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Affaire de l’aéroport d’Alger : de nouvelles révélations pour démêler le vrai du faux ! (Exclusif)

Par Kheireddine Batache
juin 16, 2021
Affaire de l’aéroport d’Alger : de nouvelles révélations pour démêler le vrai du faux ! (Exclusif)

Comment une histoire de « rétro-commissions » a-t-elle pu faire capoter un contrat à 5,3 millions et non 700 millions d’euros pour l’entreprise britannique Ultra Electronics ? Pourquoi l’instruction judiciaire a-t-elle tardé à se mettre en marche malgré l’existence d’une plainte contre la SGSIA, déposée en mai 2019 au niveau de la BEF de la sureté de la wilaya d’Alger ?

L’affaire « tabou », aux forts relents de corruption, qui concerne l’aéroport d’Alger (SGSIA), révélée en début de semaine par le quotidien Echourouk, n’a en fait pas accouché de tous ses secrets. Des documents exclusifs détenus par notre rédaction apportent plusieurs compléments d’information, permettant d’éclairer la grille de lecture relative à ce nouveau pavé jeté dans la mare, qui vient de crucifier, à nouveau, le secteur du transport et des infrastructures en Algérie.

En effet, dans un témoignage exclusif à Maghreb Emergent, des sources proches du dossier ont livré leur version des faits. Les tenants et les aboutissants de cette affaire rocambolesque trouvent leur origine au début du projet de l’aéroport d’Alger, géré par la société nationale (SGSIA). En mars 2016, les noms de trois (03) entreprises étrangères (et non pas cinq (05) contrairement à ce qui a été avancé par Echourouk), à savoir Ulta Electronics, SITA et RESA sont retenus par une commission des marchés, chargée de sélectionner le futur partenaire et sous-traitant devant participer, au côté du maitre d’ouvrage qui allait construire la future infrastructure algérienne, en l’occurrence le chinois CSCEC. La commission en question est composée de 15 membres et présidée par le P-DG de l’Aéroport d’Alger. Cette short-list apparaît dans un courrier officiel (dont Maghreb Emergent détient une copie) daté du 23 mars 2016, adressé par le directeur de projet de CSCEC, Luo Jianpeng, au directeur de projet de SGSIA.

Un contrat à 5,3 millions d’euros et non à 700 millions d’euros

Suite à de multiples tractations d’usage, c’est donc l’entreprise Ultra Electronics, leader mondial de solutions informatiques pour l’industrie aéroportuaire et revendiquant environ 70% de part de marché mondial, qui est retenue pour la réalisation des systèmes informatiques (lot 24, lot 25, lot 26, lot 44, lot 46, lot 47, lot 48). Selon notre source, cette partie du marché vaut 5,3 millions d’euros et non 700 millions d’euros, qui serait en réalité le montant global du projet.

« Et c’est alors à ce moment là que le SGSIA exige aux chinois un représentant local, qui devra travailler avec le sous-traitant sélectionné, en l’occurrence Ultra Electronics, pour la prise en charge « la partie software » du terminal 1 comme mesure d’accompagnement », précise une source proche du dossier. Cette déclaration est étayée par une correspondance (qui est en notre possession), envoyée le 09 juin 2016 par le directeur du projet du projet de l’Aérogare Ouest (aéroport d’Alger), à la direction du groupe de BTP chinois. « Suite au comité exécutif de la SGSIA N°53 tenu le 25 mai 2016 à 14h avec le président directeur général, nous vous confirmons que le sous-traitant retenu pour les lots, 24, 25, 26, 44, 46, 47 et 48 respectivement AODB, RMS, BSM, CUPPS, CUSS, BRS et FIDS proposé par l’entreprise et approuvé, sur le plan technique, par le bureau d’étude, est celui décrit dans le CPT et qui est ULTRA ELECTRONICS », lit-on dans la correspondance. Le document ajoute : « De ce fait, nous vous demandons d’entamer les études avec le sous-traitant en question dans les meilleurs délais ».

Après des concertations en interne, les deux entreprises vont s’accorder à choisir la société « 2Forces », détenue et gérée par un certain « F.K » (comme Cité dans l’article publié par Echourouk), un ancien directeur des vente chez Ooredoo. Celui-ci, devait servir de référent officiel pour le traitement d’éventuelles procédures ou démarches techniques entre les différents partenaires.

