Le docteur Yacine Zerguini, membre de la commission médicale de la FIFA, qui était ce mercredi l’invité du direct de Radio M, est venu exprimer l’inquiétude de beaucoup de cadres de l’institution sportive. Celle de voir remis en cause des programmes qui ont changé le visage et la pratique du sport roi, surtout dans les pays du tiers monde.
Comme beaucoup de ses collègues, le spécialiste algérien de la médecine du sport redoute que les révélations en cours sur les scandales de corruption au sein de l’exécutif de la FIFA fassent « oublier le travail considérable qui a été effectué et conduisent à jeter le bébé avec l’eau du bain ». Il souligne l’importance prise par le football et singulièrement l’organisation du foot mondial au cours des dernières décennies. « Plus qu’un sport, le foot est un fait social .Mais c’est aussi 300 millions de licenciés et les fédérations de 209 pays qui travaillent ensemble. C’est plus que l’ONU », affirme Yacine Zerguini. Il rappelle qu’« en ce moment même où se déroule la coupe du monde féminine de football au Canada et la coupe du monde des moins de 20 ans en Nouvelle Zélande », la FIFA est frappée par l’« hostilité » qui se manifeste au grand jour à l’égard de sa gestion. Une hostilité essentiellement alimentée, de son point de vue, par les médias occidentaux. Il ne sous-estime pas les risques et les tentations de redistribution du pouvoir au sein de la FIFA que comporte cette crise. « La supériorité économique et scientifique peut donner des envies de domination », avertit le médecin algérien, qui se dit attaché au mode de fonctionnement actuel de l’organisation basé sur le principe : « un pays, une voix ». Yacine Zerguini, qui était encore présent la semaine dernière au congrès de Zurich, est néanmoins persuadé que « la démocratie est bien installée au sein de la FIFA ».
La science au service des sportifs
Au contact des « fonctionnaires » de la FIFA, sans en faire partie, le parcours du docteur Zerguini est illustratif de celui de nombreux spécialistes, compagnons de route « bénévoles » de la Fédération, depuis le début des années 90. Expert et chirurgien en médicine du sport au sein du CNMS d’Alger, dès les années 80, « une institution à l’époque très avancée et qui soignait de nombreux athlètes des pays africains, mais aussi des pays de l’Est », Yacine Zerguini a été repéré par la FIFA à l’occasion d’une communication prononcée lors d’un Congrès scientifique international. Associé depuis 21 ans à de très nombreux programmes de développement orientés principalement vers le continent africain, le docteur Zerguini s’est vu confié voici quelques années la direction du « Centre d’excellence FIFA » d’Alger. « Un des trois existants en Afrique », tient–t-il a souligner. Un centre qui ne repose pas sur une administration mais sur « un réseau de spécialistes et d’universitaires de renommée internationale » chargés de mettre en œuvre les projets identifiés par la FIFA dans le domaine de la médecine du sport. Au programme, entre autres, ces dernières années : l’impact du jeûne pendant le Ramadan sur la performance sportive, les accidents cardiaques dans le sport de haute compétition, ou encore la mise au point de techniques de détermination de l’âge des joueurs. Pendant toutes ces années, stimulée par les progrès réalisés dans la médecine du sport, Yacine Zerguini relève que les « règles elles mêmes du foot ont beaucoup évolué et prennent de plus en plus en compte le souci de la santé et l’intégrité physique des joueurs, ce qui d’ailleurs va de pair avec la qualité du spectacle sportif. »
L’ère Blatter a beaucoup profité aux pays du tiers monde
Yacine Zerguini qui « ne dispose d’aucune information sur les affaires de corruption en cours » ne plaide pas spécialement en faveur de Sepp Blatter ou de ses pairs du Comité exécutif de la FIFA qui sont d’ailleurs, rappelle-t-il, « élus par les fédérations nationales ». Il pense surtout à son devoir de témoigner de l’importance des progrès accomplis dans l’organisation du football mondial et des programmes lancés, depuis plus de 20 ans, sous ce qu’il faut bien appeler l’« ère Blatter ». Il cite parmi d’autres, le « programme futuro » qui a permis aux instructeurs de la FIFA de former des « groupes d’une vingtaine de professionnels dans les domaines à la fois de l’arbitrage, du coaching, du management ou de la médecine du sport dans chaque pays ». Le programme baptisé « Maison de la Fédération » a permis, de son côté, de financer la construction du « siège de chacune des fédérations nationales et des centres de formation dans chaque pays, ainsi que souvent également des terrains conformes aux normes modernes, y compris en l’Algérie, et surtout dans les pays les plus pauvres qu’aucun n’a été laissé à l’écart de ces réalisations ».
« Raouraoua a de l’envergure »
Le docteur Zerguini, qui porte le nom célèbre de l’ancien président du Comité Olympique Algérien, son père, est « tombé dans le sport quand il était petit ». Il n’oublie pas de parler de la Fédération Algérienne de Football dirigée par un Mohamed Raouraoua qui « a de l’envergure à la place qu’il occupe et qui est une personnalité respectée dans les forums internationaux », affirme-t-il. A l’actif du bilan de l’action de Raouraoua, Zerguini inscrit « la formation des formateurs, en cours, qui produira des résultats sur le long terme », ainsi qu’ « un travail de fond sur le respect des règles en matière de protection de la santé des joueurs ». Au chapitre des points noirs, il recommande un « rattrapage du retard en matière de réalisation des infrastructures, notamment des stades, qui ne doivent pas attendre nécessairement la programmation d’une compétition internationale en Algérie ».