Yousfi-Haddad, le ticket traditionnel d’un capitalisme sans boussole - Maghreb Emergent

Yousfi-Haddad, le ticket traditionnel d’un capitalisme sans boussole

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L’événement de la semaine est une fois de plus lié au secteur de l’énergie : La production algérienne d’hydrocarbures s’est remise à augmenter. C’est en principe une bonne nouvelle. Sauf que la source est Youcef Yousfi, le ministre algérien de l’Energie. Ce qui change tout. Car les annonces radieuses venant du patron du secteur ont été systématiquement rattrapées par la réalité depuis 2011. Tiguentourine n’a pas redémarré au bout de trois mois, la chute de la production d’hydrocarbures n’a pas cessé en 2014 et, maintenant, «l’extraordinaire» potentiel algérien en hydrocarbures non conventionnels n’a pas attiré les investisseurs étrangers.
Difficile, dans un tel contexte, de donner du crédit à un ministre qui renouvelle, tout seul, les réserves prouvées algériennes en multipliant les annonces de découvertes dont les spécialistes savent qu’elles resteront, pour leur grande majorité, sans incidence sur le futur volume de production. Cela n’a pas empêché Youcef Yousfi de soutenir, ce dimanche 12 octobre, au Centre des conventions d’Oran, que l’Algérie va accroître de 40% sa production de gaz naturel dans les cinq prochaines années. Cela implique environ 40 milliards de mètres cubes par an de volume additionnels en 2019. C’est comme si un nouveau pays gazier naissait quelque part dans le monde.
La réalité est que le ministre de l’Energie est dans une mauvaise passe politique. Il a échoué dans sa stratégie du tout-hydrocarbures, roche compacte comprise, pour succéder au tout-hydrocarbures commission de marché comprise de Chakib Khelil. La débâcle du 4e appel d’offres de l’Alnaft, l’autre semaine, est venue dire combien la situation est entrain de se compliquer. Quatre périmètres attribués sur 31 proposés. Et surtout une désertion quasi-complète, seul Statoil s’y aventure prudemment, pour les périmètres à potentiel non conventionnel censés porter la nouvelle offre algérienne des prochaines décennies. Le ministre de l’Energie est un homme d’expérience. Il peut encore se ressaisir et observer calmement qu’il fait fausse route en voulant reproduire à l’identique la stratégie de la seconde moitié des années 1980. Mais peut-être que le temps politique ne lui en donnera plus l’occasion. Son échec a glacé les centres de décision. Premier ministre par intérim en mars-avril, dernier Youcef Yousfi est devenu un ministre précaire à l’automne 2014.

Le pendant économique de Youcef Yousfi est désormais Ali Haddad, le président de l’ETRHB : Non pas que le second est dans la même dynamique d’échec que le premier. C’est même le contraire. La connivence est ailleurs. Elle tourne autour de l’argent public. Youcef Yousfi est censé l’accroître par les exportations énergétiques, Ali Haddad censé compétent pour le capter par les commandes d’Etat. Age premier du capitalisme algérien. Déjà archaïque. Car la création de la valeur ajoutée qui fonde les croissances durables est absente de ce ticket. Ali Haddad est candidat à la présidence du Forum des chefs d’entreprises. C’est l’autre nouvelle de la semaine économique.
Une partie des chefs d’entreprises, qui n’a pas apprécié son lobbying agressif pour que le FCE soutienne le projet du 4e mandat présidentiel, réagit avec philosophie à sa déclaration de candidature. «C’est peut-être mieux ainsi. Le pouvoir informel qui dirigeait cette organisation devient formel. Le FCE a une chance de peut-être se redéployer dans une nouvelle cohérence, claire et assumée», a commenté un chef d’entreprise éloigné de la mouvance du PDG de l’ETRHB. Mais peut-on envisager réellement l’arrivée d’Ali Haddad au devant de la scène «institutionnelle» comme une nouvelle chance pour moderniser le capitalisme algérien ? A priori, la réponse est non. Le modèle d’affaires qui a fait grandir l’ETRHB, hyperconnectée à la commande d’Etat, donc à la décision politique, n’est pas reproductible comme modèle efficient.
Si Ali Haddad veut contrôler le FCE pour prolonger la vie à ce modèle dans l’intérêt de son groupe, sa rationalité n’est pas celle du capitalisme industriel. Elle ne diversifiera pas les exportations algériennes, ne sauvera pas la balance des paiements du pays au tournant de 2025. Mais tout comme Youcef Yousfi pour le tout-hydrocarbures perdant, Ali Haddad peut, il faut l’espérer, se dégager de son implication de court terme pour revoir l’avenir autrement. Dans son cas, l’avenir est dans l’industrialisation de ses métiers, la remontée de la filière du service vers la production : matériaux de construction, engins de travaux publics, sidérurgie. Et vers les marchés extérieurs. C’est toute la différence entre les oligarques qui se dépassent pour fonder un capitalisme plus performant pour leur pays et ceux qui se reproduisent à l’identique, c’est-à-dire dans le cas algérien comme dans le cas russe, qui restent branchés sur le pipeline. Jusqu’à la prochaine insurrection.

L’Espagne est de retour. C’est en tout cas ce que son gouvernement pense :  C’est la fête nationale de l’Espagne ce 12 octobre. La première où son ambassadeur à Alger peut parler de reprise économique après près six longues années de crise. La prévision de croissance pour 2014 a été rehaussée de 1,3% à 2%. Dans la zone euro, aujourd’hui, c’est du luxe. Mais l’Espagne repart de très bas. Il lui faudra une reprise plus vigoureuse et plusieurs années pour entamer le dramatique stock du chômage qui a enflé depuis 2008. L’embellie de 2014 a permis de repasser sous la barre des 25% de sans-emploi.
Mais il faudra sans doute attendre 2023 pour retrouver le niveau de l’emploi de 2007 (moins de 8% de chômeurs). Le revenu moyen des Espagnols est encore inférieur de 8% à celui de 2007. Les analystes sont donc prudents au sujet du renouveau de l’économie espagnole. D’autant que les nouveaux moteurs de la croissance retrouvée demandent à être éprouvés. L’Espagne, affutée par la crise, s’est rapprochée du low-cost social en Europe. Cela a contribué à relancer ses exportations. Mais cela ne coïncide pas avec le positionnement du pays dans les années du miracle espagnol. Signe du délitement du pacte national des années de forte croissance : le référendum sur l’indépendance catalane. Une crise dans la crise.
 

 

 

 

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