Selon un autre contact, c’est au moment de signer le contrat entre le maitre d’ouvrage de l’aéroport et Utra Electronics que les les choses se gâtent ! Ce même personnage (F.K) servira d’intermédiaire à des hauts responsables au sein de la SGSIA, pour exiger du nouveau sous-traitant de leur verser, à l’avance, une commission de 500 000 euros. Une requête à laquelle la direction de Ultra Electronics aurait « catégoriquement » refusé d’accéder, d’après le témoignage de notre informateur. « ultérieurement, les anglais qui tenaient à leur image de marque et au respect des règles, ont demandé le remplacement immédiat du représentant local, avec qui ils ne voulaient plus travailler », nous explique-t-il.

L’entreprise 2Forces sera, de facto, remplacée par Condor, qui reçoit au passage les faveurs du sous-traitant anglais. Ce dernier voit en cette manœuvre un compromis permettant de remettre les pendules à l’heure, afin de repartir sur de bonnes bases avec son vis-à-vis algérien. Mais c’est sans compter sur direction de la SGSIA, qui oppose son veto à l’introduction de la société Condor comme représentant local, en prétextant que l’entreprise de Benhammadi n’avait pas les compétences nécessaires à ce genre d’ingénierie.

Du côté de Ultra Electronics, un malheur peut en cacher un autre ! Alors que la phase des travaux techniques avaient débuté, notamment suite au déplacement d’un chef de projet pour évaluer les installations existantes de la SGSIA aéroport d’Alger.

Dans la foulée du chantier du nouvel aérogare , la société britannique apprend que des instructions sont données aux chinois pour passer au numéro 2 de short-list retenue par la commission des marchés, en l’occurrence SITA, alors que celle-ci avait déjà statué sur ce marché, en délivrant aux anglais une attestation d’attribution de marché.

D’autre part, « la commission n’avait pas les prérogatives ni la compétence nécessaires pour qu’elle puisse se prononcer sur les caractéristiques techniques de Condor », suggère l’un de nos interlocuteurs.

Le consulat de Grande Bretagne tente de jouer les médiateurs

C’est alors qu’au bout de plusieurs courriers envoyés à la tutelle algérienne des transports par des parties prenantes de ce dossier, entre 2017 et 2018, qu’intervient officiellement le Consulat de Grande Bretagne en Algérie auprès de l’ancien ministre des Transport, Abdelghani Zaalane, pour tenter de sauver les meubles de Ultra Electronics.

De son côté, Ultra Electronics a également saisi le cabinet du ministre via une lettre de recours envoyée le 5 septembre 2017 par la Direction régionale, représentée par J.L, dans laquelle elle demande clairement au ministère de « défendre ses intérêts ainsi que ceux de la SGSIA » et de l’aider à régler ce quiproquo. « Par cette même occasion nous vous adressons cette lettre de recours afin de défendre nos intérêts et surtout ceux de la SGSIA pour avoir l’honneur de vous équiper avec le meilleur logiciel aéroportuaire du monde, former des cadres algériens et avec eux faire de l’aéroport international d’Alger la référence numéro 1 au Maghreb arabe en devenant le hub le plus important de la région. » Lit-on dans cette missive.

Une rencontre ayant réuni le ministre avec des représentants de l’ambassade et d’autres de Ultra Electronics a pu avoir lieu à la suite de cet échange écrit, nous apprend l’une des sources que nous avons interrogées, sans arriver, toutefois, à entrevoir le bout du tunnel.

Mais en mai 2019, une plainte déposée auprès de la Brigade Économique et Financière de la Sureté de la wilaya d’Alger (BEF) contre la direction de la SGSIA, aboutit à une enquête diligentée par les services de ce département de sécurité. Plusieurs employés de la direction technique de l’aéroport furent alors convoqués et entendus dans le cadre de cette affaire, mais également des sous-traitants de la SGSIA, avant qu’un juge d’instruction ne se saisisse à son tour de ce dossier. Selon nos sources, des ordonnances ont été prises en vue d’écarter certaines « grosses têtes » de la SGSIA, sans que cela n’ait pu aboutir à du concret.

En attendant que la justice algérienne « travaille » pour démêler le vrai du faux dans cette affaire aux multiples zones d’ombres et autres angles morts, la sortie médiatique du quotidien Echourouk et le chiffre gargantuesque (700 millions d’euros) du marché pointé du doigt, vont sans doute permettre de faire sauter les verrous d’un autre grand scandale de corruption sous la dynastie Bouteflika.

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