Selon, nos informations tant au niveau national qu’international, des échos nous parviennent nuisibles aux intérêts supérieurs de l’Algérie. Or, avec la crise financière qui s‘annonce entre 2016/2020 , nous avons besoin d’une large cohésion sociale et d’un discours gouvernemental cohérent. Un porte parole officiel du gouvernement doit s’imposer, et interdire toute déclaration qui engage l’avenir de la Nation à tel ou tel ministre sans l’aval de la présidence ou du premier ministre.
1- Le nouveau ministre du commerce fait un bilan négatif concernant le dossier d’adhésion de l’Algérie à l’organisation mondiale du commerce (OMC), où l’Algérie est observateur depuis 1987 représentant 97% du commerce mondial et plus de 85% de la population mondiale après l’adhésion de l’Arabie Saoudite et la Russie, et ce durant tout le mandat du président Abdelaziz BOUTEFLIKA de 1999 à nos jours. Ces déclarations , des ministres de commerce inutiles de 1999 à 2014, contredisent tant le programme du président de la république qui a inscrit cette adhésion comme objectif stratégique, que les orientations récentes 2014/2015 du premier ministre qui lors de ses derniers voyages, tant aux USA qu’en Europe, avait fortement insisté sur le fait que l’Algérie, tout en sauvegardant ses intérêts fondamentaux avait demandé, notamment auprès des USA et de l’Europe de l’aide pour cette adhésion. Le dossier OMC ne saurait relever d’un simple ministre du commerce mais engageant toute la société, relève des prérogatives exclusives du gouvernement, et toute déclaration de cette importance sur ce dossier sensible devrait être faite par la présidence ou le premier ministre, car la récente déclaration de l’actuel ministre du commerce, au moment des tensions géostratégiques, porte un rude coup à la crédibilité internationale de l’Algérie. Un Ministre des transports engage également le gouvernement en déclarant ouvertement dans une interview officielle qu’il n’ y aura jamais d’ouverture des segments du transport (aérien-notamment) au secteur privé contredisant ainsi ses prédécesseurs. Ces propos engagent-ils le gouvernement qui par le passé avait une position très nuancée? Un ministre des finances qui fait des circulaires déconnectées des réalités économiques et sociales au lieu de s’attaquer aux problèmes fondamentaux de son secteur comme celle de l’obligation du chèque sans analyser l’essence de la sphère informelle, qui normalement relève du ministère du commerce avec des empiètements des prérogatives, une circulaire concernant les transactions immobilières qui selon nos informations connaissent un blocage avec une hausse des prix du fait de la lourdeur du système bancaire. Par ailleurs cette déclaration à une télévision privée, en ce début d’août 2015, intervient alors même que les mesures techniques actuelles qu’il préconise auront comme impact une appréciation du dinar, oubliant que la valeur d’une monnaie dépend fondamentalement de la production et de la productivité d’un pays et que 70% du cours du dinar est corrélé à la rente des hydrocarbures via les réserves de change. La politique monétaire bien qu’il y ait eu un petit assouplissement après la modification de la loi sur la monnaie et le crédit au début des années 2000, relève essentiellement de la banque d’Algérie, institution relevant de la présidence de la république avec de larges prérogatives, le rôle d’un ministre des finances étant forcement limité aux choix budgétaires. La politique économique relève en grande partie d’autres départements ministériels, d’où l’importance d’un grand organe de planification stratégique relevant soit de la présidence ou du premier ministre et d’un grand ministère de l’économie nationale (idem pour l’éducation nationale pour donner un nouvel élan au système socio-éducatif) pour impulser la sphère réelle et la synchroniser avec la sphère financière.
2- D’autres par leurs déclarations souvent contradictoires, pensent que par des mesures de volontarisme étatique par des assainissements répétées des entreprises publiques est la solution, et au passage devant faire un bilan sans passion de toutes ces micro unités dans le cadre de l’emploi des jeunes, ou n’existent pas de symbiose entre le secteur éducatif et le secteur économique où plus de 50% font faillite après avoir bénéficié des avantages financiers et fiscaux qui relèvent d’un autre département ministériel que celui de l’investissement. Où en est la cohérence, idem entre les prérogatives du Ministère du travail et celui de la santé pour une gestion efficace des caisses de sécurité sociale. Où trouvez l’argent pour la création de ces groupes industriels, la facilité étant de dire qu’ils seront financés par les banques. Mais 85% du crédit octroyé à l’économie relève des banques publiques dont la partie devises provient de la rente des hydrocarbures. L’assainissement des entreprises publiques a couté plus de 70 milliards de dollars entre 1971/2014 et plus de 70/50% sont revenues à la case de départ ne pouvant pas faire face à la concurrence internationale où le dégrèvement tarifaire zéro (document signé par le gouvernement algérien avec la CEE) est prévu à l’horizon 2020. Qu’en sera t-il donc de ces nouvelles organisations dont le perpétuel changement de cadres juridiques a un cout social et économique élevé, avec cette vision essentiellement matérielle des années 1970, les fameuses industries industrialisâtes ou ce slogan qui n’a plus court dans le monde « quant le bâtiment va tout va » (voyez les bulles immobilières internationales) alors que l’économie mondiale du XXIème siècle est fondée également sur l ‘immatériel (l’économie de la connaissance). Les exportations malgré les différentes organisations depuis 1965 sont le fait à plus 97% y compris des dérivées des hydrocarbures ; les besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés ; environ 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce-services ; le secteur industriel représente moins de 5% du produit intérieur brut, et sur ces 5%, plus de 95% sont des PIM-PME de types familiales peu concurrentielles ; les contraintes à l’épanouissement des entreprises créatrices de richesses publiques ou privées sont toujours là avec une bureaucratie étouffante, un système financier et socio-éducatif inadapté et l’épineux problème du foncier avec un coût exorbitant souvent sans toutes ses utilités.
