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Tunisie-municipales : les indépendants, une troisième alternative pour les citoyens (analyse)

Par Maghreb Émergent
mai 10, 2018
Tunisie-municipales : les indépendants, une troisième alternative pour les citoyens (analyse)

 

Certains analystes tunisiens estiment que ces élections locales ont constitué une véritable vitrine qui reflète l’état d’âme général du Tunisien.

 

Première échéance électorale locale depuis janvier 2011, les élections municipales du 6 mai ont abouti, suivant les résultats préliminaires annoncés dans la nuit de mercredi à jeudi, à une surprenante victoire des indépendants ayant bénéficié de 32,27% des suffrages.

Selon les chiffres présentés par le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Mohamed Tlili Mansri, le parti Ennahdha (« Renaissance ») vient en deuxième position avec 28,64% soit 516.379 voix, suivi par Nidaa Tounes (« Appel de la Tunisie ») avec 20,85% soit 375.896 voix.

Les indépendants ont recueilli un total de 2.367 sièges dans les conseils municipaux soit 32,9%, contre 2.135 sièges au profit du parti Ennahdha (29,68%) et 1.595 sièges pour Nidaa Tounes (22,17%).

 Cette victoire, qualifiée paradoxalement par certains analystes de logique et d’inattendue, n’a pas caché la relative dominance des deux principaux partis du paysage politique tunisien, à savoir le parti libéral-social de Nidaa Tounes (parti présidentiel) et son principal allié au pouvoir, le parti islamiste Ennahdha.

L’ISIE a précisé qu’avec un taux de participation de 35,6%, soit une abstention de 64,4%, seulement 1.802.695 électeurs se sont rendus aux urnes dans les 350 circonscriptions, sur un total de 5.369.862 électeurs. On constate également que 47,05% des sièges seront occupés par des femmes, soit 3.385 sièges. 

Une inquiétante abstention

Le taux de participation assez faible lors des élections municipales tunisiennes est « logique et compréhensible puisque, depuis longtemps, cette échéance était en étroite relation avec l’ancien régime, et l’est resté dans l’esprit général de la population qui n’a remarqué aucun changement depuis lors », a commenté Hatem Mrad, universitaire spécialiste en sciences politiques.

D’un autre côté, certains analystes tunisiens estiment que ces élections locales ont constitué une véritable vitrine qui reflète l’état d’âme général du Tunisien, qui réalise de plus en plus la délicatesse de la situation socioéconomique et financière de son pays avec un pouvoir d’achat détérioré et des indicateurs au rouge, dont une inflation proche de 8%, une croissance à peine de 2% et un taux de chômage au-delà de 15,5%.

Du côté de l’Union européenne (UE) ayant dépêché une mission d’observation électorale (MOE) de 80 membres, ce premier scrutin municipal depuis la révolution de 2011 « a été jugé crédible malgré la faible participation, en particulier des jeunes, et une campagne peu dynamique, freinée par des règles strictes quant à l’équité du temps de parole », a prononcé le vice-président du Parlement européen et chef de la mission d’observation électorale de l’UE, Fabio Massimo Castaldo.

Une certaine « désobéissance électorale »

Nizar Makni, observateur tunisien des élections municipales, a confié à Xinhua que ce faible taux de participation « ne fait que refléter la mauvaise gestion des affaires de l’Etat des deux pôles au pouvoir ».

Selon lui, la remarquable abstention des Tunisiens illustre à la perfection un certain échec quant à l’efficacité de ces deux partis. « Le mode de vie du Tunisien demeure de plus en plus cher et le taux de pauvreté grimpe, mais il existe surtout une impasse par rapport au traitement d’une crise sociale aiguë en cours depuis quatre ans ».

« Je considère personnellement que ce taux de participation vaut le coup d’une relative désobéissance civile, au sens figuré du terme, par rapport à ces deux partis qui prennent entre leurs mains l’avenir de tout un pays ».

Une « roue de secours » à double tranchant

Ayant obtenu presque le tiers des suffrages, les indépendants « ont constitué pour les Tunisiens une troisième alternative qui pourrait l’emporter face aux deux premières alternatives partisanes basées sur les calculs et intérêts propres aux partis politiques », a commenté M. Makni.

« Les Tunisiens ont voté, cette fois, en faveur de la proximité en donnant leur confiance à des candidats proches de leur cercle local et qui pourraient remplir les besoins locaux du citoyen », a-t-il poursuivi.

D’un autre côté, a-t-il conclu, il faut reconnaître que bon nombre de listes indépendantes ayant réussi ces élections soutiennent implicitement des partis politiques. 

M. Makni a expliqué que la carte des indépendants constitue une nouvelle tactique politique utilisée par les deux partis au pouvoir afin de gagner la foule, se rapprocher le maximum possible du citoyen et le maîtriser via les sièges des conseils municipaux.

A l’issue des résultats préliminaires de ces élections municipales, certains analystes locaux estiment que la Tunisie se prépare à une conjoncture plus sensible sur les plans socioéconomique et politique.

Pour le premier plan, les dirigeants devront gérer certains dossiers sensibles dont les négociations sociales (majorations salariales, revendications au titre du développement régional, etc.) en plus de trouver des solutions pour remédier au ralentissement économique du pays.

Pour le second plan, les principaux partis politiques actuellement au pouvoir seront dans l’obligation de revoir leur efficacité afin de redonner de l’espoir à la population quant à l’amélioration de son niveau de vie.

 

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