Me Amine Sidhoum a défié le parquet d’ordonner une enquête sur les sévices qu’a subis, selon lui, par son mandant pendant son interrogatoire. « Il n’osera pas bien que la loi le lui permette! », a-t-il déploré.
Les plaidoiries dans le procès de l’affaire l’Autoroute Est-ouest se sont poursuivis ce matin au tribunal criminel près la cour d’Alger, avec une longue plaidoirie de Me Amine Sidhoum constitué pour la défense de l’accusé Chani Medjdoub.
L’avocat qui, pendant plus d’une heure, s’est attelé à démonter les motivations de la Chambre d’accusation contre son mandant dont il dit qu’il est « victime d’un scénario fabriqué de toute pièce par la police judiciaire ». « Si l’on veut consacrer l’Etat de droit, sachez qu’il se construit avec le droit et non pas par la torture et le chiffon », a-t-il dit en allusion aux sévices qu’auraient subis son client après son arrestation.
Me Sidhoum critique les « auditions de nuit »
Me Sidhoum a consacré une large part de sa plaidoirie à répondre au réquisitoire du parquet général, en soulignant que ce dernier s’est basé sur des affirmations « vagues et incohérentes » faites par l’autre accusé Mohamed Khelladi, ex-directeur du département des nouveaux programmes de l’ANA. « J’ai entendu le procureur général dire que Chani Medjdoub est un expert en finances et qu’il a utilisé des techniques très développées. Moi je dis que ce sont les établissements financiers algériens qui sont en retard. Nous avons un système bancaire primitif », a-t-il martelé. Et de poursuivre : »Le procureur général a parlé des conventions et traités internationaux des droits de l’homme que l’Algérie a ratifiés. Ces conventions ne servent qu’à blanchir l’image du pays à l’étranger, mais lorsqu’il s’agit du citoyen algérien comme Chani Medjdoub, celui-ci a été humilié au nom de loi. C’est une honte et c’est un fait gravissime! ».
L’avocat a déploré que son mandant ait été auditionné de minuit à 4h du matin, « qui, plus est, en présence du juge d’instruction ». « J’ai l’impression que le Procureur général adore les auditions de nuit. Monsieur le procureur aime le clair de lune. Si j’étais à sa place, j’engagerais des actions pour confirmer la véracité des sévices et torture (commis contre la personne de Chani Medjdoub son client, Ndlr). Mais il ne le fera pas », a tonné Me Sidhoum qui est allé plus loin encore : » Je défie Monsieur le procureur général, en sa qualité de premier responsable de la police judiciaire, d’aller visiter les locaux du Département du renseignement et de sécurité (où auraient eu lieu les sévices supposés contre l’accusé Chani, NDLR). Il n’osera pas et cela ne se fera jamais bien que la loi le lui permette! ».
Pour cet avocat, le recours à la Commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève « n’est pas, comme le Procureur général l’a laissé entendre, une atteinte à la souveraineté nationale. La souveraineté nationale ne doit pas être utilisée à des buts personnels! ». Selon lui, le recours à cette instance internationale est survenu « après que toutes les voies de recours au niveau national aient été épuisées ». Et d’ajouter : « Le patriotisme est ancré chez les Algériens, et nous n’avons besoin de personne pour nous donner des leçons de nationalisme ». Dans les pays qui se respectent et respectent leurs citoyens, les plaintes pour tortures prennent du temps. Or, la plainte pour tortures dans le dossier de Chani a été classée en une semaine ».
Mohamed Khelladi qualifié d’ »agent 007″
Dans son élan, Me Sidhoum a dénoncé le comportement d’un de ses confrères, Me Belarif, qui, selon lui, a pris le téléphone pour appeler un général »en vue de lui dire : voilà ce que l’on dit de vous ». Et de revenir sur la demande du procureur général d’auditionner Larbi Medjdoub, le neveu de Chani. « Ce garçon est âgé d’à peine 20 ans, il s’est retrouvé au sein des locaux des services spéciaux où il a subi des humiliations. On fait du chantage à Chani Medjdoub à travers son neveu », a déclaré l’avocat, qui a précisé que Larbi Medjdoub se trouve aujourd’hui au Luxembourg. « Un Algérien qui réussit est devenu punissable », a déploré Me Sidhoum parlant de la réussite de son client, ajoutant que « parce que Chani possède une adresse à la résidence d’Etat Club des Pins, il est tout de suite suspect. Elevons le niveau! ».
Me Sidhoum a chargé l’accusé Mohamed Khelladi qu’il a qualifié d' »agent 007″ en référence au personnage de fiction : « C’est dommage que des sommités comme Mohamed Bouchama (ancien secrétaire général du ministère des Travaux publics également accusé dans l’affaire, Ndlr) sont jetés en prison, alors qu’ils doivent être au sommet pour leur honnêteté! »
En guise de conclusion de sa plaidoirie, l’avocat s’est adressé au président du tribunal : « C’est à vous, Monsieur le président, de remettre les pendules à l’heure. Vous avez la chance d’écrire une page de l’histoire, écrivez-la haut et fort au nom de la République et de la justice indépendante. »
A noter que cet après-midi c’est la défense de Mohamed Khelladi qui prendra le relais.