Abdelmalek Sellal, un accélérateur stoïque de la dégradation de la note Algérie - Maghreb Emergent

Abdelmalek Sellal, un accélérateur stoïque de la dégradation de la note Algérie

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La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.

La conjoncture algérienne est devenue plus claire en s’assombrissant cette semaine.  Le déficit externe 2015 sera très lourd. La seule balance commerciale a donc enregistré un déficit de 6,38 milliards de dollars aux 5 premiers mois de l’année. A fin 2015, le solde de la balance des paiements – services et compte capital compris –  pourrait valoir plus du triple de ce chiffre. La fonte des réserves de change prend donc un sérieux coup d’accélérateur.

Et l’urgence déclarée dans le plan de Nabni l’autre semaine se pare des chiffres assortis. Plus de 40% de baisse des revenus des exportations sur la période de janvier à mai. Le solde sur les 12 mois pourrait se diviser par deux pour les recettes énergétiques. Que faut-il retenir de ce qui arrive ? D’abord que le gouvernement est en retard. Ensuite qu’il tente d’agir en ordre dispersé. Enfin qu’il ne travaille que sur le court terme. Bien sûr, soyons clair, ce chiffre de 6,38 milliards de dollars de déficit n’aurait sans doute pas été évité complètement même dans le cas d’un train de bonnes réformes dès le second semestre 2014, lorsque le marché pétrolier s’est retourné.

Par contre, son impact sur le budget de l’Etat, oui.  Car l’autre déficit qui pointe derrière celui de la balance des paiements est celui du solde budgétaire qui va siphonner le Fonds de régulation des recettes (FRR) à une allure astronomique. Comment ce déficit aurait-il pu être contenu ? En réduisant les gaspillages et en améliorant la collecte de l’impôt.  Sur le front des recettes, la Banque d’Algérie a choisi le recours classique. Celui du sauvetage de la fiscalité pétrolière par la manipulation de la paire dinar-dollar.

Le raffermissement du dollar face à l’euro a été intégralement transféré dans sa parité face au dinar. Conséquence, en 2015 chaque milliard de dollars de recettes énergétiques fiscalisés rapporte, traduit en dinars, en moyenne plus de 15% de revenus au Trésor par rapport à la même période en 2014. En dehors de cet artifice transversal dont l’incidence additionnelle demeure contenue en dessous des 7 % à 8% du budget de l’Etat, un théâtre d’ombres pour réduire le choc budgétaire qui couve en 2015.

C’est la valse-hésitation sur tous les fronts pour rester à l’intérieur des lignes rouges du statu quo présidentiel : subventions, prix énergétiques intérieurs, taxe foncière, etc. Pourtant, l’équation de 2015 est plus précise depuis ce déficit annoncé de la balance des paiements. Il va manquer une vingtaine de milliards de dollars d’assiette fiscale au budget de l’Etat à la fin de l’année. Il n’est pas question de les compenser entièrement avec le FRR, au risque de ne plus pouvoir y recourir dès 2017. Mais alors, que faire ?

 

Chaque semaine qui passe montre que l’animation de l’exécutif par Abdelmalek Sellal est une dégradation personnifiée du risque Algérie. Bien sûr, le verrou contre la réforme se situe au-dessus du Premier ministre, chez un président impotent à qui tout le monde continue d’obéir par Saïd interposé. Mais compte tenu de la vitesse de la dégradation, le rôle du Premier ministre devient crucial pour prolonger ou pas l’illusion du temps qui reste.

Sur ce plan, Abdelmalek Sellal est le Abdelhamid Brahimi du XXIe siècle, la science en moins. Comme lui il a soutenu une politique de redistribution de la rente irréaliste compte tenu de l’endettement de l’Algérie au début des années 1980. Comme lui il s’est dissous dans l’irrésolution lorsque le prix du pétrole a chuté en décembre 1985. Mais Abdelhamid Brahimi avait encore son mot à dire. Abdelmalek Sellal, démuni, lui, accepte une gouvernance directe par la présidence du dossier de l’urgence économique. Et regarde ses ministres déployer, chacun dans son département, des solutions pour répondre aux injonctions présidentielles : baisser les importations coûte que coûte. Ainsi, les importateurs étrangers – un héritage discutable des années Zeroual – voient depuis plus de deux mois leurs produits bloqués aux frontières.

Consigne non écrite du ministre du Commerce, traîner le plus possible dans la livraison des certificats du service des fraudes. Barrière non tarifaire ? En fait chicane algérienne qui va dégrader un peu plus le classement du pays au climat des affaires pour un résultat en économie d’importation qu’il serait bon de quantifier pour l’opinion. De même pour le carburant. Le ministre de l’Energie, Mohamed Khebri, se dépatouille seul avec une solution pour tenter d’en réduire le gaspillage. Il en est né l’idée risible du double prix. Celui à l’intérieur du quota autorisé de consommation, et celui au-delà du quota.

Sans que le Premier ministre ne soit capable d’éviter une telle bouffonnerie à un moment aussi critique de la conjoncture. L’escrime sur l’existence ou pas d’un projet industriel Peugeot en Algérie entre les deux ministres, Benyounes et Bouchouareb, finit de caricaturer le rôle du Premier ministre. Le premier doute de l’existence de ce projet, le second le décrit par le menu dès le lendemain. Le pilotage de l’action du gouvernement s’est permis être bancal à l’ère des excédents astronomiques de 2005-2008. L’issue est l’impréparation à cette conjoncture mondiale du pétrole abondant.

Le paramètre Bouteflika restant pour l’heure inchangé, la qualité et la responsabilité de l’animation de l’action du gouvernement sont devenus critiques depuis la dernière rentrée sociale. Dans un cas idéal, l’Algérie organise – comme la Grèce – une élection libre pour amener un gouvernement responsable soutenu par sa majorité parlementaire. Dans le cas du 4e mandat, elle devra se contenter d’en finir avec le non-Premier ministre Sellal, pour un autre qui limiterait un peu l’entropie qui s’est emparé de l’action publique. En attendant le choc.

 

La situation algérienne est plus dangereuse que celle de 1985. Le constat a été encore précisé par l’ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour. A cela plusieurs raisons. L’une d’entre elles a été évoquée dans cette chronique. Le duo Bouteflika-Sellal est mortel pour la réforme. L’autre raison est encore plus tragique. Il n’y a pas de nouveau Hassi Berkine en vue dans les prochaines années. Le rebond algérien des années 2000 a été possible grâce à un nouvel âge pétrolier.

Préparé par la loi sur le partage de production de… 1986, élargie au gaz naturel en 1991. Quelles sont les lois qui amèneront l’équivalent non-pétrolier d’un Hassi Berkine dans le budget de l’Etat les années prochaines ? Tout le monde le sait. Tout le monde sait aussi qu’elles ne seront pas engagées à l’ère de Bouteflika. Sauf s’il est encore là lorsque la rente aura disparu.

 

(*) Article publié le 29 juin 2015 sur le quotidien El Watan.

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