L’Algérie vote dans deux mois pour élire un président de la république. Le président Abdelaziz Bouteflika a tout mis en œuvre pour être la seule alternative à lui-même. Seule inconnue : son état de santé.
A deux mois de la présidentielle du 17 avril 2014, aucune candidature ne s’est imposée avec suffisamment de force pour concurrencer celle du président en exercice, M. Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1999, semble ainsi promis à un quatrième mandat, malgré un état de santé défaillant. Ce point constitue d’ailleurs la seule inconnue qui pourrait encore changer la donne. Une offensive attribuée au patron du DRS, le général Mohamed Mediène dit Toufik, en vue d’empêcher un quatrième mandat, aurait tourné court, en raison notamment de l’appui apporté au président Bouteflika par le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la défense, le général Ahmed Gaïd Salah.
Abdelaziz Bouteflika n’a pas encore annoncé sa candidature, mais le dispositif en vue de sa réélection est en place. Les principaux partis représentés au parlement, avec notamment le FLN et le RND, ainsi que la « société civile », une large pléiade d’associations constituant la clientèle traditionnelle du pouvoir, dont la centrale syndicale UGTA, l’ont appelé à se présenter. L’annonce officielle de la candidature devrait intervenir autour du 24 février, comme il avait déjà en 2004 et 2009 : c’est le double anniversaire de la création de l’UGTA, en 1956, et de la nationalisation des hydrocarbures, en 1971.
Les partisans de M. Bouteflika mènent déjà campagne autour d’un thème central, la stabilité. Pour eux, le maintien du chef de l’Etat serait un gage de paix civile, alors que nombre de pays arabes, engagés dans des processus prometteurs lors du « printemps arabe », ont depuis sombré dans le chaos et la violence.
Candidat par défaut
Mais le président Bouteflika sera surtout un candidat par défaut. Il a réussi à éliminer toute candidature en mesure de lui faire de l’ombre. Avec l’appui du pouvoir, il a fait place nette bien avant l’échéance du 17 avril, pour se présenter comme seule alternative à lui-même, dans la tradition des scrutins organisés en Algérie, où le chef de l’Etat n’a jamais été contraint à un second tour.
Parmi les candidats déclarés, seul l’ancien premier ministre Ali Benflis semble jouir d’une notoriété suffisante pour mener campagne. Mais en 2004 déjà, M. Benflis avait été réduit à un simple rôle de figurant. Les autres candidats restent peu visibles. L’ancien premier ministre Ahmed Benbitour, qui jouit d’une réputation de probité, a progressivement sombré. Bien qu’il ait été le premier à annoncer sa candidature, dès décembre 2012, il n’a pas réussi à lui donner de la consistance. Quant aux personnalités jouissant d’un certain crédit, elles ont préféré s’abstenir. Elles suivent en cela une règle édictée depuis vingt ans par l’ancien premier ministre Mouloud Hamrouche : en Algérie, il est inutile de se présenter contre le candidat de l’armée, ou contre le candidat sortant s’il bénéficie toujours du soutien de l’armée.
Place nette
Avec ses appuis, M. Bouteflika a ainsi réussi à faire le vide. Les anciens premiers ministres Ahmed Ouyahia, qui dirigeait le RND, et Abdelaziz Belkhadem, ancien patron du FLN, ont été éjectés de leurs partis respectifs il y a plus d’un an. Ils ont, de facto, été éliminés de la course à la présidentielle. Hocine Aït-Ahmed a renoncé, et Saïd Saadi, ancien dirigeant du RCD, est dans une semi retraite.
Le jeu des appareils n’a permis l’émergence d’aucune nouvelle candidature d’envergure. Sofiane Djillali, malgré un « succès d’estime », n’a pas atteint l’envergure nécessaire pour inquiéter le chef de l’Etat. Quant à Louisa Hanoune, qui affiche des idées d’extrême-gauche, elle s’est montrée dans une posture de proximité telle, avec le pouvoir, qu’elle semble vouée à un rôle de figurante. Elle a d’ailleurs été la seule conviée à une rencontre remarquée, en fin de semaine, avec le chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah.
Une campagne brusquement relancée
Le suspens n’est revenu qu’avec l’apparition d’un conflit inattendu au sein même du pouvoir. Anciens hauts responsables, généraux à la retraite et une grande partie de la presse ont attribué au général Toufik, patron du DRS, une hostilité, ou au moins certaines réserves, quant à un quatrième mandat du président Bouteflika. Avec l’appui du chef d’état-major Gaïd Salah, le président Bouteflika aurait cependant réussi à mettre en difficulté le général Mediène, en rognant ses pouvoirs ou en poussant ses proches à la retraite.
Le patron contesté du FLN, Amar Saadani, s’est à son tour mis de la partie, en demandant publiquement le départ de Toufik Mediène. Un général à la retraite, Hocine Benhadid, a riposté, critiquant vertement le chef d’état-major, le général Gaïd Salah, ce qui a sérieusement perturbé l’opinion algérienne. Cela a permis, depuis début février, de ramener un peu de suspens pour pimenter une campagne sans intérêt, focalisée essentiellement sur l’état de santé du chef de l’Etat. Et surtout, de remettre la stabilité et la paix civile au cœur de la campagne : après avoir éliminé les hommes qui pouvaient le gêner, le président Bouteflika élimine les thèmes susceptibles d’être gênants.