«Surprise générale», «historique»… Les termes emphatiques ne manquent pas pour qualifier le projet d’accord passé à Alger par les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui se sont entendus hier pour ramener leur production à 33 millions de barils par jour…
Et d’abord, quel en sera l’impact sur l’économie mondiale, sur le consommateur? Francis Perrin, spécialiste des questions pétrolières et président de « Stratégies et Politiques Energétiques », nous répond.
Les pays membres de l’OPEP se sont mis d’accord pour refermer légèrement le robinet afin de réduire l’offre et soutenir les prix. Est-ce que finalement l’Iran et l’Arabie saoudite étaient si réconciliables que ça?
Il est exact que ce qui s’est passé hier est extrêmement important, puisque depuis le début de la chute des prix, à l’été 2016, l’OPEP n’avait pris absolument aucune décision. Et donc, il y a un changement, qui a d’ailleurs surpris les marchés, et qui a poussé à une hausse des prix du pétrole. Cela dit, il faut nuancer sur un point: à Alger, le 28 septembre, il n’y a pas eu un accord, mais un projet d’accord, ou les éléments d’un accord, parce que l’accord devra être concrétisé le 30 novembre 2016 à Vienne, en Autriche, lors de la prochaine réunion de la conférence de l’OPEP. Il faut mettre des chiffres en face de chacun des quatorze pays membres de l’OPEP pour véritablement pouvoir concrétiser cet accord. Et pour cela, l’OPEP se donne deux mois entre la fin septembre et la fin novembre. Donc, décision historique, sans doute, mais on ne peut pas dire encore accord historique.
Ce qui est très important par contre, c’est que pour la première fois depuis plusieurs mois, l’Arabie Saoudite a accepté verbalement que l’Iran soit laissé en dehors d’un accord de réduction de la production avec le Nigéria et avec la Lybie. Le ministre saoudien de l’Energie a dit, pour la première fois depuis longtemps, ces trois pays doivent pouvoir augmenter leur production, pendant que d’autres réduisent leur production.
Peut-on déjà anticiper un potentiel impact sur l’économie mondiale ou sur le consommateur?
Effectivement, l’OPEP va profiter de cette période de deux mois pour bien sûr poursuivre les discussions en son sein, mais aussi pour négocier, avec des pays non OPEP, dont la Russie, afin que ceux-ci apportent leur contribution à l’effort de redressement des marchés et des prix. Et donc, pour juger de l’impact de cette décision, de ce projet d’accord annoncé hier à Alger, sur les marchés et les prix du pétrole, il nous manque encore un certain nombre d’éléments chiffrés: quelle est l’ampleur exacte de la réduction de la production de l’OPEP, et quel est l’apport venant de certains ou de plusieurs pays non OPEP. Cela nous permettra de jauger mieux l’impact possible sur les marchés. Avec une condition cependant: il ne suffira pas, le 30 novembre, de signer un accord, il faudra aussi l’appliquer après le 30 novembre. Et on sait très bien que parfois certains pays OPEP ou non OPEP signent des accords et ne les mettent pas en œuvre.
*Francis Perrin a travaillé pendant plusieurs années comme journaliste et consultant indépendant sur l’énergie et les matières premières avant de rejoindre, en 1991, le Centre arabe d’études pétrolières. Francis Perrin a été rédacteur en chef de Pétrole et Gaz Arabes (PGA) et d’Arab Oil & Gas (AOG) entre 1991 et 2000 et directeur de la rédaction de l’ensemble des publications de l’APRC entre 2001 et le début 2012.
En 2012, Francis Perrin a créé Stratégies et Politiques Energétiques (SPE).