L’Union européenne a peiné à adapter sa politique de voisinage méridional. Ainsi, de 2010 à 2016 trois politiques euro-méditerranéennes ont été proposées, sans être effectivement réalisées avant d’être révisées.
Le ciblage des actions de coopération économique entre le nord et le sud de la Méditerranée est une exigence formulée par Henry Marty-Gauquié, directeur honoraire de la Banque européenne d’investissement (BEI) et membre du groupe d’analyse JFC Conseil. Dans une contribution, il estime que la nouvelle offre euro-méditerranéenne doit avoir l’objectif prioritaire de renforcer le potentiel des pays méditerranéens dans une économie compétitive et mondialisée.
Dans cette perspective, l’appui aux transitions climatique, énergétique et numérique doit concentrer l’essentiel des efforts, mais en couvrant toute la palette de la modernisation économique et sociale des pays partenaires : mobilité des savoirs, création de chaînes de valeur régionales et enrichissement du contenu des emplois pour en assurer la pérennité.
La contribution parue sur le média Econostrum spécialisé dans l’analyse des relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée, estime que le développement progressif de coopérations de sécurité et de défense à l’échelle régionale, ne doit figurer qu’au second plan des priorités.
En troisième lieu, intervient la restauration des instances de dialogue et de mobilité à l’échelle régionale initiées durant la décennie des accords de Barcelone (1995-2005). Le développement de ces instances avait prouvé leur pertinence pour tisser des liens de compréhension mutuelle non seulement entre les Etats, mais aussi entre les sociétés civiles et les communautés d’affaires ou d’experts, est-il estimé.
Cette offre de stabilisation ne saurait réussir sans une mise au point par la conduite d’un «dialogue exigeant» entre l’Union européenne et les puissances régionales.
Cette ambition devrait en finir avec une période lors de laquelle les relations euro-méditerranéennes ont été marquées par le retour des logiques d’ordre, de l’objectif sécuritaire et du bilatéralisme interétatique. Le tout sous le double effet de la crise économique mondiale et du terrorisme généralisé.
Il en a résulté une baisse généralisée de la volonté de coopérer – ce qui a affaibli durablement le peu d’instances régionales mises en place face aux crises : l’Union pour la Méditerranée, le Partenariat de Deauville ou le programme Tunisia 2020.
Selon la même source, la perte de vision régionale et la monté des populismes – eux-mêmes puissants facteurs d’incohérence dans le comportement des États – ont érodé, aux yeux des opinions européennes, l’intérêt d’une gestion collective des grands enjeux que sont la solution des conflits, la transition climatique et les migrations.
« Plus grave encore, l’Union européenne a peiné à adapter sa politique de voisinage méridional. Ainsi, de 2010 à 2016 trois politiques euro-méditerranéennes ont été proposées, sans être effectivement réalisées avant d’être révisées. Il en a résulté une multiplication confuse d’objectifs pour éviter d’avoir à définir des priorités et une politique concentrée sur deux leviers : les traitements différenciés par pays et la primauté de l’agenda sécuritaire, souligne l’expert.
Il a aussi décelé une absence de l’Europe en Méditerranée qui est d’autant plus paradoxale que la région est bien plus qu’un voisinage car outre les interdépendances humaines, culturelles, économiques et à présent climatiques que partagent tous les riverains de la « Mer commune » et leurs hinterlands respectifs, l’Europe et ses pays membres ont en commun de s’être reconstruits sur l’intégration régionale comme cicatrisant du conflit et de la décolonisation.
Il est regretté que les pays de la rive sud peuvent difficilement prendre l’initiative d’une relance de la coopération régionale, tant leurs points d’appuis respectifs – qu’ils soient politiques, militaires ou financiers – diffèrent en cette période de sortie de crise.