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Walter Boltz: « l’Europe ne veut pas être dépendante de Gazprom »

Par Mohamed Boukhalfa
novembre 11, 2015
Walter Boltz: « l’Europe ne veut pas être dépendante de Gazprom »

 

Walter Boltz, le président du régulateur autrichien des marchés du gaz et de l’électricité, E-control, était présent à l’Hotel Aurassi pour le séminaire sur le jumelage de son pays avec l’Algérie dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE. Maghreb Emergent est allé à la rencontre de l’expert afin qu’il détaille ce qu’il décrit comme une «opportunité unique».

 

L’Europe s’approvisionne en majorité chez Gazprom. La raison pour laquelle vous souhaitez vous diversifier répond-elle à des considérations géopolitiques ?

Nous croyons en Europe que la sécurité de l’approvisionnement est vitale. C’est mieux de s’ouvrir à plusieurs sources que d’avoir un fournisseur très important et quelques autres très petits. En revenant deux années en arrière, le volume suppléé par Gazprom à l’Europe a fluctué entre 95 milliards de mètres cubes (BCM) et 140 bcm. Environ 100 bcm viennent de Norvège, et le reste provient d’Algérie, de Libye et d’autres pays producteurs. Je pense que l’objectif européen est de ne pas trop augmenter les parts de marchés de Gazprom et d’avoir une croissance des importations provenant d’autres sources. Pour que notre dépendance envers Gazprom n’augmente pas. On veut toujours du gaz russe, c’est indispensable. Mais nous ne voulons pas de situation dans laquelle 60% du gaz importé provienne de Gazprom, car cela créerait une dépendance qu’on veut éviter. Le marché du gaz naturel liquéfié (LNG) qui sera bientôt disponible nous donne une opportunité de mener cette politique. On pourra aussi importer d’importants volumes grâce au GNL sur le marché mondial. Dans ce contexte, les producteurs comme l’Algérie auront la possibilité d’augmenter leurs ventes vers l’Europe.

Quand les contrats avec Gazprom vont-ils expirer ?

Ils vont expirer en 2018 et 2019. Donc entre 2018 et 2021, 15% des volumes d’importations de l’Europe vont devenir disponibles pour la négociation. Nous importons pour 400 Bcm, donc ce sera environ 40-50 Bcm qui seront sur le marché. Les volumes seront négociés avec les anciens, ou de nouveaux partenaires. Tout est possible.

Quels sont selon vous les avantages et les inconvénients pour l’Europe de l’offre algérienne de gaz ?

L’Algérie a une relation commerciale limitée à quelques pays européens. Je pense que la force de l’offre algérienne est de mélanger les technologies du pipeline et du GNL, qui sont une bonne chose. Mais l’Algérie devrait être plus flexible sur les demandes de prix. La manière dont ils mènent leurs relations commerciales est plutôt conservatrice. Comme par exemple Gazprom qui n’avait pas voulu modifier les tarifs car ils avaient des contrats de longue durée. Après un temps, ils ont réalisé que c’était impossible de forcer leurs clients à prendre trop de pertes. Les acheteurs perdaient beaucoup d’argent. Quand on force un client à payer ce genre de tarif on risque de le perdre, car il va faire faillite. Finalement, Gazprom a réalisé qu’il fallait renégocier. Je pense que c’est pareil pour l’Algérie, qui doit trouver une formule flexible dans la fixation de son prix. Pour que les acheteurs soient certains qu’à long terme le prix du gaz soit compétitif. C’est la façon normale de faire du business que de ne pas mettre ses clients en difficulté. Il y a eu de gros changements: il y a cinq ans tout le gaz importé en Europe se traduisait par des contrats de longue durée, aujourd’hui ce type de contrat n’en représente que 20%. L’Algérie doit changer sur ce point.

Vous avez parlé de la possibilité de construire de nouveaux pipelines entre l’Algérie et l’Europe. Existe t-il des projets concrets ? 

Je ne pense pas qu’il y ait de projets spécifiques. Il y a déjà des pipelines qui vont en Espagne. L’Espagne est plutôt isolée du centre de l’Europe. Si l’Algérie veut agrandir ses capacités vers l’Europe elle doit logiquement passer par l’Italie. L’Italie est très bien connectée au centre de l’Europe et possède une immense capacité d’exportation vers tout le continent européen alors qu’en Espagne il n’y aura qu’un accès limité. Il y a aussi le GNL, qui est intéressant. Il permet pour le pays producteur d’être plus flexible, d’exporter partout. Mais il sera plus soumis à la compétition internationale. Je pense que pour les pays comme l’Algérie c’est plus intéressant d’augmenter les capacités en pipeline. Car cela va former des relations fortes avec les acheteurs. De plus la construction de pipeline coute des milliards, et dans ces conditions il est plus facile de faires des contrats de longue durée.

Qu’en est-il du financement?

Il y a de l’argent disponible au niveau européen. Si le businessplan est sur la table et qu’il y a des acheteurs. Je ne pense pas que le financement soit un problème.

Vous avez dit lors de votre conférence que les Algériens étaient absents du lobbying à Bruxelles. Quel est l’impact de cette situation pour l’Algérie ?

Je pense que l’Algérie peut faire un peu mieux. Bien sûr que l’Algérie ne pourra pas avoir un lobby comme celui de la Russie. Mais je pense que l’Algérie pourrait être un peu plus active à l’échelle européenne. Sonatrach possède un bureau à Bruxelles, mais c’est très peu. L’Europe est un des marchés les plus intéressants pour le gaz et le pétrole de l’Algérie. Une présence plus forte et active à l’UE serait probablement fructueuse.

 

 

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