Les nouvelles mesures annoncées pour relancer l’investissement ne changent pas les règles en place. Elles offrent juste un nouveau cadre pour négocier discrètement les avantages que peut accorder l’Etat aux investisseurs.
Le ministère algérien de l’Industrie et des Mines a créé une commission chargée d’examiner le recours des investisseurs qui s’estiment lésés. Au milieu d’une flopée de décisions sans portée significative, M. Abdessalam Bouchouareb, qui cherche un moyen de relancer la production industrielle, a annoncé la création de cette commission en vue d’offrir aux investisseurs une possibilité de défendre leurs dossiers en cas de rejet par une administration ou une agence quelconque.
Le gouvernement algérien offre aux investisseurs de multiples avantages, à condition que leurs dossiers soient avalisés par les organismes créés à cet effet, Agence nationale de de développement de l’investissement (ANDI), Agence pour les jeunes (ANSEJ), Conseil national de l’investissement (CNI) pour les projets supérieurs à 1.5 milliards de dinars, etc.
La nouvelle commission risque d’entrer dans la postérité comme une « commission Rebrab », car elle répond directement à la polémique qui a opposé, il y a un mois, le nouveau ministre de l’Industrie au détenteur de la première fortune du pays, Issaad Rebrab. Celui-ci avait fait état d’ambitieux projets d’investissements, s’élevant à plusieurs dizaines de milliards de dollars, mais il avait déploré les entraves que dresseraient, selon lui, l’administration et le pouvoir politique pour l’empêcher d’investir.
Entraves
Sans le citer directement, il avait accusé un homme d’affaires proche du pouvoir, M. Ali Haddad, d’entraver ses projets. M. Haddad apparait comme le nouvel oligarque. Il avait largement contribué au financement de la campagne du président Abdelaziz Bouteflika en avril dernier, et il s’était imposé comme un acteur central, bien que discret, au sein du Forum des Chefs d’Entreprises, l’organisation patronale la plus médiatique du pays.
M. Rebrab avait déclaré placer beaucoup d’espoirs en M. Bouchouareb, lui aussi issu du monde de l’industrie. Il avait même déclaré que le nouveau ministre constituait, pour lui, l’ultime recours, faute de quoi il se verrait contraint d’orienter différemment ses investissements, en allant vers l’international, où il était toujours bien accueilli. Cevital a, dans la foulée, annoncé son intérêt pour de nouveaux investissements en Europe et en Afrique, avec notamment des reprises d’entreprises en difficulté ainsi qu’un ambitieux projet autour du port de Fos, près de Marseille.
Mettre la pression
M. Rebrab avait fait monter la pression à un point tel qu’il avait mis le nouveau ministre dans la gêne. M. Bouchouareb apparaissait comme l’empêcheur d’investir, face à un homme d’affaires présenté par les médias comme un modèle de réussite. Le ministre avait alors répliqué, dans une sortie inhabituelle, pour « mettre les choses au point ». Il avait presque reproché à M. Rebrab de cracher dans la soupe, rappelant à l’homme d’affaires qu’il n’aurait jamais pu atteindre cette dimension s’il n’avait bénéficié de l’appui des pouvoirs publics dans toutes les étapes. Habitué à agir dans la discrétion, M. Rebrab avait été surpris de la réplique du ministre. C’était bien la première fois qu’il était aussi sèchement rabroué.
Un économiste algérien, interrogé par Maghreb Emergent a estimé que l’empire de M. Rebrab, qui englobe la production d’huile et de sucre, le commerce des automobiles Hyundai et les produits Samsung, ainsi que les supermarchés Uno, pèse environ sept milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires annuel de quatre milliards.
La réaction du ministre avait fait un peu désordre. Ce genre de conflits se traite généralement dans la discrétion. La nouvelle commission offre ainsi un cadre adéquat pour éviter de nouveaux débordements.
Tâtonnements
Toutefois, à l’exception de ce mouvement d’humeur, qui lui a permis de marquer son territoire, M. Bouchouareb n’a pris aucune mesure d’envergure pour relancer une production industrielle à l’agonie. Celle-ci représente moins de cinq pour cinq pour cent du PIB.
M. Bouchouareb semble d’ailleurs patauger, comme ses prédécesseurs, en s’enfermant dans un schéma sans issue. Il a annoncé des mesures susceptibles d’opérer une « révolution » dans l’investissement, mais ses décisions n’ont, jusque-là, eu aucune portée. Il reste dans la logique introduite par M. Abdelmalek Sellal depuis son accession au poste de premier ministre il y a deux ans : annoncer des mesures pour débureaucratiser la gestion, sans que cela ait le moindre effet sur le monde de l’entreprise. Une des dernières mesures prises par M. Bouchouareb a été d’assurer que l’ANDI (Agence Nationale du Développement industriel) s’abstiendra, à l’avenir, d’exiger des documents ou pièces non prévues par la réglementation en vigueur !