Tunisie: un gouvernement d'union nationale à la recherche d'une improbable stabilité - Maghreb Emergent

Tunisie: un gouvernement d’union nationale à la recherche d’une improbable stabilité

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La Tunisie a enfin un nouveau gouvernement « d’union nationale » après le vote de confiance de l’Assemblée des Représentants du Peuple (Parlement). Unanimes, les observateurs considèrent qu’il est loin d’être synonyme de la stabilité que la Tunisie recherche depuis sa révolution démocratique de 2011.

Après de longues péripéties faites de doutes et de menaces de dissolution du parlement, le gouvernement dit « d’union nationale », de Mr Lyes Fakhfakh, premier ministre tunisien, a enfin obtenu tard dans la nuit du mercredi 26 février, le vote de confiance par 129 voix de l’Assemblée des représentants tunisiens alors que 77 députés ont voté contre, sur un total de 217 députés.

Ce vote intervient quatre mois après les dernières élections législatives en Tunisie qui ont vu la victoire du mouvement Ennahda, parti islamiste, de Rached Ghannouchi avec près de 24% des sièges, suivi par Qalb Tounes, le parti de Nabil Karoui avec près de 18% des sièges. L’absence dans la loi électorale tunisienne d’un minimum de voix pour être représenté au parlement, est à l’origine de son partage entre pas moins de 20 partis, en plus des indépendants.

C’est cette configuration qui n’a pas permis à un premier gouvernement conduit par Habib Jemili, sous la houlette du mouvement Ennahda, d’obtenir la confiance du parlement. Conformément à l’article 89 de la constitution tunisienne, le nouveau président élu, Kais Said, et après consultation de toutes les forces politiques et personnalités tunisiennes, a chargé Elyes Fakhfakh de former un nouveau gouvernement.

Rappelons que Mr Fakhfakh est l’ancien président du parti politique Ettakatol, poste duquel il a démissionné suite à sa désignation comme premier ministre.

Après avoir occupé des postes ministériels entre 2012 et 2014, dans les gouvernements de transition de Hamadi Jebali et Ali Larayedh, il est candidat aux élections présidentielles de 2019, où il n’obtient que 0,34% des suffrages exprimés, alors que son parti n’est pas représenté au parlement.

Le samedi 15 février, Mr Fakhfakh a présenté une première liste de son gouvernement. Trois postes ont été accordés au mouvement Ennahda mais aucun portefeuille régalien, confiés tous à des indépendants. La deuxième force au Parlement, Qalb Tounes de l’homme d’affaires tunisien Nabil Karoui, malheureux candidat au deuxième tour des élections présidentielles, n’a même pas été associé aux consultations ayant précédé la constitution du gouvernement Fakhfakh. Et c’est cet argument qu’a mis en avant Rached Ghannouchi quand il a annoncé dès samedi 19 février qu’il ne comptait pas accorder la confiance de ses députés à ce nouveau gouvernement et qu’il refusait d’en faire partie.

Selon Ennahda, un gouvernement sans la participation de Qalb Tounes serait trop faible et serait synonyme d’instabilité politique. Ce rapprochement d’Ennahda de Qalb Tounes a surpris tous les observateurs, car ce mouvement a mené campagne contre Nabil Karoui au second tour des présidentielles et soutenu Kais Said.

Il a fallu que le président menace de ne pas désigner un autre premier ministre si Fakhfakh ne réussit pas à obtenir le vote confiance de l’assemblée et qu’il prononcera sa dissolution et la convocation du corps électoral pour de nouvelles législatives pour que Rached Ghannouchi accepte d’accorder sa confiance au nouveau gouvernement, après avoir négocié l’augmentation du nombre de portefeuilles accordés à son mouvement qui passe ainsi de trois à six.   

Les opposants à ce gouvernement reprochent au nouveau premier ministre l’absence d’un véritable programme consensuel politique et économique comme assise à cette nouvelle équipe. Ils considèrent que le programme présenté par Mr Fakhfakh n’est qu’un ensemble d’intentions générales, non quantifiées et impossible d’en évaluer l’application. Ils prévoient des dissensions quand il s’agira d’arbitrer entre la préservation du caractère social de l’Etat, la protection du secteur public et la privatisation comme mode de sortie de la crise que connaît l’économie tunisienne. Ou alors comment répondre aux attentes des Tunisiens par des mesures de lutte contre la corruption, alors que certains partis représentés dans le gouvernement sont impliqués dans des affaires. Les partis qui ont refusé d’accorder leur confiance au nouveau premier ministre lui reprochent également d’avoir opté pour l’exclusion en n’associant pas toutes les forces politiques en présence. Tout laisse penser que la Tunisie est loin d’avoir retrouvé la stabilité politique qui lui est nécessaire pour entamer les réformes indispensables à une sortie de crise sereine.

Abdenour Haouati

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