Le ministère algérien de la défense a démenti l’envoi d’une mission d’enquête en Russie. La spécialiste des questions de sécurité au quotidien El-Watan avait annoncé cette mission, ajoutant que du matériel militaire russe de mauvaise qualité a été fourni à l’Algérie.
Une nouvelle affaire de corruption, mêlant cette fois-ci l’armée et ses fournisseurs russes, a été révélée mardi en Algérie, sur fond de luttes politiques aiguisées liées à l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika. Bien que tout fonctionne par les non-dits, c’est le chef de l’état-major de l’armée et vice-ministre de la défense, le général Gaïd Salah, qui a soutenu le président Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat, qui semble visé cette fois-ci. Le ministère de la défense a d’ailleurs réagi dans l’après-midi pour démentir l’envoi d’une mission d’enquête en Russie.
Alors que le chef de l’Etat recevait le président du Conseil des ministres italien, Matteo Renzi, le ministère de la défense a démenti l’envoi d’une délégation militaire en Russie pour poursuivre les enquêtes liées à des accidents d’avion répétés. Ces accidents, au moins quinze, selon le quotidien El-Watan, ont fait plusieurs victimes parmi les pilotes de l’armée de l’air algérienne.
La spécialiste des questions de sécurité au quotidien El-Watan, Salima Tlemçani, avait rapporté, dans l’édition de mardi, qu’une « délégation d’officiers s’est rendue en Russie, pour discuter avec le constructeur des avions concernés par les accidents aériens. Jamais l’armée algérienne n’a subi autant de crashs que durant cette dernière décennie », rappelle la journaliste, qui énumère une série impressionnante d’accidents de bombardiers Mig et Sukhoi, d’hélicoptères et d’avions de transport militaire.
Deux officiers condamnés en 2006
Citant ses propres sources, la journaliste révèle que deux officiers supérieurs avaient été condamnés à des peines de prison en 2006 dans des affaires de corruption. L’article ne porte pas d’accusations précises, mais le ton général laisse entendre que du matériel militaire de mauvaise qualité aurait été livré à l’Algérie par des fournisseurs russes, contre le versement de commissions.
En 2006, un gros contrat de près de sept milliards de dollars avait été conclu avec la Russie pour notamment la fourniture d’avions de combat, dont des Mig 29 et des Sukhoi. « Les techniciens de l’aviation militaire ont émis de nombreuses réserves quant à la qualité des appareils. L’affaire a fait scandale et le contrat a été revu pour inclure d’autres avions plus performants », rappelle la journaliste. Elle fait aussi état de « lourdes interrogations sur les capacités techniques des équipements dont ils sont dotés ».
Des commissions d’enquête ont été mises sur pied après les deux derniers crashs, impliquant un Mig 25 et un Sukhoi 24. L’une est dirigée par un aviateur, la seconde par un officier de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), un service qui dépendait du DRS (services spéciaux), mais récemment passé sous le contrôle de l’état-major de l’armée, dans le cadre d’une lutte d’influence entre l’état-major, dirigé par Gaïd Salah, et le DRS, dirigé par Toufik Mediène, considéré comme hostile au maintien du président Bouteflika pour un quatrième mandat. De par sa fonction, le général Gaïd Salah est supposé chapeauter les opérations d’achats d’équipements militaires, particulièrement quand il s’agit de matériel aussi sensible.
Une enquête sur tous les marchés?
«Il est question de mener une enquête axée sur le volet technique des appareils qui se sont crashés, mais aussi sur l’ensemble des avions de la flotte, particulièrement les types touchés par les accidents», écrit la journaliste, qui cite ses propres sources, ajoutant qu’une délégation « formée par des membres des deux commissions s’est rendue en Russie et a été reçue par les dirigeants du constructeur russe Soukoï et Mikoyan-Gourevitch, ainsi que par de hauts responsables du ministère de la Défense » russe.
Le ministère de la défense a réagi, pour démentir l’envoi de ces commissions en Russie.
Les enquêtes en cours « sont menées exclusivement par des spécialistes algériens », affirme un communiqué du ministère de la défense publié par l’agence APS, démentant « catégoriquement » tout envoi de délégation militaire en Russie.
Le ministère minimise la portée des accidents enregistrés, affirmant qu’ils « « surviennent dans toutes les armées du monde ». « Nos forces aériennes appliquent un programme consistant et rigoureux de préparation au combat, nécessitant des vols fréquents d’entraînement et de préparation, exécutés de jour et de nuit, ce qui pourrait provoquer la survenance de tels accidents », affirme le communiqué pour expliquer la fréquence des accidents.