘’une révision fondamentale de certains de ses articles pour introduire la notion de reddition des comptes afin d’éviter la récidive en l’absence de véritables châtiments’’. 

Dans d’autres villes du pays, à Sfax, Kasserine, Sidi Bouzid, etc., des manifestants sont également sortis, à l’appel des partis de l’opposition et des unions locales de l’UGTT, pour dénoncer ce projet de loi.

 

Réinjecter de l’argent sale dans l’économie ?

 

Des économistes tunisiens estiment que le gouvernement veut récupérer l’argent amassé illégalement du temps de Ben Ali, autant en prêts bancaires qu’en impôts non déclarés. Le gouvernement de Habib Essid entendrait ainsi récupérer au moins une dizaine de milliards de dinars (cinq milliards d’euros) en faisant voter par l’assemblée parlementaire le projet de loi controversé.

La démarche du gouvernement consiste en la récupération de l’argent obtenu du Trésor public de manière illégale, majoré de 0,5%, qui vont aller dans l’investissement régional. 

Le 15 juillet dernier, le président Beiji Caïd Essebsi avait déclaré, dans une allocution télévisée sur Attassiaâ TV, au lendemain de l’annonce de l’examen du projet de loi au Conseil des ministres : ‘’Les investisseurs tunisiens sont en stand-by parce qu’ils ont peur d’être poursuivis en justice. Si on suit le parcours de la justice transitionnelle, il nous faudra patienter encore cinq ans ou plus, au vu des expériences des autres pays. Or, la situation en Tunisie ne peut plus attendre.’’

 

Un projet controversé

 

En fait, ce projet de loi, approuvé en conseil de gouvernement en juillet dernier, vise essentiellement à réaliser plus vite et avec moins de procédures un des objectifs de la justice transitionnelle, la réconciliation. ‘’Les poursuites et jugements à l’encontre des employés administratifs et leurs égaux suspects dans des actes de corruption financière et le détournement d’argent public s’arrêtent dès le paiement du montant total des avoirs contestés, majorés de 0,5%’’. Cependant, ‘’les poursuites restent en cours contre ceux qui ont distribué des pots-de-vin ou encore en examen pour corruption active’’, selon le projet de loi. 

 

Un projet ’’anticonstitutionnel ’’

 

Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, parti de gauche, considère que c’est une voie pour le retour des corrompus de l’ancien régime.

Quant au parti Ennahda, son leader Rached Ghannouchi a indiqué : ‘’Nous soutenons l’idée, mais nous examinerons les détails avec nos partenaires dans le gouvernement et le Parlement, et ce, afin d’introduire certains amendements et proposer un projet de loi en accord avec la loi de justice transitionnelle, loin de toute tentation de vengeance et de représailles.’’

Pour les opposants à ce projet, proposé, par le parti Nida Tounes de BCE, celui-ci est ’’anticonstitutionnel’’. L’article 148 de la Constitution, expliquent-ils, stipule : ‘’L’État s’engage à mettre en application le système de la justice transitionnelle dans tous ses domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte. Dans ce contexte, l’évocation de la non-rétroactivité des lois, de l’existence d’une amnistie ou d’une grâce antérieure, de l’autorité de la chose jugée ou de la prescription du délit ou de la peine, n’est pas recevable.’’ 

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