Au moment où le monde développé innove et facilite l’accès aux soins innovants dans plusieurs spécialités médicales, le système national de santé continue encore de rendre la vie difficile et parfois dramatique aux malades, pourtant évitable dans beaucoup de cas. Les raisons sont bien visibles, cependant, en ce qui concerne la gestion bureaucratique des structures de santé ou des ruptures répétitives de médicaments.
Pourtant, les données de l’OMS, en 2018, montrent que « l’Algérie a consacré 6,2% de son PIB au secteur de la santé. Les dépenses de santé se situent au-dessus de la moyenne de la région de la Méditerranée orientale (5,4%) et pas trop loin de la moyenne européenne (7,6%). La dépense par habitant pour la même année, s’est établie à 256 $ US contre 642 $ US pour la région de la Méditerranée orientale et 2447 $ US pour la région Europe ».
Dans une présentation devant la presse, tenue lundi 20 septembre à Alger et organisée par les laboratoires Roche, le Professeur, Ahcène Zehnati, économiste de la santé, directeur de recherche au Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD), indique que « seulement 33% des 78 produits échantillonnés couvrant l’immunologie, la sclérose en plaques, l’oncologie ciblée et l’immunothérapie sont disponibles en Algérie, contre 44% en Tunisie ou encore 66% en Egypte, alors que la moyenne étant de 57% dans la région MOANT (Moyen Orient, Afrique du Nord et Turquie) ».
Il est à souligner, que ces dernières années, de nombreux Algériens se rendent en Turquie, Tunisie ou en Europe pour les plus aisés financièrement, à la recherches des soins innovants pour leurs maladies, vue l’inaccessibilité à ce type de soins en Algérie.
Dure réalité en Algérie. Selon le Pr Ahcène Zehnati, « les délais d’enregistrement, la négociation des prix et l’achat par appel d’offres retardent l’accès aux traitements innovants. En effet, dans la région MOANT, l’Algérie a le plus long délai de lancement (la Tunisie ou l’Egypte ont réduit les délais à moins de 12 mois depuis 2 ans) ».
Le constat de la prise en charges des malades via des thérapies innovantes reste amer. Evoquant des données de IQVIA, Pr Zehnati affirme que « parmi 16 innovations thérapeutiques dans la prise en charge du cancer du sein, seules 8 sont enregistrées en Algérie et seulement 4 sont disponibles. Au nombre de 19 thérapies dédiées au cancer du poumon, seules 7 innovations sont enregistrées et uniquement 3 sont disponibles. Même si les traitements sont enregistrés, leur disponibilité n’est pas assurée ».
Pourtant économiquement rentable !
Malgré la difficulté d’accès aux données qui montrent les rendement clinique et économiques des thérapies innovantes dédiées aux cancers, l’économiste de la santé affirme que « Les études menées dans différents contextes montrent l’importance des avantages cliniques, économiques, et qualitatifs des thérapies innovantes dédiées aux cancers. Cependant, la plupart des pays de la région MOANT font preuve d’un certain retard quand il s’agit de générer des données réelles sur ces paramètres. Pour ne parler que des bénéfices économiques, il est démontré que le progrès technologique (incluant le lancement de nouvelles molécules) a un impact positif sur la croissance du PIB. De plus, l’augmentation de la longévité a un effet direct sur la croissance économique. Une augmentation de 10% du nombre de nouvelles molécules lancées dans un pays permettent de réduire de 2,4% le nombre d’années potentiellement perdues avant 75 ans (mortalité prématurée) ».
L’introduction de nouvelles molécules permettent de réduire certains coûts médicaux (coûts hospitaliers, nombre de jours de congé maladie…) et améliore la productivité en général. Ces impacts (pas toujours visibles) peuvent constituer un argument majeur pour justifier un recours accru aux innovations thérapeutiques en les rendant disponibles au grand bénéfice des cancéreux.