Les cambistes du Square Port Said, plaque tournante du change parallèle à Alger, ne voient pas l’euro tomber sous les 200 dinars malgré les ajustements que connait actuellement la monnaie nationale sur le marché officiel. Pour eux, la valeur des devises sur le marché parallèle est fixée plutôt par le principe de l’offre est de la demande.
Alors que la banque centrale réajuste la valeur du dinar afin de lutter contre l’inflation ambiante, traduisant un sentiment d’urgence quant à la nécessité de soutenir un pouvoir d’achat des ménages et des entreprises en perpétuelle érosion, les cours de l’euro et du dollar se maintiennent à des niveaux élevés sur le marché parallèle.
Samedi, 24 septembre, l’euro et le dollar plus particulièrement sont repartis à la hausse, au gré des voyageurs qui semblent être encore nombreux à repousser les dates de la reprise professionnelle. Outre les estivants retardataires, les étudiants sont encore nombreux à solliciter l’offre en devises du marché informel afin de pouvoir financer leurs études et leurs déplacements à l’étranger.
La principale devise du Vieux Continent s’échange contre 213,5 dinars, aujourd’hui, samedi, au Square Port Said, alors que le billet vert est repassé au-dessus de l’euro, s’échangeant à 214 dinars. Les deux devises ne calent pas ; la hausse des cours se nourrissant d’une demande plus que jamais forte, alors que les voyagistes, aidés par un mois de septembre plutôt chaud, continent de faire embarquer et de débarquer les voyageurs à destination de Tunisie, de Turquie, d’Egypte, de Dubaï ou encore vers des destinations plus exotique, à l’image de la Tanzanie, de la Malaisie.
Le poids de la conjoncture
Ce matin, vers 11h00, la rue Abane Ramdane ainsi que les petites ruelles avoisinantes ne désemplissaient pas. C’est un jour de week-end propice au va-et-vient incessant autour du Square Port Said et de la place du Théâtre national d’Alger.
Les cambistes étaient encore nombreux, tout comme les voyagistes, les étudiants et autres individus sollicitant le change parallèle. Ce jour là, les deux devises les plus sollicitées s’affichent en hausse dès la matinée.
« C’est une période propice à la hausse de la demande ; les vacanciers sont encore là à vouloir faire perdurer l’été, les étudiants préparent leurs voyages pour l’Europe et le Canada, les Algériens sont encore nombreux à vouloir se faire soigner, en France, en Turquie ou en Tunisie, alors que les agences préparent d’ores et déjà la nouvelle saison des Oumra », explique Fouad, un cambiste du Square Port Said, âgé d’à peine trente années. L’homme est peu loquace et ne répond aux questions qu’au compte-goutte.
Sur ces lieux, la discrétion et la vigilance sont les maitres mots. Ces deux dernières années, les cambistes étaient pris de court par la crise sanitaire ; la suspension des voyages et la fermeture des frontières avaient entrainé une baisse des cours de l’euro et du dollar. La thésaurisation en monnaies étrangères était le seul facteur à avoir aidé le marché de change parallèle à maintenir une certaine activité.
Aujourd’hui, ils sont plusieurs à parier sur le maintien des deux principales devises, malgré les velléités officielles en faveur d’une appréciation du dinar, aidées par un contexte international favorable, marqué par une hausse de l’inflation dans les pays partenaire, une augmentation quasi générale des prix des produits de base et une hausse des fondamentaux de l’économie en raison de la montée des cours du pétrole brut.
Facteurs haussiers
La montée du dollar face à l’euro sur le marché parallèle s’explique, selon Zineddine, cambiste au marché Clausel d’Alger, « par cette ruée des Algériens vers le dollar dans le but de grappiller quelques gains en les échangeant contre des euros à l’étranger ».
Selon lui, la zone dollar, représentée essentiellement par la Turquie, la Chine et Dubaï, est la plus sollicitée désormais aussi bien par les commerçants que par les vacanciers.
Interrogé sur les facteurs de mouvements sur le marché parallèle des changes dans les prochains mois, à l’heure où la banque centrale semble privilégier la solution monétaire pour lutter contre l’inflation, Zineddine estime qu’au niveau du change parallèle les facteurs sont plutôt haussiers avec, au tableau, une demande qui devrait rester en hausse avec l’ouverture des voyages à destination des lieux saints de l’Islam, une offre qui tantôt en stagnation, tantôt en faible hausse, provenant essentiellement des Algériens établis à l’étranger et des pensionnaires algériens de l’étranger. Il y aurait même une offre tendue en dollar et certains voyagistes ont du mal à s’approvisionner en monnaie américaine pour pouvoir faire les réservations en devises, selon nos informations.
Bien évidemment, les cambistes interrogés sont majoritaires à parier sur une hausse des cours des principales devises.
Comme par stratégie d’anticipation ou par volonté d’exercer un effet psychologique sur les acheteurs, ces cambistes n’ont jamais été pessimistes quant à l’évolution des cours des deux principales devises, même du temps où le choc pandémique réduisait ce marché à sa plus simple expression.
Ali. T.