Akli Ourad, consultant international, est un habitué de la ligne Ouagadougou-Alger. Choqué par le crash de l’AH 5017, il raconte l’ambiance « traditionnelle » de son « bus » mensuel.
« Sur les 2 dernières années, j’ai dû prendre 30 fois ce vol pour des raisons professionnelles, dont le dernier remonte à seulement 3 semaines. Pour moi, Alger-Ouaga était plus mon » bus » habituel, pour aller à mon travail qu’un vol international. C’est un sentiment incroyable de se savoir passer à côté d’une mort certaine. Le 25 Juin dernier, en rentrant dans la zone internationale de l’aéroport d’Alger pour prendre le vol prévu pour Ouagadougou, je retrouve un attroupement de passagers en colère, harcelant le personnel d’Air Algérie pour s’assurer que l’avion est bel et bien là pour effectuer le vol. Les pauvres étaient coincés dans la zone minuscule des départs pendant 48 heures à cause de l’annulation de leur vol 2 jours auparavant. Etant tous des étrangers, la compagnie a été incapable de leur délivrer des visas de transit pour leur permettre d’attendre le prochain vol…Inchallah! Ils se sont retrouvés en ‘garde à vue’ pendant 48 heures à l’aéroport ».
« Nous n’aimons pas les vols affrétés »
« Je ne veux pas spéculer à ce stade sur les circonstances de cet accident, mais je voudrais revenir sur les conditions entourant ces vols plutôt irréguliers vers Ouagadougou. Très souvent, ce vol est retardé si ce n’est annulé. C’est connu, Air Algérie opère un programme au-dessus de ses capacités, ce qui explique ce recours systématique aux affrètements d’avions souvent chez des pourvoyeurs très peu regardants du point de vue de la sécurité de leurs aéronefs. Il est établi que les avions affrétés ont un taux d’accident à peu près 10 fois plus élevé que les avions des compagnies aériennes commerciales. Il est aussi important de savoir qu’à chaque fois qu’Air Algérie nous installe dans un avion charter, notre probabilité de chuter des hauteurs avoisinant les 10.000 m est multipliée par 10. La compagnie a la responsabilité d’informer ses passagers de ces cas d’affrètement et doit leur donner le choix d’embarquer sur ces aéronefs approximatifs ou prendre un des avions de la compagnie reconnus plus sûrs. Les pauvres passagers ayant embarqué sur le vol AH 5017 la nuit dernière n’avaient pas eu ce choix. » Ce sont pour la plupart des hommes amoureux de l’Afrique et des humanitaires et des professionnels en première ligne de la guerre que les bons de ce monde mènent contre la pauvreté et le fatalisme.
« Je devrais prendre ce vol »
« Une semaine avant le vol, un collègue de l’organisation américaine avec laquelle je travaille m’a appelé pour me demander si je pouvais participer à une conférence sur le financement routier au Burkina le 22 juillet. Ayant déjà prévu mes congés de l’Aïd je décline l’offre. Je viens de vérifier mes dates. La découverte est glaçante. Si j’avais accepté mon vol de retour aurait été ce maudit vol puisqu’Air Algérie n’opérait pas de vol le 22 au soir. La vie finalement est un jeu de roulette…russe. Je n’ai jamais parié mais ce matin j’ai gagné quelques années de plus ».
« La sécurité à l’embarquement d’Ouagadougou en question »
« Un autre aspect qui m’a toujours inquiété dans ces vols vers le pays des Hommes libres (Burkinabès) est la sécurité de l’aéroport d’Ouagadougou. La sécurité de cette infrastructure stratégique est réduite à son minimum dans ce pays avec très peu de moyens ; le Burkina Faso est classé parmi les 5 pays les plus pauvres au monde. L’aéroport se trouve en plein centre-ville avec une enceinte très peu gardée, qui ne dépasse pas 1 m 50 sans aucun dispositif de sécurité digne de ce nom. Souvent des gens ordinaires escaladent le mur pour se retrouver dans le périmètre de sécurité pour récupérer toutes sortes de choses. Au moment, où nous rédigeons cet article, la possibilité d’un acte terroriste n’est toujours pas exclue. Une infiltration malveillante de ce côté-là n’est pas à écarter ».