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Tunisie: Rached Ghannouchi reélu président d’Ennahdha

Par Mohamed Zenina
mai 23, 2016
Tunisie: Rached Ghannouchi reélu président d’Ennahdha

Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahdha, l’un des quatre partis de la coalition au pouvoir en Tunisie, a été reélu président de la formation à l’issue du 10e congrès national qui a pris fin tôt lundi à Hammamet, au sud de Tunis. Avec 800 voix, M. Ghannouchi se succède à lui-même, devançant de loin Fathi Ayadi et Mohamed Akrout, qui ont reçu respectivement 229 et 29 voix.

Rached Ghannouchi a estimé que le choix du parti de séparer ses activités politiques et religieuses n’a pas été dicté par la conjoncture actuelle, mais qu’il s’agit plutôt du « couronnement d’une certaine évolution d’un parti qui ne cesse de s’auto-métamorphoser ».
Il a affirmé qu’Ennahdha avait réussi à réviser ses orientations générales pour réussir ainsi la transition d’un mouvement idéologique vers un « parti démocratique patriotique musulman ».
Le chef du parti a également assuré qu’Ennahdha s’engageait à se conformer au modèle de société choisi par les Tunisiens et pour lequel le peuple s’était soulevé en 2011 contre le régime Ben Ali.
Dans cet ordre d’idée, Ennahdha « tient au fait que la religion sera à l’abri des tiraillements politiques à travers, essentiellement, la neutralité des mosquées, qui doivent être des espaces de culte et d’union, et non plus de division », a-t-il déclaré.
« Il faut bien reconnaître que la Tunisie vit actuellement démocratiquement (…) d’autant plus que l’extrémisme religieux ou encore l’extrémisme laïc ont déjà prouvé leur incapacité et sont désormais limités ».
Le congrès national d’Ennahdha, qui se tient tous les quatre ans, constitue le rendez-vous phare au sommet de la hiérarchie de ce parti islamiste. Quelque 1.200 congressistes ont participé aux travaux du congrès en présence de pas moins de 2.000 invités, dont 200 étrangers, 500 journalistes et 200 observateurs.
Les congressistes ont également élu les deux tiers des membres du Conseil de la Choura, parlement interne composé de 150 membres. Le dernier tiers sera élu lors de la première session du nouveau Conseil.
Avec une majorité de 58%, les congressistes ont par ailleurs approuvé la constitution d’un bureau exécutif composé de 25 membres devant être proposés par le président du parti mais qui devront être approuvés par le Conseil de la Choura.
Ils ont aussi approuvé une dizaine de motions, dont la motion économique à 89,3%, la motion de lutte contre le terrorisme et du défi sécuritaire à 87,5% ou encore celle du régime politique à 93,5%.
Selon des experts présents au congrès, ces taux illustrent une certaine satisfaction des partisans et des adhérents du parti envers ses grandes orientations stratégiques, y compris le nouveau concept de « séparation » entre le politique et le religieux.
Candidat malheureux à la tête du parti et président du Conseil de la Choura, Fathi Ayadi a assuré qu’Ennahdha comptait réellement séparer le volet politique de l’activité socio-religieuse, notamment la prédication et les actions à caractère éducatif, culturel et associatif.
Il a insisté sur le fait que son parti était « fier » de porter un projet politique tunisien et qu’il veillait « à servir l’intérêt de la Tunisie ».
L’ancien Premier ministre Ali Laarayedh, actuel secrétaire général d’Ennahdha, a souligné en marge du congrès que « le régime politique tunisien est de plus en plus représentatif de toute la population. Par conséquent, aucune menace ne pourra peser sur son identité ou encore la religion ».
Selon lui, il y aura bien « une séparation structurelle et organisationnelle entre le politique et le prédicateur » dans le parti. « La dimension prédicatrice changera en fonction de l’Etat démocratique qui représente les aspirations du peuple tunisien ».
Aux côtés d’hôtes arabes et étrangers, les travaux de ce 10e congrès ont été marqués par la présence du président tunisien Béji Caïd Essebsi, qui a assisté à son ouverture. Un signe fort qui prouve, selon des observateurs, l’étroitesse de la coalition stratégique entre les deux hommes les plus influents de Tunisie.
« En tant que président de la République, je dois me tenir à égale distance de tous les partis politiques de la Tunisie, qui compte pas moins de 204 partis », a déclaré M. Caïd Essebsi à cette occasion. « J’ai hésité avant de venir, mais j’y suis en signe de reconnaissance aux efforts déployés par ce parti pour aboutir au consensus et à la réconciliation nationale ».
Fondé en 1972, le parti Ennahdha a tenu neuf congrès, dont cinq de façon clandestine entre 1979 et 1991 car ses activités étaient alors interdites par les autorités.
Le dernier congrès en date remonte à juillet 2012 après sa victoire aux législatives d’octobre 2011. A l’issue des élections législatives et présidentielle d’octobre-novembre 2014, Ennahdha a cédé au parti Nidaa Tounes les rênes du pouvoir, tout en acceptant de participer au gouvernement de coalition que dirige le Premier ministre Habib Essid.
Suite à plusieurs « fractures structurelles » au sein de Nidaa Tounes avec une série de démissions et de scissions de bon nombre de ses dirigeants, ramenant le nombre de ses députés de 86 à 59, Ennahdha a depuis récupéré la majorité au Parlement avec 69 députés.
Certains observateurs tunisiens et étrangers pensent que le parti islamiste dirigé par Rached Ghannouchi a bien tiré les leçons de l’essor de la confrérie des Frères musulmans dans certains pays de la région moyen-orientale, dont l’Egypte, la Libye, la Syrie et l’Irak.

 
 

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