3- D’autres responsables avec des discours contradictoires d’un ministre à un autre, traduisant le manque de cohérence gouvernementale, qui désarçonne tout investisseur local ou étranger, que des mesures bureaucratiques administratives avec le risque de distribuer des rentes, renforçant le pouvoir de la bureaucratie, du fait d’une gouvernance tant centrale que locale mitigée, renvoyant à la démocratisation des décisions, fondement de la transparence, que par ces mesures nous aurons réduction des importations. Cela a été le cas pour le passage du Remdoc au Credoc (crédit documentaire), et la règle des 49/51% qui n’est pas appliquée mécaniquement même en chine misant sur la minorité de blocage (30%) et le transfert technologique et managérial, appliqué sans discernements à tous secteurs stratégiques et non stratégiques depuis 2009 alors que la facture d’importation a doublé depuis cette date, et un ministre qui déclare à la presse, je cite : « je démissionnerai si cette règle est abolie ». Les transferts légaux de capitaux, et les sorties de devises ont approché les 80 milliards de dollars en 2014 et dépasseront certainement les 70 milliards de dollars fin 2015. La LFC2015 a faiblement réduit les importions, il faudra attendre la loi de finances 2016 pour avoir une vision précise. Cela a un impact négatif sur le fonds de régulation des recettes, qui sera inférieur à 30 milliards de dollars fin 2015 avec un déficit budgétaire prévu par la LFC2015 de plus de 28 milliards de dollars, et le niveau des réserves de change estimées à 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014 à moins de 140 milliards de dollars fin 2015 au rythme de la dépense publique actuelle, si le cours de maintient aux environ de 60 dollars , le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole.
4- Bon nombre de responsables, n’ont pas retenu la leçon de la crise de 1986, où les responsables de l’époque croyant au miracle , disant à la population algérienne que la crise ne nous concernait pas, ni les leçons de la situation récente de la Grèce petit pays de 11 millions d’habitants qui a un produit intérieur brut en 2014 supérieur à celui de l’Algérie, avec le risque de voir à l’horizon 2019 l’implosion des caisses de retraites et la fin des subventions et transfert sociaux non ciblées, source de gaspillage et d’injustice sociale qui ont avoisiné 60 milliards de dollars en 2014(27/28% du PIB). Ils continuent comme si de rien n’était dans leurs discours à verser dans le populisme stérile, auquel personne ne croit, loin de la prise de conscience de la gravité de la situation. Ils continuent donc de parler d’investissements massifs dans de leurs secteurs – dépenser sans compter – tirant leurs puissances à travers les réseaux par l’octroi de marchés toujours par le canal du budget de l’Etat, en oubliant le ciblage de projets qui doivent s’insérer dans le cadre d’objectifs stratégiques cohérents et datés de la politique socio-économique de la réduction nécessaire des coûts dont certains projets avoisinent 15 à 20% de surcoûts par rapport aux normes internationales.
5- L’avenir de l’Algérie conditionnant sa sécurité nationale est lié à deux scénarios. Le premier serait le statu quo. Dans le cadre de cette hypothèse, il y a une forte probabilité d’épuisement des réserves de change horizon 2019, des réserves de pétrole et du gaz traditionnel, et ce bien avant 2030, les réserves se calculant selon le couple évolution du vecteur prix international, coût, concurrence d’autres formes d’énergies. Comme conséquence : pas d’attrait de l’investissement tant local qu’étranger, suppression des subventions, chômage croissant, des tensions sociales et une instabilité politique, à l’instar des pays les plus pauvres, et la diplomatie algérienne en berne, sans parler des risque d’intervention de puissances étrangères. Quant au second scénario, il se base sur les conditions favorables de développement de l’Algérie qui a d’importantes potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée. Le développement serait fondé sur les piliers de la bonne gouvernance tenant compte des nouveaux défis, tels que la revalorisation du savoir, de l’Etat de droit par la réhabilitation du management stratégique de l’entreprise et des institutions et par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l’Etat régulateur, la promotion des segments hors hydrocarbures en réhabilitant l’entreprise créatrice de richesses locale ou étrangère, le combat contre la corruption qui s’est socialisée , démobilisant toute énergie créatrice, l’intégration de la sphère informelle produit de la bureaucratie et de la logique rentière, évitant la concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives destructrices de richesses. Espérons pour nos enfants que le second scénario se réalise. En ce monde interdépendant, turbulent et instable toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Devant refuser les solutions utopiques, il s’agira de privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie loin des intérêts individuels rentiers. L’objectif stratégique est de favoriser le dialogue politique, économique et social productif et le processus démocratique tenant compte de notre anthropologie culturelle, renforçant le front social intérieur, personne n’ayant le monopole de la vérité ni du nationalisme. L’Algérie sera ce que les Algériens voudront qu’elle soit, un pays émergent ou un pays éternellement sous développé. Pour éviter le scénario des années 1986, qu’aucun algérien ne souhaite, durant la période 2015/2025, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique et d’ une cohérence gouvernementale sans faille , composée de femmes et d’hommes de combat, intègres, la fonction de ministres n’étant pas une affaire de techniciens ou d’administratifs mais de femmes et d’hommes engagés ayant une dimension politique locale et internationale, et ce afin de surmonter cette situation difficile.
Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des Universités, et ancien haut cadre de l’Etat