La disparition, vendredi dernier, de l’ancien président algérien déchu, Abdelaziz Bouteflika, interpelle autant sur son legs politique qu’économique. Dans une Algérie ouverte à toutes les incertitudes, il n’était pas connu pour être un président qui tenait bien ses comptes !
A la sortie des années dites de la décennie noire, le tableau de bord économique de l’Algérie affichait peu reluisant : le revenu par habitant avait baissé de près du tiers au cours de la décennie, le taux de chômage pointait à 30 %, un taux de croissance moyen d’à peine 1,9 % par an, tandis que des milliers d’entreprises et d’usines avait mis la clé sous la porte, avec des services et des infrastructures publics lourdement détériorés. Par ailleurs, la dette publique était élevée. Puis arrive au pouvoir un certain Abdelaziz Bouteflika…
De 1999 à 2006, une économie d’inspiration libérale
D’emblée, Bouteflika annonce la couleur économique de son premier quinquennat avec le choix d’un Premier ministre, Ahmed Benbitour, aux penchants économiques bien connus de tous, mais dont la collaboration avec l’autre tête de l’exécutif atteint rapidement ses limites, l’amenant à jeter l’éponge au bout d’une année, replacé dans la foulée par son futur adversaire, Ali Benflis.
Au-delà du packaging de « l’homme providentiel », dont le pouvoir de l’époque avait usé lors de la campagne électorale de 1999, le nouveau président voulait incarner la figure de l’État développeur et de l’État providence. Pour cela, il misait sur une politique d’ouverture, qu’il s’en est allé défendre à Paris dès l’an 2000. Devant un parterre de journalistes, le défunt président disait vouloir inculquer au peuple algérien ce qu’était une « économie de marché », une culture que, selon lui, les algériens n’avaient pas, et qui risquait de conduire le pays vers une « économie de bazar ».
Grâce à une première phase d’amélioration de la conjoncture pétrolière mondiale, l’ouverture économique des années 2000 sous Bouteflika, passait par un relâchement progressif de la contrainte budgétaire et « autorisait l’adoption d’une politique de relance d’inspiration keynésienne », selon Mihoub Mezouaghi,’économiste et ancien directeur de l’Agence Française de Développement (AFD). L’Algérie entrait alors dans une période de « new deal », basée essentiellement sur le développement des infrastructures de transport, de télécommunications, d’éducation et de santé. Une politique qui conduit l’État à exercer un premier choc permanent de dépense publique, via un un plan de soutien à la relance économique (2001-2004) doté de 7 milliards de dollars, auquel succédait un plan de soutien à la croissance (2005-2009) de 50 milliards de dollars.
Ainsi, les chantiers prioritaires de Bouteflika vont de la construction de barrages, la restructuration des établissements publics, le financement de contrats de services avec des opérateurs étrangers (BOT, PPP ou autres), au programme de 3 millions de logements, le développement des infrastructures de transport (réseaux routiers et ferroviaires, équipements, etc), en passant par la relance des IDE et l’amélioration des structures de revenu et la réduction des inégalités.
D’autre part, les connexions avec les milieux d’affaires et les bailleurs de fonds, notamment français, voyant en l’Algérie de Bouteflika le nouvel eldorado maghrébin du business. De nouvelles configurations se créent et favorisent les apports en capitaux propres, pour soutenir les investissements. Plus tard, l’émergence quasi « ex-nihilo » du groupe Khalifa va donner naissance à l’un des plus gros scandale financier des l’ère Bouteflika.
Sur le plan institutionnel, l’Algérie relance le dialogue économique et politique avec l’Union européenne (UE), qui aboutit en 2002 à la signature d’un accord d’association prévoyant la mise en place d’un libre-échange bilatéral, et reprend la reprise des négociations d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), entamées au siècle dernier.
Ce tournant « libérale » est ponctué en 2005 par une des lois les plus contestées de l’ère Bouteflika, celles sur les hydrocarbures. Afin d’attirer les majors étrangères vers les gisements de pétrole et de gaz, l’Algérie se dote d’outils juridiques offrant des avantages fiscaux et contractuels aux grandes multinationales. Celle-ci vaudra à Bouteflika son premier « gros » couac économique. Le président est alors accusé de vouloir « brader » les richesses du sol algérien aux étrangers.